L’exigence de l’union

Bien des choses rappellent aujourd’hui la situation des années 30, telle la montée de l’extrême droite sur fond de crise du capitalisme. Face à cela, les gauches doivent s’unir, et les économistes s’ouvrir.

Jean-Marie Harribey  • 19 juin 2024
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L’exigence de l’union
Rassemblement place de la République, à Paris, le 11 juin 2024, le soir de l'annonce d'une union de la gauche pour les législatives de juin et juillet.
© Maxime Sirvins

Certains commentateurs contestaient depuis deux ans l’idée que la situation politique et géopolitique actuelle avait de fortes ressemblances avec celle des années 1930, qui virent l’arrivée du nazisme en Allemagne et du fascisme en Italie et en Espagne, puis la guerre. Autrement dit, l’aide au compte-gouttes à l’Ukraine ne rappellerait pas vraiment l’accord de Munich de septembre 1938, qui entérina l’annexion par Hitler de l’Autriche (Anschluss en mars 1938) et l’intégration des Sudètes de la Tchécoslovaquie (septembre 1938). Sans oublier le partage de la Pologne entre Hitler et Staline (septembre 1939).

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Pourtant, il y a au moins deux choses qui devraient nous interpeller. D’une part, la montée de l’extrême droite en France et dans plusieurs pays européens se déroule sur fond d’une crise profonde du capitalisme et de ses instances de régulation, comme dans les années 1930. Aujourd’hui, crise sociale, car l’offensive contre les droits des travailleurs atteint des sommets (retraite, assurance-chômage et protection sociale dégradées), mais dont l’effet pervers pour le capital est une stagnation de la productivité du travail, ce qui conduit les classes dirigeantes à fomenter encore plus de régressions. Crise géopolitique, car les pays membres de l’Union européenne ne parviennent pas à parler d’une seule voix face à l’invasion de l’Ukraine par l’armée de Poutine.

La décision de dissoudre l’Assemblée nationale place les gauches devant une alternative : union serrée et sincère ou déroute assurée.

D’autre part, le danger d’extrême droite avant-guerre avait entraîné l’union des forces progressistes : dès 1934, constitution du Front populaire, réunification de la CGT en 1935, victoire électorale en 1936, suivie de la grande grève ouvrière. La décision du président Macron de dissoudre l’Assemblée nationale place les gauches devant une alternative : union la plus serrée et sincère possible pour parer l’attaque d’extrême droite ou déroute assurée. Vu l’urgence, les conditions doivent être simples et claires : priorité aux droits sociaux et aux services publics ; engagement résolu contre le changement climatique et pour la transformation du système productif avec accompagnement social pour en atténuer la brutalité ; fiscalité juste ; système bancaire public pour financer la transition écologique ; démocratisation générale de la vie publique, de l’entreprise aux institutions politiques ; respect des droits des migrants.

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C’est dans ce contexte, juste avant les élections européennes, que les Économistes atterrés ont décidé à une écrasante majorité d’ouvrir un processus de discussion interdisciplinaire avec les chercheurs de toutes les sciences et les acteurs des mouvements sociaux. Quel est l’enjeu ? Les économistes ne peuvent à eux seuls embrasser la globalité des problèmes que pose le changement complet du mode de production et donc du mode de vie pour sortir d’un capitalisme mortifère pour les humains et les écosystèmes. La connaissance se trouve du côté du croisement et de l’interaction de toutes les recherches et initiatives. L’union est devenue une exigence politique et intellectuelle

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