Un espoir nommé Front populaire

La dissolution de l’Assemblée nationale est le pari fou d’un homme arrogant qui connaît mal l’histoire et ne sait pas ce qu’est l’extrême droite. Ce scénario oblige la gauche. L’annonce d’une nouvelle union rend l’espoir à tout un peuple.

Denis Sieffert  • 11 juin 2024
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Un espoir nommé Front populaire
Rassemblement place de la République, à Paris, le 11 juin 2024, le soir de l'annonce d'une union de la gauche pour les législatives de juin et juillet.
© Maxime Sirvins

Ces institutions sont décidément redoutables. Elles confient à un homme seul un pouvoir exorbitant. En l’occurrence, celui de donner les clés du pays à une extrême droite dont on sait qu’elle avance masquée. On s’interroge sur le mécanisme de la prise de décision. Trois jours avant le scrutin européen, Emmanuel Macron défendait encore à la télévision l’idée que le résultat de ces élections ne pouvait pas avoir d’incidence directe sur la politique intérieure. Était-il le seul à ne pas croire aux sondages qui donnaient pourtant le score du Rassemblement national à la décimale près ? On peine à imaginer qu’il n’avait pas déjà en tête le scénario insensé qu’il impose au pays. Macron a-t-il cru pouvoir, dans les vingt jours qui nous séparent du premier tour, se requinquer à coups de racolages à droite et à gauche ?

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L’accord express intervenu à gauche a sonné le glas de ce patchwork improbable. L’aventure macronienne touche peut-être à sa fin. Le choix aujourd’hui est d’une lumineuse clarté : l’extrême droite ou le nouveau Front populaire – puisque c’est sous ce label historique que la gauche a décidé de parrainer des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions. Une rude bataille est devant nous. Car l’autre schéma qui a germé dans le cerveau présidentiel est toujours d’actualité. Il s’agirait de donner le pouvoir pendant trois ans au Rassemblement national en espérant que celui-ci démontre son incompétence. La politique du pire. Macron rêve de rejouer la cohabitation entre Mitterrand et Chirac entre 1986 et 1988, dont le président était sorti gagnant. Mais il n’est pas Mitterrand et, surtout, Le Pen n’est pas Chirac. Ici, le risque est immense.

Comme s’il voulait nous infliger un châtiment collectif, Macron nous dit : ‘Vous avez voulu Le Pen et Bardella, eh bien, vous allez les avoir !’

C’est le pari fou de quelqu’un qui connaît mal l’histoire, et qui ne sait pas ce qu’est l’extrême droite. Une extrême droite portée, qui plus est, par un contexte international favorable. C’est le pari de quelqu’un qui n’a jamais voulu entendre la rue, et qui a mené avec arrogance une politique injuste avec un mépris profond pour les classes populaires. Dans quel état sortirait notre pays de trois ans de gouvernement Bardella ? Séquence cauchemar ! L’Ukraine serait abandonnée à Poutine. Le massacre des Palestiniens ne serait plus même un sujet. Nous aurions à subir des attaques frontales contre le droit de grève et contre le mouvement social. La France rejetterait à la mer les immigrés. Elle ferait les yeux doux à Trump et à Orbán. Les associations culturelles et sociales seraient asphyxiées, la lutte contre le réchauffement climatique passée aux oubliettes et le droit du sol, fondement de notre République, liquidé. La liste est non exhaustive.

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La politique de Macron nous a déjà rapprochés de ces périls. Le RN les aggraverait au centuple. Comme s’il voulait nous infliger un châtiment collectif, Macron nous dit : « Vous avez voulu Le Pen et Bardella, eh bien, vous allez les avoir ! » Sans compter la réapparition de toutes sortes de nazillons désinhibés qui gravitent dans la sphère RN et qui auraient le droit d’enlever leur cagoule pour sourire à la caméra de CNews. Ratonnades garanties. Après tout, pour qui aime les commémorations, le 30 juin sera le 90e anniversaire de la Nuit des longs couteaux.

Quiconque tenterait de tirer un profit personnel de la situation sortirait de l’histoire, et entraînerait la gauche dans l’abîme.

Ce tableau oblige la gauche. Contre toute attente, en regard de ce que fut la campagne européenne, ses dirigeants ont rapidement pris la mesure de la situation. Vive, donc, le Front populaire, héritier de celui qui se constitua en juin 1934 en riposte à la montée des ligues fascistes ! Certes, le diable va maintenant résider dans le détail de la répartition des sièges. Quelle est la référence ? La présidentielle de 2022 ou les européennes de ce 9 juin ? Mais l’unité au sommet est un signal fort. Il rend l’espoir à tout un peuple. Les plus réticents ont vite compris qu’il serait vain de résister à l’appel unitaire venu d’en bas. Les premiers, Olivier Faure, François Ruffin, Clémentine Autain, Sandrine Rousseau, ont su trouver les mots qui convenaient.

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La prise de conscience paraissait moins évidente à LFI. S’il avait fallu renégocier en quelques jours des accords programmatiques, tout était perdu, même l’honneur. Mais les exclusives ne sont plus de saison. Le « tout sauf Glucksmann » autant que le « tout sauf Mélenchon » doivent être bannis. Mélenchon va devoir ronger son frein et Olivier Faure aura la rude tâche de calmer les nouvelles ardeurs hégémonistes de Glucksmann. Au PS comme à LFI, le mort peut encore saisir le vif. Mais quiconque tenterait de tirer un profit personnel de la situation sortirait de l’histoire, et entraînerait la gauche dans l’abîme. On ne sait jusqu’à quelle profondeur.

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