Nouveau Front populaire : assumer la rupture

La coalition des gauches est sommé de prouver le sérieux de son programme économique. Or, la question première n’est pas le chiffrage, mais l’orientation politique : où voulons-nous aller ?

Mireille Bruyère  • 26 juin 2024
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Nouveau Front populaire : assumer la rupture
Manifestation contre le RN, à Paris, le 23 juin 2024.
© Guillaume Deleurence

Les médias conservateurs ont qualifié le programme du Nouveau Front populaire (NFP) d’économiquement irrationnel demandant « des chiffres » certifiés par des économistes patentés. Ils espèrent montrer que ce programme n’est pas sérieux, qu’il relève de la « foire à la saucisse » selon l’expression de Mme Braun-Pivet.

Le chiffrage enferme la politique dans l’ordre économique actuel.

Comment réagir pour soutenir politiquement le NFP ? Convoquer l’expertise des économistes et répondre par un chiffrage précis montrant l’équilibre des comptes publics va rassurer une partie de l’électorat (en particulier ceux qui possèdent du patrimoine). Mais cette stratégie reste prise dans la logique économique et comptable que le NFP combat. Le chiffrage enferme la politique dans l’ordre économique actuel. Une politique de rupture et de bifurcation est par définition une politique qui rompt aussi avec les logiques économiques et comptables qui ont mené au désastre. La rupture, c’est suivre d’autres enjeux politiques et en déduire d’autres logiques économiques.

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La question première n’est pas le chiffrage, mais l’orientation politique : où voulons-nous aller ? La logique du capitalisme est l’accroissement de la domination par l’exploitation du travail et de la nature, et par l’accumulation du profit. Cette domination fondamentale s’exprime économiquement par des inégalités économiques affolantes. Le programme du NFP de rupture ne peut pas s’en tenir à l’équilibre des comptes, car la rupture, c’est nécessairement diminuer drastiquement les inégalités économiques, soit s’attaquer aux intérêts des plus riches. La réussite de ce programme dépend non seulement d’une victoire aux législatives, mais surtout d’un mouvement social populaire et solidaire après les élections pour imposer un nouveau rapport de force capable de faire face aux attaques du bloc bourgeois qui ne vont pas manquer.

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Cette nouvelle répartition implique en réalité une sortie de la logique d’accumulation du capitalisme, car, à la différence des Trente Glorieuses, où les inégalités ont baissé à la faveur de la croissance, il n’est plus possible de se fonder sur cette dernière pour diminuer la conflictualité. La baisse des inégalités ne peut se faire sans une conflictualité politique assumée afin de la cantonner aux espaces démocratiques. L’exemple des retraites est emblématique : revenir sur la réforme Macron sera possible sans trop modifier la répartition, mais la retraite à 60 ans demande d’aller chercher le financement dans les profits qui sont au cœur de la logique d’accumulation du capital.

Pour éviter de reproduire le renoncement de la gauche en 1984, assumons la transformation sociale profonde incluant l’arrêt de la logique d’accumulation et d’exploitation productiviste.

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