Pourquoi voter aux européennes ?
Les élections européennes n’intéressent pas les Français. Et les partis qui sollicitent leurs suffrages ont leur part de responsabilité dans cette situation.
dans l’hebdo N° 1813 Acheter ce numéro
Liêm Hoang-Ngoc vient de publier L’Europe, ennemie de la République ?, PUF.
La campagne pour les élections européennes n’intéresse pas les Français. Outre qu’ils méconnaissent le rôle de colégislateur d’un député européen, la plupart estiment que ce vote ne changera pas leur vie. Les partis qui sollicitent leurs suffrages ont leur part de responsabilité. Les démocrates-chrétiens, libéraux et sociaux-démocrates qui ont gouverné les États membres de l’UE et cogéré le Parlement européen ont, de concert, engagé l’Europe dans une stratégie libre-échangiste naïve, dans un monde multipolaire devenu interventionniste et protectionniste.
En France, les partis de l’ex-gauche plurielle et les héritiers du parti gaulliste, qui se sont succédé au pouvoir, ont renoncé à contredire la ligne ordolibérale allemande. Prospérant dans ce contexte, les formations populistes de gauche et de droite ont opté pour des postures aussi caricaturales qu’inoffensives. Après avoir toutes deux renoncé au Frexit, l’une appelle désormais à désobéir aux textes, en sachant (ou en ignorant) qu’il est tout aussi impossible d’enfreindre les règles d’un traité international que de contrevenir à la loi dans un État de droit. L’autre brandit l’épouvantail du « grand remplacement » mais ne manquera pas de confier les rênes de l’économie à de respectables conservateurs, qu’elle débauchera dans la future « union des droites » pour accentuer l’austérité contre le « bureaucrate » et l’« assisté ».
Dans ce paysage, la liste menée par Raphaël Glucksmann est présentée comme la bonne surprise pour la gauche. Elle bénéficiera du vote utile des déçus du macronisme, mais aussi du mélenchonisme, en quête d’une alternative de poids à un tribun discrédité par ses postures. Pour autant, le discours eurobéat qu’elle véhicule est tout aussi désincarné que celui prononcé par le président de la République le 25 avril à la Sorbonne.
L’UE doit permettre à chaque État de soutenir sa propre réindustrialisation dans le cadre de la transition écologique.
Contributeurs nets, les États « frugaux » du Nord ne veulent pas plus d’un impôt européen que de l’émission d’une nouvelle dette commune pour financer le budget européen, qu’ils vivent comme la mutualisation de la dette des pays du Sud et de l’Est. Mais, surtout, l’Europe ne forme pas une économie intégrée. Elle est composée de modèles nationaux aux spécialisations spécifiques et dont les trajectoires macroéconomiques divergent.
Alors que la monnaie unique, gage de stabilité monétaire, empêche les ajustements de taux de change au sein de la zone euro, l’UE doit permettre à chaque État de soutenir sa propre réindustrialisation dans le cadre de la transition écologique. Ce qui passe par une réforme du pacte de stabilité et une redéfinition des règles de concurrence. À défaut, la « dévaluation interne », synonyme d’austérité budgétaire et salariale, continuera de sévir et de nourrir le populisme le mieux placé pour prendre le pouvoir en 2027.
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