Le macronisme, sombre histoire

Avec la dissolution, le président joue avec le feu et il aime ça. Mais le macronisme est bel et bien fini. Seuls le RN et le Nouveau Front populaire se disputent la bataille de l’alternance. Et dès dimanche, le barrage à l’extrême droite doit être clair et net.

Pierre Jacquemain  • 26 juin 2024
Partager :
Le macronisme, sombre histoire
Emmanuel Macron, sur l'île de l'Île-de-Sein, le 18 juin 2024.
© Christophe Ena / POOL / AFP

Pour Emmanuel Macron, les programmes du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national associé à son nouvel allié Éric Ciotti mèneraient tout simplement à « la guerre civile ». On peut se demander si ce n’est pas son souhait. S’il croit vraiment à ce qu’il dit, pourquoi aurait-il pris le risque de dissoudre l’Assemblée nationale dès lors qu’il savait sa défaite probable ? Le président joue avec le feu. Et il aime ça. Le propre du pompier pyromane n’est-il pas d’aimer voir le feu brûler et la terre se consumer ?

Nous y sommes. Il n’est jamais avare de rhétorique belliqueuse, notre hôte de l’Élysée. Déjà, pendant la crise sanitaire, Emmanuel Macron l’avait assumé : « Nous sommes en guerre », avait-il martelé lors d’une allocution aux allures martiales. Et, plus récemment, de répéter qu’il ne fallait pas s’interdire d’envoyer des troupes au sol en Ukraine, prenant le risque d’une escalade mondiale.

Sur le même sujet : Macronie : l’extrême diabolisation de la gauche

Le quinquennat de Macron s’achève sous nos yeux, tragiquement. Le macronisme est mort. Et personne ne lui survivra. Ses héritiers ne lui disputent même plus son héritage, tant ils cherchent à se distinguer. Ils prétendent déjà incarner une autre voie. Mais, pour l’heure, seuls le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national disputent réellement la bataille de l’alternance. Or, en mettant un signe égal entre les deux blocs, Emmanuel Macron sombre plus encore. Et les conséquences sont terribles. Selon le baromètre Odoxa pour Public Sénat, c’est désormais contre le Rassemblement national qu’un barrage serait le moins susceptible de se former.

À l’inverse, le Nouveau Front populaire apparaît comme le bloc le plus exposé à ce barrage. Les héritiers de Blum et du Front populaire, de ceux qui ont défendu Dreyfus, seraient ainsi plus dangereux aux yeux des Français que les héritiers de Pétain et de la France de Vichy, de ceux qui ont envoyé les juifs vers les camps d’extermination. Quelle défaite intellectuelle. Quelle ignorance de l’histoire.

Emmanuel Macron et les siens doivent se réveiller, et les républicains de tous bords en appeler au sursaut.

Évidemment, Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité. Mais il n’est pas seul à nous avoir conduits dans cette situation. Ceux qui, prétendument de gauche, nous expliquent qu’ils s’abstiendront dans le cadre d’un second tour LFI/RN ne font que lui donner raison. Sans doute ne sont-ils pas ceux qui auront à subir le racisme et l’antisémitisme décomplexés, les violences verbales et physiques qui les accompagneront, tout ce qu’un gouvernement d’extrême droite engendrera. Sans doute ne sont-ils pas de ces femmes précaires, de ces chômeurs ou de ces pauvres – parce qu’ils le veulent bien –, de ces militants syndicaux, écologistes ou LGBTQI qui seront les premières victimes d’un gouvernement d’extrême droite.

Sans doute ne sont-ils pas, non plus, de ceux qui aiment la culture et les artistes, le monde de la création et des arts, qui seront sacrifiés à l’instar du ministère de la Culture rayé d’un trait de plume par les amis de Marine Le Pen et Jordan Bardella, en Argentine. Non, LFI n’est pas le RN. Il faut savoir choisir son meilleur ennemi, comme dirait l’autre.

Sur le même sujet : Ni défection, ni hésitation

Emmanuel Macron et les siens doivent se réveiller, et les républicains de tous bords en appeler au sursaut. Oui, le front républicain à un sens : le sens de l’histoire. Les désistements au second tour devront s’imposer quand, dans le cadre de triangulaires, le RN sera en mesure de l’emporter. Plusieurs voix à gauche l’ont d’ores et déjà annoncé avec clarté. Qu’en sera-t-il des macronistes ? Silence radio. Macron va marquer l’histoire, c’est sûr. Mais une bien sombre histoire. Bardella n’a pas encore gagné. Et, dès dimanche, pas une voix ne doit manquer au Nouveau Front populaire.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Comment la mort de Nahel a permis l’union des macronistes et de l’extrême droite
Parti pris 27 juin 2024

Comment la mort de Nahel a permis l’union des macronistes et de l’extrême droite

Un an jour pour jour après que le policier, Florian M., a tué le jeune Nanterrois de 17 ans lors d’un refus d’obtempérer, les réponses apportées et proposées par le gouvernement à destination des jeunesses en difficulté sont sur la même ligne que celles de Jordan Bardella : répressives et autoritaires.
Par Hugo Boursier
Nouveau Front populaire : ils l’ont fait et c’est historique !
Parti pris 14 juin 2024

Nouveau Front populaire : ils l’ont fait et c’est historique !

En moins d’une semaine, Emmanuel Macron aura réussi un exploit impensable : permettre à la gauche de s’unir à nouveau, et de présenter un véritable programme solide et porteur d’espoir. Dans un mouvement qui embarque la société civile.
Par Pierre Jacquemain
Mieux que le barrage, le Front
Billet 11 juin 2024

Mieux que le barrage, le Front

Après le score historique de l’extrême droite aux européennes, l’heure est à la mobilisation. Il reste deux semaines pour expliquer le danger républicain du RN et faire émerger un « Front populaire » large, enthousiaste, qui s’inscrit dans la durée, ramenant les citoyens vers un chemin d’espoir.
Par Pierre Jacquemain
L’union ou le chaos
Billet 10 juin 2024

L’union ou le chaos

Pour faire face au pari fou de Macron, le rassemblement de la gauche et des écologistes doit dépasser les seuls partis politiques pour entraîner avec eux les intellectuels, les quartiers populaires, les jeunes, les syndicats et les ONG.
Par Pierre Jacquemain