Mort à l’Assemblée nationale : « Nous devons et nous allons rendre hommage à Moussa Sylla »

Fraîchement élue première vice-présidente de l’Assemblée nationale, la députée LFI du Val-de-Marne, Clémence Guetté, a tenu à réagir aux révélations de Politis sur les circonstances de l’accident de travail de Moussa Sylla.

Pierre Jequier-Zalc  • 23 juillet 2024 abonné·es
Mort à l’Assemblée nationale : « Nous devons et nous allons rendre hommage à Moussa Sylla »
Clémence Guetté, à Paris, le 9 juillet 2024.
© Maxime Sirvins

Moussa Sylla est mort d’un accident du travail, au sein du Palais Bourbon, il y a plus deux ans. Cette année, du fait de la dissolution, aucun hommage ne lui a été rendu, au contraire de l’an passé où plusieurs députés de la Nupes s’étaient rassemblés en présence de la famille. Celle-ci souhaiterait qu’une initiative soit portée au sein de l’Assemblée Nationale. Y êtes-vous favorable ?

Clémence Guetté : Je veux d’abord redire tout mon soutien à la famille et aux amis de Monsieur Moussa Sylla, agent d’entretien décédé dans les sous-sols de l’Assemblée nationale en 2022. Les éléments révélés par Politis aujourd’hui nous montrent que toute la lumière reste à faire sur ce scandale. Je soutiendrai toute initiative à même d’identifier clairement le déroulement des événements pour qu’un tel drame ne puisse plus se reproduire, et d’apporter vérité et justice pour Moussa Sylla.

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Il est évident que nous devons et que nous allons lui rendre hommage selon les dispositions souhaitées par ses proches. Ce drame, comme tous les autres, ne doit jamais être oublié et le Nouveau Front populaire portera ce combat dans le nouveau bureau de l’Assemblée nationale. Nous soutiendrons une initiative pour lui rendre hommage, qui pourrait être une plaque commémorative ou une commémoration annuelle, selon le résultat des discussions au sein du bureau. Je ne doute pas qu’une initiative de cette nature fera consensus.

La stabilité des contrats et la rémunération digne des personnels de l’Assemblée nationale (…) est un objectif nécessaire et atteignable.

Plusieurs études ont démontré que la sous-traitance représentait un facteur accidentogène. Maintenant que le Nouveau Front populaire est majoritaire au bureau de l’Assemblée nationale, comptez-vous mener un combat pour internaliser le service de nettoyage du Palais Bourbon ?

Comme l’avait très justement rappelé mon ancienne collègue Rachel Keke à l’annonce du décès de Moussa Sylla, « la sous-traitance, c’est la maltraitance et l’humiliation ». Un rapport de la Dares de 2023 a d’ailleurs confirmé que les salariés des entreprises sous-traitantes sont davantage exposés aux accidents du travail. Il y a donc urgence à limiter le recours à celles-ci pour éviter que des drames comme celui-ci ne se reproduisent. Ce combat doit se mener à une échelle nationale et engage une révision du code du travail, ce à quoi je compte contribuer en tant que parlementaire. Il exige aussi de lutter à l’intérieur de l’Assemblée nationale.

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Le Nouveau Front populaire est aujourd’hui majoritaire au bureau. Cette nouvelle cohabitation parlementaire imposée à Madame Yaël Braun-Pivet va changer la manière dont est gouvernée l’Assemblée. Il est évident que nous allons mener bataille pour internaliser ses services – y compris celui de nettoyage. La stabilité des contrats et la rémunération digne des personnels de l’Assemblée nationale comme de tous les travailleurs du pays est un objectif nécessaire et atteignable. Nous avons pris des engagements envers l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de ce pays, nous entendons nous y tenir à l’Assemblée et une fois au gouvernement.

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Plus largement, la France fait partie des mauvais élèves en matière d’accidents du travail. Selon des calculs de Politis, le nombre de morts à la suite d’un accident de travail est passé de 686 à 903 depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Comment endiguer cette hausse ?

Malheureusement, le drame qui a ôté la vie à Moussa Sylla frappe encore trop souvent en France, sixième puissance économique mondiale et dépasse très largement l’enceinte de l’Assemblée nationale. Les politiques de casse à répétition du code du travail orchestrées par le clan macroniste ont eu des conséquences terribles pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de notre pays.

Le premier quinquennat Macron a conduit à une augmentation historique du nombre de morts au travail.

Ainsi, le premier quinquennat Macron a conduit à une augmentation historique du nombre de morts au travail atteignant 1227 en 2022 (ce chiffre intègre les décès à la suite d’un accident de travail, d’un accident de trajet, ou à la suite d’une maladie professionnelle, N.D.L.R.). Un chiffre qui n’avait jamais été atteint au XXIe siècle. De même, on a noté une augmentation de 39 % du nombre de personnes décédées au travail de janvier à avril 2024 par rapport à 2023.

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La lutte à mener pour que cela cesse est urgente et exigeante. Le programme du Nouveau Front populaire que nous appliquerons, une fois que Macron acceptera le fait que nous avons remporté le second tour des élections législatives, défend d’ailleurs l’adoption d’un plan d’action « zéro mort au travail » qui prévoit entre autres le rétablissement des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l’embauche d’inspecteurs du travail et de médecins du travail et la mise à jour du tableau des maladies professionnelles en intégrant notamment le burn-out. L’Assemblée nationale doit évidemment être exemplaire en la matière, de toute urgence.

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