Biden-Netanyahou : un jeu sordide au prix du sang

Le président des États-Unis a présenté un plan pour un cessez-le-feu à Gaza, dont on ne sait s’il est américain, israélien ou un mix des deux. Le Premier ministre israélien, lui, poursuit sans ciller la guerre, en criminel entouré de personnages sans courage.

Denis Sieffert  • 4 juin 2024
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Biden-Netanyahou : un jeu sordide au prix du sang
Joe Biden et Benyamin Netanyahou à Tel Aviv, le 18 octobre 2023.
© BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Sur le fond, le plan présenté le 31 mai par Joe Biden pour un cessez-le-feu à Gaza n’a rien de surprenant. Il reprend au mot près le projet en trois phases qui avait été torpillé par Benyamin Netanyahou deux mois plus tôt. Mais la forme, elle, est stupéfiante. Voilà un président des États-Unis qui dévoile une « offre israélienne », alors même que les responsables israéliens n’ont encore rien dit. Si bien qu’on ne sait pas si le plan en question est américain ou israélien, ou un mix improbable. On le sait d’autant moins que Netanyahou, comme la première fois, s’est empressé d’affirmer sa volonté de poursuivre la guerre « jusqu’à la destruction des capacités militaires et de gouvernement du Hamas ». Sans que l’on sache d’ailleurs à quoi la réalisation de cet objectif se reconnaîtrait. Et joignant le geste à la parole, le Premier ministre israélien a aussitôt ordonné de nouvelles frappes meurtrières sur Rafah.

Cet épisode révèle le désarroi politique de deux hommes qui se détestent cordialement.

Nous voilà donc au comble de la confusion. On croit comprendre qu’à force d’impuissance et de couardise, la diplomatie américaine en est réduite à des subtilités byzantines pour semer la zizanie entre Netanyahou et ses alliés d’extrême droite, lesquels ont fait savoir qu’ils feraient tomber le gouvernement si le Premier ministre acceptait le plan divulgué par Biden. Cet épisode révèle le désarroi politique de deux hommes qui se détestent cordialement : le président américain, qui sent bien que l’élection du 5 novembre pourrait lui filer entre les doigts en raison de son soutien à Israël ; et Netanyahou, pris en étau entre les colons extrémistes et une partie de l’opinion publique israélienne qui a encore manifesté massivement le 2 juin pour un cessez-le-feu.

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Le locataire de la Maison Blanche semble plus populaire à Tel-Aviv que sur les campus de New York et de Berkeley. Dans cette affaire, le Hamas ferait presque de la figuration. Le mouvement islamiste, comme cela avait été le cas la première fois, a accueilli « de façon positive » le plan présenté par Joe Biden. Il s’agirait, dans un premier temps, d’un cessez-le-feu de six semaines permettant la libération des otages « les plus vulnérables » et de centaines de prisonniers palestiniens ; puis, dans un second temps, du retour des derniers otages, tandis que l’armée israélienne se retirerait de Gaza pour une « cessation permanente des hostilités ».

Paris s’est trouvé des alibis bien misérables pour ne rien faire.

C’est évidemment de cette phase que Netanyahou ne veut pas entendre parler. Le jeu sordide consiste pour lui à faire endosser l’échec de ce plan par le chef du Hamas, Yahya Sinouar (1). Il suffit pour cela de laisser entendre que les bombardements reprendront à l’issue de la première phase si les objectifs militaires ne sont pas totalement atteints. D’où l’intérêt de laisser ceux-ci dans le flou le plus absolu. N’évoquons même pas ici la troisième étape, tellement hypothétique, de reconstruction de Gaza. La manœuvre politicienne de Biden, qui vise à provoquer la chute de Netanyahou et, ipso facto, à se refaire une santé dans l’opinion américaine, est donc très mal engagée. En attendant, à Rafah, les enfants meurent sous les bombes par dizaines chaque jour.

1

C’est ce que révèle crûment le site centriste The Times of Israël.

Ce qui est révoltant dans cette affaire, c’est que Joe Biden fait de la dentelle alors qu’il dispose de moyens puissants pour mettre un terme au massacre. Il lui faudrait, pour cela, frapper un grand coup : arrêter toute livraison d’armes à l’État hébreu et cesser par conséquent de finasser sur le calibre des bombes tolérées et les autres ; il pourrait surtout reconnaître l’État de Palestine, comme l’on fait l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et 143 autres pays. On imagine que la France suivrait sans tarder. Entre parenthèses, Paris s’est trouvé des alibis bien misérables pour ne rien faire. Ne pas agir sous le coup de l’émotion, selon Emmanuel Macron ; ne pas agir « de façon unilatérale », selon Gabriel Attal. Goûtons la saveur de ce dernier argument, qui consiste à demander la permission à Israël.

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Réjouissons-nous tout de même que la France ait interdit aux marchands d’armes israéliens de venir au salon « de la défense et de la sécurité » de Villepinte faire la promotion des bombes qui pilonnent Gaza. Le comble eût été atteint ! La tragédie sans nom dont nous sommes les témoins met en scène, de Biden à Macron, une galerie de personnages qui manquent singulièrement de courage sur ce dossier. Ils sont les jouets d’un grand cynique, Benyamin Netanyahou, qui a pu, l’autre soir sur LCI (hélas), se comparer tour à tour au capitaine Dreyfus, à Churchill et à de Gaulle. Alors qu’il n’est qu’un criminel de guerre.

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