En commission, les députés rejettent la réforme de l’assurance-chômage
Ce 5 juin, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi du groupe Liot visant « à protéger le modèle d’assurance-chômage et à soutenir l’emploi des seniors ». Un premier camouflet pour la majorité, qui a bien eu du mal à défendre la nouvelle réforme annoncée par Gabriel Attal.
Ça devait être un gravillon. Ce pourrait finalement être un gros caillou dans la chaussure du gouvernement. La proposition de loi du groupe Liot, portée par Martine Froger, visant à protéger le modèle d’assurance-chômage a été adoptée en commission des affaires sociales ce mercredi. Le texte voté ne modifie pas la philosophie initiale du texte, qui garantit un plancher de droit ne pouvant être abaissé et remet au centre du jeu le dialogue social.
Une vraie victoire, en comparaison de l’an passé, quand les députés de la majorité présidentielle avaient réussi à dénaturer totalement le texte Liot visant à abroger la réforme des retraites. Cette fois, les macronistes ont échoué à ce tour de passe-passe. Pire, ils ont eu beaucoup de mal à défendre la nouvelle réforme annoncée par Gabriel Attal.
Une réforme injustifiable
En bon soldat, à l’origine des premières réformes de l’assurance-chômage, le député Renaissance Marc Ferracci est allé au front. Mais il n’a que peu été soutenu par ses collègues. Et il s’est vite retrouvé à court d’arguments, allant même jusqu’à dire qu’il « ne commenterait pas ce qui a été annoncé par le gouvernement ». Pourtant, et il faut lui reconnaître cela, Marc Ferracci connaît son sujet. Mais comment défendre une nouvelle réforme que personne, ou presque, n’est capable de justifier ?
Le CDD est devenu un mode de travail.
F. Gernigon (Horizons)
« Par souci de cohérence et d’efficacité de l’action publique, nous ne percevons pas d’urgence à la mise en œuvre d’une nouvelle réforme de l’indemnisation du chômage », écrivent ainsi les sociologues et économistes du travail en charge de l’évaluation de la première réforme de l’assurance chômage, celle de 2019-2021. C’est d’ailleurs un sujet qui est souvent revenu sur la table lors de ce débat, de plusieurs heures : comment évaluer le nouveau coup de marteau sur l’assurance-chômage annoncé par Gabriel Attal, sachant que les effets des réformes précédentes sur le marché du travail restent, pour beaucoup, inconnus et incertains ?
La majorité présidentielle s’est donc retrouvée à enchaîner les énormités pour essayer de se dépêtrer de cette interrogation majeure. Stéphanie Rist, députée Renaissance du Loiret, a ainsi assuré que les précédentes réformes gouvernementales avaient créé plus de deux millions d’emplois – ce qu’aucune étude ne permet d’affirmer. Nicolas Turquois, député Modem de la Vienne, a, lui, affirmé que le chômage restait « stable dans le temps ». Ce qui est faux celui-ci ayant augmenté de 0,4 point en six mois. L’INSEE, de son côté, prévoit que cette hausse risque de se poursuivre.
La palme de l’hypocrisie – ou de la déconnexion, au choix – revient toutefois à François Gernigon. Ce député Horizons ne craint pas d’affirmer que le CDD « est devenu un mode de travail » (sic) et que, désormais, ce type de contrat ne constitue plus un « emploi précaire ».
Un parcours semé d’embûches
De l’autre côté, toutes les oppositions ont chaleureusement remercié le groupe Liot d’avoir proposé cette loi dans sa niche parlementaire. Elle permet, en effet, aux députés de discuter d’un sujet dont le gouvernement a fait sa chasse gardée. Il a ainsi décidé d’agir par voie réglementaire, donc sans débat devant la représentation nationale. Elles ont aussi tiré à boulets rouges sur les ambitions gouvernementales de réduire, à nouveau, les droits des plus précaires. Un texte « abject », a ainsi assené Louis Boyard, député La France Insoumise.
Peut-on imaginer le gouvernement passer une nouvelle fois au-dessus de l’avis du Parlement ?
Désormais adoptée en commission, cette proposition de loi sera débattue le 13 juin prochain, en séance publique. Ce sera la première PPL de la niche Liot à être examinée. Ce résultat en commission peut laisser des espoirs de la voir votée par les parlementaires. Le groupe Les Républicains, quasiment absent des débats ce mercredi, pourrait, peut-être, faire de même dans huit jours.
Malgré tout, le parcours législatif d’un tel texte reste semé d’embûches, notamment s’il parvient au Sénat, où ses chances de survie seraient fortement hypothétiques. Cependant, le symbole d’un vote par l’Assemblée nationale serait très fort. Et au lendemain d’élections européennes, où la Macronie s’attend à prendre une claque, peut-on imaginer le gouvernement passer une nouvelle fois au-dessus de l’avis du Parlement ? Avec un Rassemblement national potentiellement à plus de 30 % des voix, ce serait particulièrement dangereux.