Des romans politiques

Où notre chroniqueur propose pour sa dernière chronique de la saison la lecture de deux romans au format poche : Le Dixième vaisseau de Pierre Bordage et De Sang et d’acier de Harald Gilbers.

Sébastien Fontenelle  • 24 juillet 2024
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Des romans politiques
© Alexander Grey / Unsplash.

On a recommandé ici, depuis quinze jours, deux beaux et forts livres, dont le prix, on le craint, a pu rebuter celles et ceux qui parmi nous – et on les sait nombreuses et nombreux – doivent mesurer chaque dépense, merci qui ? Merci, Macron. Voici donc, pour cette ultime chronique de la saison, deux derniers romans au format de poche, et donc plus accessibles

Pierre Bordage, prolixe figure tutélaire de la science-fiction française, est, comme le sait quiconque a lu, par exemple, sa fière série des Derniers Hommes (publiée en feuilleton, au début des années 2000, par les éditions Librio) ou sa non moins remarquable trilogie de L’Enjomineur (1), tout à fait à son aise dans toutes les sous-catégories de ce genre littéraire majeur et si politique, de la fantasy au space opera.

1

Disponible chez J’ai lu.

Avec Le Dixième Vaisseau (2), il signe un dépaysant conte spatial de belle facture, dont l’intrigue, d’un classicisme éprouvé mais redoutablement efficace – un réprouvé se voit offrir une seconde chance sous la forme d’une mission dangereuse à travers l’univers –, est aussi prétexte à moult réconfortantes méditations, comme celle-ci : « Comme la loi interdisait de tuer ou d’exploiter les créatures terrestres ou océaniques au nom de la solidarité entre espèces sensibles, on ne mangeait ni chair ni alimentation animale. »

2

J’ai lu, 512 pages, 9,10 euros.

Changeons d’ambiance et relevons que le polar situé durant le IIIe Reich est devenu, depuis les si mérités succès de feu Philip Kerr – qui était quant à lui britannique –, une sous-division à part entière de la littérature policière, où exercent d’excellents auteurs. Le romancier allemand Harald Gilbers est assurément l’un d’eux, qui, en six romans (dont le premier se déroulait en 1944), a réussi à imposer l’attachante figure du commissaire Oppenheimer, que l’on retrouve ici confronté, dans le Berlin de 1948, à un tueur en série qui dépèce ses victimes.

Nerfs en pelote

Là encore, l’intrigue, globalement conforme aux canons du genre et toujours très solide (et dont on aura compris qu’elle est parfois assez gore.), ouvre la possibilité de digressions historiques et politiques sur l’Allemagne des années de l’après-Seconde Guerre mondiale, où la tension n’en finit plus de monter entre les alliés d’hier, qui se sont partagé la capitale : quand les « Occidentaux » – Américains, Britanniques et Français – décident de remplacer dans les secteurs qu’ils occupent le reichsmark nazi par le deutschemark, les Soviétiques imposent, pour la plus grande consternation d’un Oppenheimer qui voit descendre un « rideau de fer » sur sa ville et dont les nerfs sont « en pelote », le fameux blocus de Berlin (3).

3

De Sang et d’acier, Harald Gilbers, traduit de l’allemand par Joël Falcoz, 10/18, 480 pages, 9,60 euros. Signalons chez le même éditeur la reparution d’un maître-roman d’aventures de l’immense Robert Louis Stevenson : Le Maître de Ballantrae.

Très bel été à tou·tes, très bon repos – ô combien mérité après cette éprouvante année – à celles et ceux qui ont la chance de pouvoir prendre quelques vacances.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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