Loi sur la fin de vie, la fin d’un espoir ?
Une représentante de Choix, citoyens pour une mort choisie dénonce la dissolution de l’Assemblée nationale ayant mis fin à l’examen du projet de loi sur la fin de vie.
dans l’hebdo N° 1815 Acheter ce numéro
La dissolution de l’Assemblée nationale a mis fin à l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, dont le vote solennel était fixé au 18 juin. La représentante Nord-Pas-de-Calais du Choix, citoyens pour une mort choisie, revient sur les étapes du processus ayant abouti à ce texte législatif et réaffirme les combats à venir des militants de son mouvement.
La déception des militants pour une autre médecine – celle qui reconnaîtrait au patient le droit de décider de son devenir avec un médecin – est grande. Le projet de loi enfin débattu à l’Assemblée nationale était une révolution qu’une majorité de Français attendait depuis plus de vingt ans, avec plus ou moins de réserves ; un droit nouveau, émancipateur, après l’amorce de ce droit au libre arbitre par la loi Kouchner de 2002 qui en posait les bases, avec le principe du consentement, et alors que nos voisins belges inscrivaient dans leur loi ce qui allait devenir un modèle dans le monde et en France. Il s’agissait surtout de faire respecter la volonté du patient dans des situations extrêmes.
Vingt ans d’attente ont été balayés par le coup de folie d’un homme sans doute arrivé trop tôt aux responsabilités.
Plus de vingt ans d’attente ont été balayés par le coup de folie d’un homme sans doute arrivé trop tôt aux responsabilités et qui a joué son hypothétique avenir politique au risque de donner les clés du pouvoir à un courant rétrograde et antidémocratique qui rappelle les pires heures de notre histoire. Balayé d’un coup, un processus démocratique questionnable mais qui avait abouti à ce que le débat sur la fin de vie entre enfin dans la sphère publique et que nos législateurs s’en emparent.
Rappelons-en les étapes : un débat annoncé dans le deuxième mandat Macron, puis un rapport du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) qui lui en donnait le feu vert en 2022 tout en posant des « exigences éthiques incontournables en cas de dépénalisation de l’aide active à mourir ». Le CCNE prenait parti pour un modèle, le suicide assisté, sortant cette aide du soin et la limitant à quelques cas de malades en toute fin de vie. Beaucoup d’entre nous s’étaient inquiétés de cette formulation en mode diktat, mais avaient aussi exulté à l’annonce d’une convention citoyenne qui devait poser les bases d’un droit nouveau : « La volonté du patient et son libre arbitre doivent prévaloir dans tous les cas », avaient conclu les conventionnels.
Bien sûr, notre combat va être mis en sourdine tant les libertés sont en grand danger.
Le Conseil économique, social et environnemental renforçait la parole des citoyens par quelques principes, dont celui-ci : « faire évoluer la loi dans un projet humaniste d’une société solidaire inclusive et émancipatrice ». Même l’Ordre des médecins réclamait que les médecins soient intégrés à l’ensemble de la procédure. Le débat dans le pays, dont la presse se faisait l’écho, était inédit. Nous avions rarement connu une telle émulation. La déception de nos militants pourtant critiques sur le texte du gouvernement a été d’autant plus grande.
Nous connaissons bien les positions des mouvements politiques d’extrême droite, dont la famille Le Pen, tante et nièce. Ils ont multiplié les déclarations contre l’évolution de la loi, contre l’IVG, et préfèrent voir les femmes au foyer plutôt qu’au travail. Nous n’attendons aucun progrès social de leur part. Nous connaissons aussi le pouvoir des mouvements anti-choix, dont l’agenda épouse l’idéologie de l’extrême droite mondiale, et dont l’enjeu n’est autre que d’« établir au monde un ordre juridique conforme à la loi naturelle (association One of Us) (1) ».
Lire Pour Sophie et tous les autres. Enquêtes pour le droit de choisir sa mort, Mark Lee Hunter, Angèle Delbecq et Jean-Louis Touraine, L’Harmattan, 2023.
Face à la vague brune qui s’annonce, nous allons tout faire pour qu’elle n’accède pas au pouvoir, et poursuivre ce que nous faisons depuis plusieurs années, avec des médecins courageux, engagés, et qui n’hésitent pas à accompagner les personnes en désespérance médicale dans notre pays vers la Belgique, qui les accueille avec bienveillance et humanité. Cette médecine humaniste n’a pas de frontière. Nos médecins formés auprès de leurs confrères et consœurs belges ne changeront rien à leur conviction : apporter soutien aux personnes en grande souffrance physique ou psychique, desquelles nos pusillanimes dirigeants détournent le regard.
Nous continuerons à agir, dans la désobéissance civile, pour une médecine humaine qui prenne en compte la volonté du patient à toutes les étapes de sa vie, y compris quand il ou elle est en situation de devoir choisir d’y mettre fin. Bien sûr, notre combat va sans doute être mis en sourdine, tant les libertés, celles d’expression et d’agir, sont en grand danger. Et sans ces libertés il n’y a plus de progrès social possible. Aujourd’hui nous formons le vœu que toutes les forces démocratiques de ce pays se mobilisent pour faire barrage aux forces réactionnaires, voire obscurantistes, qui nous menacent.
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