« Pas de fiertés sans la Palestine »
TRIBUNE. En ce « mois des fiertés », un texte signé par des organisations et des personnalités invite à dénoncer le ‘pinkwashing’ du gouvernement israélien et à mettre la question palestinienne au cœur des revendications LGBTQIA+.
En ce mois de juin, mois de lutte pour les droits des personnes LGBTQIA+, nous appelons à mettre la question palestinienne au cœur de nos mobilisations. Nous refusons d’être complices de toute tentative de pinkwashing (1) de la part du gouvernement israélien.
Procédé utilisé par un État, organisation, entreprise, etc. dans le but de se donner une image progressiste et engagée pour les droits LGBTQIA+.
En novembre dernier, une image nous a glacé le sang. Une photo. Celle d’un soldat Israëlien à Gaza déployant un drapeau arc-en-ciel sur lequel on pouvait lire « In the name of love ». En arrière-plan, un champ de ruines à Al-Atatra, un quartier au nord-ouest de la ville de Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza. Effroyable. Comment avons-nous pu en arriver là ? Comment pouvons-nous entendre qu’une armée ayant pour but d’anéantir une population, affirme garantir la liberté des personnes LGBTQIA+ ? À l’heure où l’on déplore plus de 38 000 morts, dont 15 000 enfants, il est nécessaire de questionner le rôle des organisations LGBTQIA+ dans la lutte contre l’État génocidaire.
Une stratégie consciente
Malheureusement, si cette photo nous a terrifiés, sa découverte ne nous a pas surpris plus que cela. Et oui, depuis plusieurs décennies, l’État d’Israël a adopté consciemment une stratégie homonationaliste, qui consiste à utiliser nos vies, la vie des queers, comme une excuse pour justifier ses crimes contre l’humanité. Pour justifier la colonisation qu’elle entreprend. Pour justifier les meurtres de civils commis par l’armée d’occupation israélienne.
Chaque année, au mois de juin nous observons les campagnes de pinkwashing d’Israël qui visent à rendre acceptable son impérialisme. Dans un contexte génocidaire, cette campagne a un goût d’autant plus amer. Déshumanisation des palestinien·nes, diabolisation de leur société. Au nom des droits des femmes. Au nom des minorités de genre et sexuelles.
Un État qui massacre massivement des LGBT ne peut pas être considéré comme un rempart aux LGBTphobies.
Ce qu’il faudrait comprendre est simple, les Palestinien·nes seraient consubstanciellement LGBTphobe. Dans ce contexte, l’État Israélien, « seule démocratie du Moyen-Orient », se verrait dans l’obligation de les combattre au nom de la défense des droits des minorités.
L’État d’Israël est-il vraiment progressiste ?
Mais de quel progressisme peut-on se réclamer, quand on rase l’hôpital d’Al-Shifah, plus grand complexe hospitalier de Gaza ? De quel progressisme peut-on se réclamer quand la société civile israélienne s’organise pour bloquer l’aide humanitaire vers Gaza, avec la passivité complice de la police et de l’armée ? De quel progressisme peut-on se réclamer quand on déplace 1,2 millions de personnes dans la ville de Rafah aussi petite que Colmar et ses 70 000 habitant·es ? De quel progressisme peut-on se réclamer, quand on bombarde un camp de réfugié·es à Rafah, pourtant décrété comme un « endroit sûr » par l’armée Israélienne elle-même ?
En effet, la réalité est tout autre. Les queers palestinien·nes du collectif Queer in Palestine l’expliquent mieux que nous. Pour que leurs oppressions cessent, il faut avant tout mettre fin aux attaques, mettre fin aux crimes, mettre fin au génocide. Soyons lucides. Un État qui massacre massivement des LGBT ne peut pas être considéré comme un rempart aux LGBTphobies. Car aussi étonnant que ça puisse paraître les missiles ne sont pas téléguidés sur les cishétéros, et parmi les 38 000 mort·es, on compte sans doute des centaines de personnes queers.
Une méthode qui fonctionne et qu’on connaît en France.
Le pire, c’est que cette stratégie semble fonctionner. Chaque jour, en tant que LGBTQIA+ qui se dressent contre le génocide en cours, nous recevons de multiples dissuasions qui nous expliquent que nous serions des « poulets qui défendent KFC ». Que si nous étions à Gaza, nous serions « jeté·es du haut des tours ». En somme, que les Palestinien·nes qui se font massacrer seraient nos bourreaux.
Ces comparaisons aussi ridicules que racistes, nous ne les connaissons que trop bien en tant que LGBT de quartiers populaires. En effet, beaucoup racontent que nos difficultés seraient dûes à l’islam et aux habitant·es de quartiers populaires – noirs et arabes – forcément LGBTphobes. Mais la réalité nous la connaissons car nous la vivons. Ce qui complique nos vies ce ne sont pas nos voisins, nos camarades et nos familles. Mais bien les lacunes d’un État français qui mutile les personnes intersexes, qui reste indifférent à notre précarité et qui souhaite interdire la transition des mineur·es trans au détriment de leur santé mentale.
De la même manière, il nous faut diffuser les mots des queer palestinien·nes. Aujourd’hui, ce qui rend leurs vies impossibles, ce ne sont pas les Palestien·nes elleux-mêmes. Ce sont les bombes larguées sur leurs toits et sur leurs têtes.
Organisations LGBT, mobilisons-nous pour le cessez-le-feu durant le mois des fiertés !
En tant que mouvements LGBTQIA+, ne soyons pas dupes. Ces crimes ne doivent pas être commis en notre nom. Il nous faut dénoncer fermement l’invisibilisation absolue des LGBTQIA+ de Palestine et des mouvements qui les représentent.
En ce mois des fiertés, nous appelons à relayer leur voix et à les soutenir plus que jamais dans leur lutte libératrice. Et surtout, nous réaffirmons notre soutien à la défense de toustes les Palestinien·nes. Les droits à la vie et à la dignité sont inconditionnels. Il ne doit en aucun cas être un privilège attribué par Israël sur la base d’identités religieuses ou de positions politiques supposées.
Nous appelons à mettre la question palestinienne au centre de nos revendications.
Nous ne pouvons pas rester silencieux·ses face à ces crimes. C’est pourquoi nous appelons à la solidarité et à la mobilisation de toutes les organisations qui luttent pour la défense des droits LGBTQIA+. Nous appelons à mettre la question palestinienne au centre de nos revendications. Nous appelons à lutter pour un cessez-le-feu immédiat et pour la libération de la Palestine.
Il n’y a pas de fierté sans défense de la vie des LGBTQIA+ palestinien·nes. Il n’y a pas de fierté sans défense de la vie des Palestinien·nes tout court.
Sans défense des Palestinien·nes, du « mois des fiertés », il ne restera plus que la honte.
Premiers signataires
Organisations :
- ACCEPTESST-T, Association transféministe et antiraciste
- Afrofem Marseille, Collectif AfroQueer
- arcENSiel, Collectif étudiant LGBTQIA+
- ASSOCIATION DIIVINESLGBTQIA+, Visibilité représentativité afrodescendantes lgbtqia+
- BDS France, Campagne internationale Boycott, desinvestissement, sanctions
- Bibliothèqueer, Association
- Bissai Média, Média
- Cases Rebelles, Collectif
- Carnets palestiniens, Collectif
- Climasc, Auto support transmasc
- Comité Palestine Saint-Denis, Comité de soutien à la Palestine
- Collectif Fiertés en Lutte, Association
- Collectif Nta Rajel?, Collectif féministe décolonial de la diaspora nord-africaine
- Dragadelphe, Drag House en non-mixité trans
- Du pain et des roses, collectif féministe et LGBTI révolutionnaire et anti-impérialiste
- Espace Santé Trans, Association
- Féministes Révolutionnaires, Collectif
- Fierté Marseille Organisation, Structure organisatrice de la Pride Marseille
- FLIRT, Collectif d’entraide entre femmes trans et personnes trans féminines
- Fransgenre, Association nationale d’entraide trans
- Gabr.iel.le, Association
- Kessem, Féministes juives décoloniales
- La Station LGBTI+ Alsace, Centre LGBTQIA+ de Strasbourg
- Les Inverti•e•s, Collectif TPG communiste
- MAG Jeunes LGBT+, Association
- Mains Paillettes, Association
- Marche féministe antiraciste, Réseau féministe et Lgbtqia+ des quartiers populaires
- Mask Bloc Lyon, Collectif
- Mécréantes, Média
- #NousToutes,
- Ouest Trans, Association d’auto-support trans de Rennes et de Bretagne
- Oy Gevalt!, Collective juive queer anti-raciste
- PD la revue, Revue militante autogérée
- Rainbow Nation Brussels, Organisation LGBTQIA+
- Requeer, Association
- Sous les shorts, Association
- Tsedek!, Collectif juif décolonial
- Voix Déterres, Collectif écoféministe
- Wana wayaki collective, Collectif de femmes, personnes non binaires et lesbiennes de la région WANA en exil
- Association Wassla, Association d’autosupport par et pour les personnes LGBTQI+ issues des mondes arabes et arabophones
Personnalités :
- Alistair Houdayer, Auteur et vidéaste
- Ameqrane Hanane, Maman lesbienne des quartiers populaires, militante
- Amandine Gay, Autrice et réalisatrice
- Anas Daif, Journaliste
- Anissa Rami, Journaliste
- Andy Kerbrat, Député LFI-NUPES
- Carolina Gonzalez, La Carologie, Vidéaste et vulgarisatrice (sociologie)
- Charme Fatal, Drag artiste
- Diana Kelly, Artiste
- Estelle Depris – Sans Blanc de Rien, Autrice – éducatrice antiraciste
- Felix Maritaud, Acteur
- Gallo Korinna, Actrice
- Hajar Raissouni, Journalist and human rights activist
- Hanneli Victoire, Journaliste et écrivain
- Jacob-Elijah, Créateur de contenu engagé
- Jena Pham, Artiste militante
- Kianuë Tran Kiêu, Artiste transdisciplinaire
- Lalla Rami, Artiste
- Maurice de @similiqueer, Auteur/journaliste
- Michele Gurrieri, Directeur photo
- Mimi Aum Neko, Membre de collectif Travailleur.es.s contre les guerres
- Pretty Quasar, Artiste
- Sacha Yaropolskaya, Porte-parole de du pain et des roses et Révolution permanente
- Salinleon, Créateur de contenu
- Sarah Arsane, Autrice, réalisatrice
- Soa de Muse, Artiste
- Ersilia Soudais, Députée LFI-NUPES de Seine-et-Marne
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