Pourquoi Netanyahou et Poutine votent RN

Ces législatives ont une dimension internationale sans précédent depuis la présidentielle de 1981. Les autocrates nous regardent. Et une victoire du RN nous ferait mettre un pied dans un autre monde.

Denis Sieffert  • 19 juin 2024
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Pourquoi Netanyahou et Poutine votent RN
Rassemblement place de la République, à Paris, le 11 juin 2024, le soir de l'annonce d'une union de la gauche pour les législatives de juin et juillet.
© Maxime Sirvins

La crise politique française, ouverte avec désinvolture par Emmanuel Macron, n’est pas seulement scrutée par nos voisins de l’Union européenne. Elle passionne deux grands criminels de guerre, Vladimir Poutine et Benyamin Netanyahou. Une victoire de l’extrême droite serait, pour le premier, la garantie d’un abandon de l’aide à l’Ukraine et, pour le second, l’espoir, dans cette France tellement stratégique, que les soutiens à la cause palestinienne soient réduits au silence. De quoi patienter avant le retour attendu de Trump à la Maison Blanche. Mieux : pour Poutine, ce serait la victoire du modèle ultraconservateur qui est l’enjeu principal de la guerre d’Ukraine. On attendait donc avec une impatience mêlée d’inquiétude le discours du Nouveau Front populaire sur ces deux conflits. Et disons-le tout de go, ce à quoi les auteurs du texte sont parvenus témoigne d’un grand esprit de responsabilité.

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On pouvait craindre le pire alors que les deux conflits avaient déchiré la gauche pendant la campagne des européennes. Les Verts et le PS défendaient le principe d’un soutien sans ambiguïté à l’Ukraine face à l’agression russe. La France insoumise et le PCF plaidaient pour l’ouverture immédiate d’une négociation qui risquait de valider les acquis territoriaux de la Russie, en attendant plus. C’est la première position qui l’a emporté. Même si la paix est pour tous une perspective. Il faut en féliciter surtout ceux qui n’ont pas voulu risquer de faire capoter l’union sur ce point. Le texte est d’une grande clarté : «Défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien, ainsi que l’intégrité de ses frontières par la livraison d’armes nécessaires […], la saisie des avoirs des oligarques qui contribuent à l’effort de guerre russe. » L’expression clé est évidemment « armes nécessaires ». On peut en déduire, puisque c’est le débat du moment, qu’il faut permettre à l’Ukraine d’atteindre les rampes de lancement de missiles qui, chaque nuit, pilonnent Kharkiv, la deuxième ville du pays. Mais, bien sûr, sans frapper plus loin ni ailleurs en territoire russe. Et encore moins céder aux surenchères provocatrices de Macron.

Les positions qui l’ont emporté sur l’Ukraine et sur la qualification du Hamas étaient aussi celles des opposants au sein de LFI.

À propos de Gaza, curieusement, le différend était à la fois moins profond et plus douloureux. Les proches de Mélenchon traînaient derrière eux leur refus de qualifier de « terroriste » l’attaque du Hamas. Un refus qui a rendu inaudible un discours ensuite juste. Une faute politique aujourd’hui corrigée par le texte qui parle «des massacres terroristes », et de la nature «théocratique » de l’organisation islamiste. Mais l’essentiel est maintenant ailleurs. Il est dans l’exigence de rupture avec le gouvernement d’extrême droite israélien « pour imposer un cessez-le-feu immédiat ». Cela passe par «la reconnaissance de l’État de Palestine», «l’embargo sur les livraisons d’armes» et «la suspension de l’accord d’association Union européenne-Israël ». La sclérose de l’Autorité palestinienne n’est pas oubliée non plus. Le texte demande l’organisation d’élections libres «pour permettre aux Palestiniens de décider de leur destin».

Sur le fond, les points de vue se sont donc considérablement rapprochés devant les horreurs commises par l’armée israélienne et la menace de l’extrême droite ici. Le mot « génocide », tellement polémique, mais de plus en plus indiscutable, est présent, tout juste murmuré en référence à la formulation de la Cour internationale de justice. On remarquera au passage que les positions qui l’ont emporté sur l’Ukraine et sur la qualification du Hamas étaient aussi celles des opposants au sein de LFI, Corbière, Garrido, Simonnet, Autain et Ruffin. Les uns « purgés », les autres épargnés sans doute en raison de leur statut médiatique.

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Enfin, le texte est très clair sur la nécessaire lutte contre l’antisémitisme, qui n’est pas tenu ici pour « résiduel ». Au même titre que les autres formes de racisme, et notamment cette islamophobie oubliée dans une ambiance médiatique déjà influencée par l’extrême droite. On comprend que ces législatives ont une dimension internationale sans précédent depuis la présidentielle de 1981. Les autocrates nous regardent. Et nous ferions bien de regarder les autocrates et les sociétés qu’ils imposent à leurs peuples. Une victoire du RN nous ferait mettre un pied dans un autre monde. Celui de la contre-révolution sociale, de la régression des mœurs, et d’une liberté malmenée. Celui des ennemis de la démocratie.

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