Après l’expulsion de Moussa, ses soutiens déterminés à résister, de Montreuil à Bamako

Au lendemain de l’expulsion de Moussa vers le Mali, un rassemblement de soutien a eu lieu à Montreuil. Un appel à résister alors que l’extrême droite risque d’arriver au pouvoir.

Pauline Migevant  • 4 juillet 2024 abonné·es
Après l’expulsion de Moussa, ses soutiens déterminés à résister, de Montreuil à Bamako
Assa Traoré : « C'est notre devoir et notre rôle de bloquer les expulsions. »
© Pauline Migevant

« Je me suis toujours relevé et je vais continuer à me relever. » La voix de Moussa qui sort du téléphone résonne sur la grosse enceinte posée sur le parvis de la Mairie de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Une soixantaine de personnes écoute attentivement. « Même s’ils ont pu m’éloigner du territoire, j’espère que ça servira pour les autres. » La veille, mardi 2 juillet, celui qui a grandi dans cette ville du 93 depuis ses trois ans, a été expulsé de force vers le Mali après un mois et demi en rétention.

Depuis Bamako, il témoigne : « La première fois, on m’a attaché de force, on m’a monté dans un avion, on m’a ligoté comme un chien. C’est une honte de traiter un être humain comme ça. » Vendredi dernier, la mobilisation des passagers a permis d’empêcher l’avion de partir depuis l’aéroport d’Orly. Mais ce 2 juillet, dans un nouveau vol, l’engin a décollé malgré la mobilisation de passagers toujours debout. « Beaucoup de gens se sont manifestés par rapport à ça parce qu’ils voyaient que c’était une injustice. Merci à tous », reprend Moussa.

Sur le même sujet : « Je ne connais rien du Mali où on veut m’expulser. Ma vie est ici. »

« C’est un combat noble ! »

Derrière l’enceinte, une banderole : « Faisons revenir Moussa. » Au téléphone, une autre voix intervient, celle d’une passagère du vol Paris-Bamako du vendredi. Elle a accueilli Moussa à son arrivée au Mali et entend bien se battre en lien avec des associations locales. « Ne lâchez pas et nous, on ne va pas lâcher non plus. C’est un combat noble ! »

Rassemblement expulsion Moussa
Rassemblement de soutien contre l’expulsion de Moussa vers le Mali, devant la mairie de Montreuil, le 3 juillet. (Photo : Pauline Migevant.)

Claire*, présente au rassemblement, a connu Moussa il y a plus de 10 ans, il était adolescent. La veille, sur les réseaux sociaux, elle découvre que l’homme de 26 ans est dans un avion en partance pour le Mali, un pays qu’il ne connaît pas. Encore « sonnée par la nouvelle », elle n’en a « pas dormi de la nuit ». « Depuis sa naissance, il n’a pas été aidé par la vie », poursuit la travailleuse sociale qui a accompagné le jeune homme. « Je l’ai vu se battre pour s’en sortir. » De sa carrière, Moussa est l’un des deux jeunes avec qui elle a gardé contact après son accompagnement, l’appelant tous les ans pour son anniversaire. Claire confie : « Un autre jeune que j’ai suivi a été refoulé vers l’Équateur, sans avoir aucun lien avec sa terre d’origine. » Lui aussi était en France depuis « la petite section de maternelle. Et il est reparti dans l’indifférence la plus totale. »

*

Le prénom a été changé.

Une indifférence à laquelle a échappé Moussa grâce à des réseaux de solidarité et à l’association du En gare, dans laquelle il était référent du pôle « social » et « solidarités ». Jeudi 23 mai, un rassemblement avait eu lieu au même endroit, quelques heures après l’expulsion inattendue de l’association, qui occupait des locaux désaffectés à Montreuil. Plusieurs personnes étaient alors en garde à vue.

Sur le même sujet : L’expulsion du « En Gare » à Montreuil menace des sans-papiers

« Tout s’est enchaîné, les placements en garde à vue, le LRA (local de rétention administrative), le placement en CRA (centre de rétention administrative), les OQTF », rappelle un membre de l’association dénonçant une « expulsion déloyale ». Un autre membre du En gare rappelle que les personnes hébergées dans les locaux « avaient des grosses galères sur les épaules. Si elles étaient là-bas, c’est qu’il n’y avait pas de solution de logement ». Après l’expulsion, « 12 autres personnes du En gare ont des OQTF et on n’a pas envie de les oublier non plus parce que ça casse leur vie », poursuit-il.

Quand vous allez voter, dites-vous bien que vous votez pour un Moussa, pour des Moussa.

A. Traoré

« Ce sont la loi Darmanin [loi asile et immigration promulguée en janvier 2024] et la loi Kasbarian [loi de juillet 2023 sur les squats] qui ont permis l’expulsion et qui ciblent les gens des quartiers », reprend un membre de l’association.« Un pour tous, tous pour un ! » scande une personne dans le groupe. Parmi les personnes venues en soutien, les femmes du squat Gambetta, situé aussi à Montreuil et expulsable depuis la fin de la trêve hivernale, étaient présentes au rassemblement avec leurs enfants.

« Beaucoup de personnes comme Moussa sont menacées »

Au micro, un porte-parole du collectif de sans-papiers de Montreuil déclare : « Depuis que cette loi Darmanin est passée, c’est pour criminaliser tout le monde. On va rester mobilisés parce que beaucoup de personnes comme Moussa sont menacées de cette manière. » Dénonçant « les fascistes, les racistes, les 12 millions de Français, qui ont voté pour mettre la misère à des minorités », il appelle ceux qui le peuvent à voter dimanche : « Si ces gens-là passent, ça va être pire encore, ils vont mettre des vies en danger. »

Un appel à résister partagé par Assa Traoré, figure de l’antiracisme et de la lutte contre les violences policières : « Il faut saluer la bravoure de ces passagers qui ont été menacés par les policiers, disant que s’ils se levaient, il y allait avoir une amende. À l’époque, le mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB) ont bloqué des avions. Aujourd’hui c’est notre devoir et notre rôle de le faire également. Car des Moussa, il y en aura des centaines. »

Sur le même sujet : Loi Darmanin : la « menace à l’ordre public », l’épouvantail de l’Intérieur

À quatre jours du second tour des élections législatives qui pourraient mener l’extrême droite au pouvoir, Assa Traoré poursuit : « Quand vous allez voter, dites-vous bien que vous votez pour un Moussa, pour des Moussa. Pour des personnes qui n’ont pas la nationalité française, qui seront les premières réprimées et qui vont être touchées en premier. » Si Jordan Bardella arrive à Matignon, il a promis « dès les premières semaines » une nouvelle loi immigration. Laquelle comprendrait entre autres la suppression du droit du sol et « la suppression de contraintes administratives qui empêchent l’expulsion des étrangers ».

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