Comment Emmanuel Macron veut briser l’union de la gauche

Le Président réfléchit déjà au coup d’après les législatives avec une stratégie éprouvée : pourrir le Nouveau Front populaire. Et, comme toujours, s’efforcer de rester au centre du jeu.

Nils Wilcke  • 8 juillet 2024
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Comment Emmanuel Macron veut briser l’union de la gauche
© Guillaume Deleurence

Emmanuel Macron voit le verre à moitié plein à la lecture des résultats du second tour des élections législatives. Avec 168 sièges, c’est-à-dire 82 de moins par rapport à 2022, la coalition macroniste sauve la face. Fidèle à lui-même, le président fanfaronne : « On nous prédisait la déroute mais nos idées sont toujours présentes dans le cœur des Français », déclare le chef de l’État dimanche soir dans le salon Murat de l’Élysée, alors qu’il bat un record d’impopularité dans les sondages. En oubliant aussi un instant que ses troupes se sont maintenues grâce aux voix du Nouveau Front populaire (NFP). « On le disait fini mais c’est bien la preuve que cette dissolution n’était pas si pourrie », renchérit l’un de ses soutiens auprès de Politis.

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Autour du chef de l’État, les ministres et chefs de la majorité présents acquiescent à ces propos louangeurs mais n’en pensent pas moins tout en sirotant leurs Coca zéro et leur eau minérale. « C’est quand même une grosse branlée », soupire ce lundi le conseiller d’un participant. Signe de la déconfiture réelle, celle-ci, du camp présidentiel, Gabriel Attal a présenté sa démission à l’Élysée ce matin. Le président lui a demandé de rester Premier ministre « pour le moment », au moins le temps des Jeux olympiques de Paris (les Jeux paralympiques se terminent le 8 septembre, N.D.L.R.).

Emmanuel Macron ne supporte pas l’idée de ne pas avoir la main.

Officiellement, le président du chaos, qui a plongé la France dans une crise politique sans précédent, voudrait « assurer la stabilité du pays », fait savoir l’Élysée. Le chef de l’État a décidé « d’attendre la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires », « conformément à la tradition républicaine », annonce l’Élysée. « Serait-il devenu moins vertical ? », s’interroge un député Renaissance reconduit, un brin dubitatif.

Le coup d’après

En réalité, Emmanuel Macron réfléchit déjà au coup d’après. « Il ne supporte pas l’idée de ne pas avoir la main », suppute un député Renaissance qui a beaucoup échangé avec lui avant de couper les ponts après la dissolution. Car l’immobilisme est tout sauf une option pour ce président « maniaque du contrôle », rappelle l’un des anciens conseillers de sa campagne en 2017. Ainsi Emmanuel Macron a-t-il épluché les circonscriptions qui méritaient d’être « cédées » au Nouveau Front populaire, échangeant à ce sujet avec Marine Tondelier et Olivier Faure avant le second tour, comme l’a révélé opportunément La Tribune du dimanche le jour même des élections.

De même, les ambitions de ses anciens obligés l’irritent profondément : le président a repris Gabriel Attal quand le Premier Ministre a osé affirmer que « le centre de gravité du pouvoir sera désormais plus que jamais entre les mains du Parlement et donc (…) de nos concitoyens ». « Les ambitions sont légitimes mais il y aura un moment pour qu’elles s’expriment, qui n’est pas encore venu », l’a sermonné celui qui se voit comme le « grand frère » de « Gaby », selon les informations de Politis. Bruno Le Maire, Édouard Philippe et Gérald Darmanin l’ont aussi pris pour eux. Ce dernier s’émancipe un peu plus en conviant plus d’une trentaine de députés à déjeuner Place Beauvau ce lundi, selon nos informations : ses fidèles Maud Bregeon, Ludovic Mendes, Violette Spillebout, Charles Rodwell…

Dès dimanche soir, le ministre de l’Intérieur affirmait que l’ancienne majorité présidentielle pourrait gouverner avec la « droite républicaine », comprendre sans le camp Ciotti. Bruno Le Maire s’agite également en coulisses, en réunissant des députés de la majorité sortante dans la soirée à Bercy. Édouard Philippe, dont la rupture avec le président est désormais assumée, se plaint que la dissolution, qui devait faire apparaître un moment de « clarification », « a au contraire conduit à une grande indétermination ». La guerre des chefs s’accélère.

La gauche dans le viseur

À cela s’ajoutent les ambitions de Sacha Houlié, qui « réfléchit » à créer un nouveau groupe « social-démocrate » à l’Assemblée nationale, selon France Info. Cette figure de « l’aile gauche » de l’ex-majorité a multiplié les critiques contre Emmanuel Macron depuis le vote de la loi immigration, jusqu’à qualifier la dissolution de « décision absurde du président de la République ». Matignon redoute plus que jamais « une implosion de la Macronie », selon un conseiller de l’exécutif. Le Président, lui, ne s’avoue pas vaincu.

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Certes, il ne pourra pas user de la dissolution avant un an mais il garde toujours le pouvoir de nommer le Premier ministre et les ambassadeurs. Il peut aussi attendre quinze jours avant de promulguer les lois votées et réclamer une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles qui lui déplaisent. Bref, de quoi rendre la vie d’un gouvernement de gauche très désagréable, à défaut de pouvoir paralyser un éventuel gouvernement NFP.

Sans compter la volonté de la gauche de revenir sur la réforme des retraites : « Ce qui s’est fait par 49-3 peut se défaire par 49-3 », déclare, bravache, le patron du PS, Olivier Faure, sur France info. « On ne va pas gouverner à coups de 49-3 », lui répond Sandrine Rousseau sur BFM quelques instants plus tard. Les germes de la désunion, déjà ? Même pari du côté de Matignon. Gabriel Attal a invité le PS à « rompre avec LFI », lors d’un déjeuner avec une vingtaine de député de l’ancienne majorité, selon un participant. Une partie de la gauche, fâchée avec LFI, pourrait-elle céder aux sirènes de la Macronie? La tentation est forte de couper avec la formation de Jean-Luc Mélenchon pour créer une alliance au centre-gauche. « La sociale-démocratie n’est pas morte », confiait dès dimanche soir un proche de Glucksmann à Politis.

Il ne supporte pas de ne pas être au centre des décisions, il va essayer de nous la mettre à l’envers.

À gauche, comme à droite, personne n’imagine le chef de l’État se contenter de regarder la bataille pour Matignon en spectateur. « Il ne supporte pas de ne pas être au centre des décisions, il va essayer de nous la mettre à l’envers », s’inquiète une éminente députée écolo. Son entourage ne dément pas cette possibilité. « La gauche va discuter, palabrer sur le nom d’un potentiel Premier ministre puis se déchirer sur des points de programmes et le Président va remporter la mise, vous verrez », ricane l’un de ses soutiens, qui rappelle que faute de majorité absolue, la gauche ne peut pas opposer de mention de censure son gouvernement. Ce qui lui permet d’écarter à moyen terme toute démission, comme il l’a craint un moment.

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Les chefs du NFP ont vu venir le président : « Il faut que dans la semaine, nous puissions être en mesure de présenter une candidature pour Matignon », martèle Olivier Faure sur France Info, estimant que le président devra se plier à cette décision. C’est aussi ce qu’affirment l’Insoumise Mathilde Panot sur RTL ainsi que Sandrine Rousseau sur BFM. Insatiable, Emmanuel Macron ? « Cela va bien au-delà de la soif du pouvoir, qui est consécutive de son ego surdimensionné. Le parfait exemple du mégalomane », grince un ancien conseiller de la campagne en 2017. À la gauche de lui montrer qu’il se trompe, comme elle l’a fait en s’unissant en 48 heures au sein du Nouveau Front populaire.

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