Avignon « in » : Boris Charmatz, le rassemblement par la danse

« Artiste complice » du Festival d’Avignon 2024, Boris Charmatz y inscrit plusieurs propositions chorégraphiques, dont un grand atelier participatif à ciel ouvert – Cercles – qui entre en résonance directe avec le contexte politique actuel.

Jérôme Provençal  • 25 juin 2024 abonnés
Avignon « in » : Boris Charmatz, le rassemblement par la danse
Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, et son complice Boris Charmatz, qui présente trois propositions dans le in.
© Christophe RAYNAUD DE LAGE / Festival d’Avignon

Depuis 1967, année du surgissement de Messe pour le temps présent de Maurice Béjart dans la cour d’honneur du Palais des papes, le Festival d’Avignon – dédié historiquement d’abord au théâtre – accorde aussi une place importante à la danse. En témoigne nettement l’édition 2024, qui s’ouvre ce 29 juin, dont un des invités principaux est Boris Charmatz.

Danseur remarquable, chorégraphe de premier plan, théoricien éclairé, celui-ci se trouve mis en exergue comme « artiste complice », un nouveau statut imaginé par le ­metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, directeur du festival depuis 2022. De son côté, Boris Charmatz dirige le Tanztheater Wuppertal, illustre compagnie de Pina Bausch, depuis la même année, tout en poursuivant les activités de sa structure, nommée [terrain].

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Reliés par une convergence intime entre leurs pratiques scéniques, les deux hommes incarnent une Europe qui prend l’initiative de nommer à la tête de prestigieuses institutions nationales des personnes venues de pays étrangers. «Dans le cadre du Festival d’Avignon 2024, notre complicité artistique traduit une volonté affirmée de montrer des projets en train de s’inventer, de se tenter», précise Boris Charmatz.

Notre complicité artistique traduit une volonté affirmée de montrer des projets en train de s’inventer, de se tenter.

B. Charmatz

L’un de ces projets s’intitule Forever et consiste en une libre réappropriation de Café Müller, pièce iconique de Pina Bausch, créée en 1978 et accueillie dans la cour d’honneur du Palais des papes en 1995. Ici, à La Fabrica, vingt-cinq interprètes de générations différentes – dont Boris Charmatz lui-même et Héléna Pikon, membre emblématique du Tanztheater Wuppertal – (re)jouent la pièce six fois de suite (14, 15, 17, 18, 20 et 21 juillet), dans une version très brute, de diverses façons, en costumes originaux ou tenues de répétition.

S’ajoutent des interludes divers, notamment des lectures de textes sur la pièce et des évocations de souvenirs. Le dispositif de la salle permet au public de varier les points de vue. Placé sous le double signe de l’immersion et de l’infinitude, l’ensemble dure sept heures – une « traversée » de deux heures environ étant conseillée pour avoir un bon aperçu du projet. En écho est programmé un ciné-marathon invitant à (re)voir plusieurs films de ou autour de Pina Bausch, dont Un jour Pina a demandé (1983), de Chantal Akerman.

« Une manière d’être ensemble »

Outre une version spéciale de sa dernière création en date, Liberté Cathédrale, déployée ici en plein air dans le stade de Bagatelle (5, 6, 8 et 9 juillet), Boris Charmatz propose, en ouverture du festival, une expérience inédite, baptisée Cercles. Celle-ci prend la forme d’un atelier à ciel ouvert, également dans le stade de Bagatelle, réunissant deux cents personnes – professionnelles ou non – pour mener ensemble un travail de recherche en vue d’une création future autour des danses en cercles.

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« Le cercle représente une manière d’être ensemble autant qu’un risque de fermeture, de repli sur soi », souligne Boris Charmatz. Conçu bien en amont, le projet prend un relief très particulier à l’aune de la crise que vit la France à la suite du triomphe du Rassemblement national aux récentes élections européennes et de la dissolution subséquente de l’Assemblée nationale – d’autant plus que les trois ­sessions ouvertes (gratuitement) au public de ce grand atelier chorégraphique vont avoir lieu du 29 juin au 1er juillet, la ­deuxième se déroulant le jour du premier tour des législatives anticipées.

Avignon, c’est tout le contraire du RN : le rassemblement international.

B. Charmatz

« La menace qui pèse actuellement sur le projet européen et sur la démocratie est immense, s’inquiète Boris Charmatz. Comment a-t-on pu laisser s’installer dans le débat public l’idée que l’immigration serait un problème prioritaire pour la France ? C’est dingue. Le monde n’est pas vivable avec des frontières fermées hermétiquement. La migration est indispensable, à tous les niveaux, notamment au niveau culturel. Très politique tout au long de son histoire, le Festival d’Avignon va forcément être secoué par le résultat des législatives. Il représente une Europe ouverte, agissante, créative – encore plus depuis que Tiago Rodrigues en assure la direction. C’est tout le contraire du RN : le rassemblement international. »

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Spectacle vivant
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