Comment la mort de Nahel a permis l’union des macronistes et de l’extrême droite
Un an jour pour jour après que le policier, Florian M., a tué le jeune Nanterrien de 17 ans lors d’un refus d’obtempérer, les réponses apportées et proposées par le gouvernement à destination des jeunesses en difficulté sont sur la même ligne que celles de Jordan Bardella : répressives et autoritaires.
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Un an après Nahel, à Nanterre : « Ne jamais baisser la garde » Ce qu’une note des RG préconisait pour les quartiers populaires… dès 2005Quand l’un appelle au « sursaut », l’autre imagine un « big-bang ». Sur TF1, mardi 25 juin au soir, Gabriel Attal et Jordan Bardella se complaisent dans la surenchère lorsqu’ils réclament un retour de l’autorité pour la jeunesse. La différence entre les deux apparaît alors minime. Mais comment s’en étonner ? Depuis la mort de Nahel, il y a un an jour pour jour, les macronistes n’ont fait que propager et légitimer la vision ultraréactionnaire des aspirations et des difficultés des jeunes générations véhiculée par le Rassemblement national.
On est le 27 juin 2023 quand le jeune homme de 17 ans se fait abattre à bout portant par un policier. Les images, d’une violence rare, font le tour du pays. Et l’embrase. De très nombreux quartiers populaires ne supportent pas ce nouveau décès. Cette nouvelle violence policière. Depuis des années, maintenant, leurs habitants réclament une réforme systémique parmi les forces de l’ordre pour éradiquer le racisme et les violences. Mais aussi des plans d’aide pour lutter contre la précarité, le manque de formation ou le décrochage scolaire, alors que les inégalités entre ces quartiers et les grandes villes ne font, bien souvent, que s’accroître.
Leur embrasement est un cri de rage. Un ras-le-bol général. Du racisme. De l’abandon. Des barrières d’accès au logement, à un emploi, à une éducation digne de ce nom. Des violences policières, surtout, alors que les morts suite à des refus d’obtempérer ont explosé depuis 2017 et l’élargissement de l’usage des armes à feu en cas de refus d’obtempérer. En juillet 2023, Politis et Basta! soulignaient qu’au moins 21 personnes avaient été tuées lors d’un contrôle routier depuis 2020. Un chiffre en très forte augmentation.
Pourtant, la réponse du gouvernement à cette révolte de la jeunesse populaire se résume en un mot : répression. Sur le moment déjà. Envoi du RAID et de la BRI dans les quartiers. Des violences policières, encore. Des morts, encore, comme Mohamed Bendriss, tué par un tir de « bean bag » du RAID à Marseille. Et une justice expéditive et punitive.
Stigmatiser encore, réprimer toujours plus
Puis, ensuite, dans les « réponses de fond » apportées par le gouvernement. Quatre mois après les révoltes qui ont éclaté dans de nombreuses villes en France, Élisabeth Borne, alors première ministre, annonce une série de dispositions particulièrement dures. « Encadrement de jeunes délinquants par des militaires, qui pourront notamment transmettre des valeurs de discipline et de dépassement de soi », multiplication par cinq de l’amende pour non-respect du couvre-feu, création d’une force d’action républicaine (FAR) expérimentée à Besançon, Maubeuge et Valence…
Un refrain aux allures lepénistes qui n’a fait que légitimer les thèses de l’extrême droite dans le débat public.
Dans le même temps, le service national universel est déployé dans les lycées, moyennant une augmentation de budget de plusieurs millions d’euros. Des mesures sur lesquelles ne cracherait pas le Rassemblement national, lequel a toujours encouragé ce dispositif pourtant décrié. Stigmatiser encore, réprimer toujours plus.
En revanche, aucune réponse sociale n’est apportée. Les mères célibataires des quartiers populaires, dont de nombreux enfants ont été interpellés pendant les révoltes de l’été dernier, n’ont pas été aidées. Le plan d’urgence dans l’éducation réclamé par les enseignants de la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre du territoire métropolitain, est balayé par le gouvernement. Sur le terrain, les élus sont, bien souvent, abandonnés. Dans le même temps, les morts suite à des refus d’obtempérer continuent d’alourdir un bilan déjà impressionnant.
Ping-pong droitier
Ce refrain de l’ordre à instaurer, voire à réinstaurer, pour une jeunesse supposée dilettante et « ensauvagée » – notamment lorsqu’elle est racisée – est même devenu un mantra macroniste. L’instauration de couvre-feux pour les mineurs dans des territoires ultramarins en est une autre illustration. Un refrain aux allures lepénistes qui n’a fait que légitimer les thèses de l’extrême droite dans le débat public.
Comment s’étonner, alors, ce mardi 25 juin – lors du débat télévisé entre Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard – que les deux premiers soient sur la même longueur d’ondes lorsqu’il s’agissait de parler de la jeunesse. Lorsque le locataire, pour quelques jours encore, de Matignon affirme que sa « priorité, c’est la délinquance des mineurs », le patron du RN entend, lui, rétablir « l’autorité et la sécurité dans le pays ». Le ping-pong droitier ne fait que continuer : quand Gabriel Attal promet « d’atténuer l’excuse de la minorité », qui consiste à juger un mineur différemment d’une personne majeure, Jordan Bardella propose, lui, de la « supprimer ».
Ce n’est pas le seul point sur lequel les deux hommes se rejoignent. Ils partagent tous les deux la volonté d’ouvrir les comparutions immédiates aux mineurs. Mais aussi le fait de cibler la responsabilité des parents lorsque leur enfant est condamné. Quand Gabriel Attal souhaite instaurer un stage de « responsabilité parentale », voire des travaux d’intérêt général, doublés d’une peine qui passerait de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende à trois ans et 45 000 euros, Jordan Bardella voudrait, lui, « suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs récidivistes ». Autre point commun : le port de l’uniforme à l’école, que Gabriel Attal a fait expérimenter dans 100 établissements lorsqu’il était ministre de l’Éducation, et que Jordan Bardella veut rendre obligatoire à l’école et au collège.
Arrivé à Matignon lors du remaniement en début d’année, Gabriel Attal n’a pas changé sa ligne autoritaire. Dans son discours de politique générale tenu le 30 janvier, ce dernier proposait de réserver les « 50 000 places d’internat disponibles » à des « jeunes sur la mauvaise pente », afin de les « couper de leurs fréquentations ». Le tout, pour les prévenir de « plonger dans la délinquance ». Il avait alors lancé cette maxime, idéale pour les bandeaux de chaîne d’infos en continu : « Tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter. » Du Bardella dans le texte.
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