Le Marché de la poésie remet finalement les poètes palestiniens à l’honneur
Après avoir déprogrammé des poètes palestiniens, le Marché de la poésie fait machine arrière.
dans l’hebdo N° 1814 Acheter ce numéro
En 2022, les responsables du Marché de la poésie, qui se tient chaque année au mois de juin à Paris, avaient décidé de mettre les poètes palestiniens à l’honneur en 2025. Cette programmation prenait pour appui l’anthologie de la poésie palestinienne publiée par le poète marocain exilé en France Abdellatif Laâbi (chez Points). Or, dans une lettre datée du 30 mai, le président et le délégué général de la manifestation, Yves Boudier et Vincent Gimeno-Pons, annulent ce projet au motif que « la situation tragique actuelle ne permet plus de [l]’envisager ».
Réplique d’Abdellatif Laâbi : « J’estime que les raisons que vous invoquez pour justifier un tel revirement sont politiquement biaisées et moralement insupportables. Je m’attendais de votre part à plus de discernement et de courage. » L’invitation n’est pas annulée mais reportée, écrivent sans rire les responsables du Marché de la poésie. Ils ajoutent : « Pour ce qui nous concerne, organisateurs du Marché de la poésie, il nous faut veiller à bon nombre de points cruciaux (sécurité du public et des participants, financement transparent de l’événement) pour permettre aux voix poétiques de la nouvelle génération de bénéficier d’une audience respectueuse de leur travail artistique autant que de leurs engagements. »
Insinuation insultante
L’argument de la sécurité est le même qui a servi contre les manifestations en soutien à la Palestine et que le juge administratif a écarté. Quant à la mention d’un « financement transparent », suggérerait-elle que les poètes palestiniens dont l’invitation était envisagée par le Marché de la poésie pourraient être subventionnés par le Hamas ? Ce ne serait pas une insulte envers ces poètes que cette insinuation serait hautement comique.
Dans la foulée, une pétition de protestation, signée notamment par de nombreux écrivains et poètes, est lancée pour maintenir cette mise en exergue de la poésie palestinienne. Avec un certain succès. En effet, le 9 juin, Jean-Michel Place, le président fondateur de l’association Circé, organisatrice du Marché de la poésie, publie un communiqué où il évoque une communication « précipitée, maladroite et malencontreuse » et confirme que « la poésie palestinienne est invitée d’honneur, comme prévu » en 2025. On a frôlé le marché de dupes.