Gouverner dans le chaos

Il faut sortir de l’instabilité créée en permanence par le chef de l’État, tout en résistant à la peste émotionnelle qui alimente le Rassemblement national.

Jérôme Gleizes  • 24 juillet 2024
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Gouverner dans le chaos
Affiche de rue, à Paris, juillet 2024.
© Guillaume Deleurence

« Souverän ist wer über den ausnahmezustand entscheidet. » C’est ainsi qu’Emmanuel Macron cite en allemand une phrase du juriste nazi Carl Schmitt lors d’une discussion avec Arié Alimi. Depuis son élection en 2017, le président multiplie les provocations. L’état d’exception, c’est sa préférence. Lors du covid, tous les conseils des ministres étaient précédés d’un conseil de défense à huis clos.

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« Est souverain celui qui décide de l’état d’exception. »

Le Nouveau Front populaire va-t-il gouverner ? Après la réélection de Yaël Braun-Pivet, si c’est le cas, ce sera dans l’adversité, car Macron continue sa stratégie du chaos pour mieux préserver son pouvoir. Le sursaut des forces progressistes de gauche et écologistes a eu lieu avec la création du NFP, mais cela reste insuffisant pour réaliser la bifurcation géopolitique, écologique et économique indispensable pour répondre aux crises actuelles. Il faut sortir de l’instabilité créée en permanence par Emmanuel Macron tout en résistant à la peste émotionnelle qui alimente le Rassemblement national.

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La première instabilité, constitutionnelle, va peut-être accélérer le passage à la VIe République, comme lors de la crise de 1958 qui a conduit à la Ve. Alors que le camp présidentiel s’est écroulé lors des législatives, comment peut-on continuer à avoir la même présidente de l’Assemblée nationale et le même premier ministre ? Comment un président peut-il continuer à gouverner sans contre-pouvoir ? Créer le chaos institutionnel avant les Jeux olympiques et paralympiques pour ensuite s’appuyer sur ceux-ci pour préserver son pouvoir est dans la logique schmittienne de l’état d’exception.

La deuxième instabilité est économique avec la procédure de déficit excessif lancée par la Commission européenne contre la France le 18 juin, qui peut entraîner une pénalité allant jusqu’à 0,1 % du PIB, soit près de 2,5 milliards d’euros. Jamais autant d’argent public, sous Macron, n’a été versé à des entreprises sans contrepartie : plus de 800 milliards de dettes supplémentaires. Mais comme il n’y a plus de gouvernement, un plan d’ajustement structurel comme ceux imposés par le FMI aux pays du Sud n’est pas à écarter.

Le NFP a un chemin étroit avec peu de leviers.

La troisième instabilité est géopolitique. Tous les yeux de la planète sont braqués sur la France et le premier événement mondial, les Jeux de Paris 2024.

La quatrième instabilité est la tripolarisation du champ politique français, avec une extrême droite qui attire ce qui reste de la droite, un camp présidentiel qui préserve ce qui reste du bloc bourgeois et un bloc de gauche qui se reconstruit autour d’un programme en rupture avec la période Hollande.

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Le temps n’est pas un allié car la situation se dégrade en continu. Le RN se cache derrière une racialisation des rapports sociaux au lieu de répondre aux vrais enjeux, mais surtout prépare l’élection d’après jusqu’à sa victoire. Face à cela, le NFP a un chemin étroit avec peu de leviers si ce n’est son unité, bloquée aujourd’hui par Emmanuel Macron qui bloque la nomination de Lucie Castets (2).

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Article mis à jour le 25 juillet 2024.

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