Européennes : un scrutin écrit d’avance

Loin d’être banal, le scrutin des élections européennes de ce dimanche 9 juin ne réservera aucune surprise, entre abstention forte et triomphe de l’extrême droite. À gauche, la désunion entraînera la gueule de bois et la nécessité de reconstruire.

Pierre Jacquemain  • 5 juin 2024
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Européennes : un scrutin écrit d’avance
Meeting de Marie Toussaint (Les Écologistes), à Aubervilliers, le 2 juin 2024.
© Maxime Sirvins

Les élections européennes de ce dimanche n’ont rien d’un scrutin banal. Sans doute sont-elles les plus importantes de l’histoire de la construction européenne. Avec la guerre qui frappe à nos portes, la poussée des nationalismes et des eurosceptiques, les ingérences étrangères, c’est l’idée même d’Union européenne qui est menacée.

La campagne qui s’achève laisse un goût amer.

Les Français ne voulaient pas de cette Europe-marché. Ils l’ont rejetée en 2005 en votant contre le référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE). Et en s’asseyant sur la volonté du peuple, celles et ceux qui ont gouverné depuis ont chaque jour toujours plus éloigné les citoyens de leurs institutions communautaires. La campagne qui s’achève laisse un goût amer. Comme si les candidats n’avaient pas pris la mesure du danger qui guette. Il aura finalement été moins question d’Europe que de controverses franco-françaises – aussi légitimes soient-elles –, concours de punchlines et règlements de comptes.

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Que retient-on ? Après des mois de campagne, qui peut sérieusement dire quelles sont les idées des uns et des autres ? Les idées ont été les grandes absentes de cette élection. Et les politiques n’en portent pas seuls la responsabilité : les médias ont largement participé de l’appauvrissement du débat public. Avec pour conséquence un désintérêt des citoyens. Un désintérêt d’autant plus fort que le récit est écrit d’avance. L’abstention gagnera. L’extrême droite française sera puissante à plus de 40 % – avec les listes du Rassemblement national et de Reconquête, et sans même compter les voix des Républicains de plus en plus lepénisés.

Gueule de bois

Un autre récit, le soir du 9 juin, pouvait s’écrire. Celui d’une gauche rassemblée faisant jeu égal avec l’extrême droite.

La Macronie sortira affaiblie. Et la gauche éclatée. La gueule de bois sera sévère. À gauche, on se contentera de talonner la candidate macroniste, voire peut-être de la dépasser, espère-t-on chez les partisans de Raphaël Glucksmann. C’est dire le niveau d’ambition, avec un score inférieur de plus de moitié à celui de la liste de Jordan Bardella. Les insoumis devraient maintenir leur nombre d’élus siégeant au Parlement européen, limitant de peu la casse d’une campagne controversée.

Et les écologistes croient pouvoir renouveler la surprise de 2019 – ils étaient passés de 6 % dans les intentions de vote à 13 % – même si la menace de ne pas atteindre le seuil de 5 %, et donc de disparaître du paysage européen, pèse lourdement. Quant aux communistes (1), leur campagne, aussi dynamique fût-elle, n’aura été que simple témoignage. Ils n’enverront aucun élu à Bruxelles.

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Ces dernières semaines, Politis s’est entretenu avec les têtes de liste, ou leurs représentants, de La France insoumise, des Écologistes et du Parti socialiste-Place publique. Seuls les communistes n’ont pas souhaité répondre favorablement à nos invitations, nombreuses.

La responsabilité de la gauche et des écologistes est immense. Car un autre récit, le soir du 9 juin, pouvait s’écrire. Celui d’une gauche rassemblée faisant jeu égal avec l’extrême droite, voire arrivant en tête, devant elle – comme ce fut le cas aux dernières élections législatives. Bien sûr, la politique n’est pas une affaire d’addition. Bien sûr, il y a des désaccords à gauche.

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Mais quand 9 pays sur 27 s’apprêtent à placer l’extrême droite en tête du scrutin, et en deuxième position dans 9 autres ; quand la France se prépare à envoyer la plus importante délégation d’extrême droite au Parlement européen ; quand la guerre frappe et que les libertés sont atteintes, que les droits des femmes, des LGBTI et des exilés sont remis en cause, que le dogme budgétaire européen et la précarité s’imposent, la priorité de la gauche aurait dû être d’empêcher ce sombre scénario. Elle le pouvait. La campagne laissera des traces. Lundi, le réveil sera difficile. Et il faudra tout reconstruire.

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Parti pris

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