Le RN et l’extrême droite, une longue histoire de haine et de violences

Une potentielle victoire du Rassemblement national aux législatives ce dimanche 7 juillet fait craindre une flambée de violences contre les cibles habituelles de l’extrême droite.

Nils Wilcke  • 5 juillet 2024
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Le RN et l’extrême droite, une longue histoire de haine et de violences
Des manifestants d'extrême droite brandissent un drapeau du GUD, le 26 mai 2013 à Paris.
© THOMAS SAMSON / AFP

Depuis les succès électoraux du RN, les violences racistes déferlent dans le pays, comme le montrent les articles de médias indépendants comme Mediapart ou Streetpress. Tabassages racistes dans l’Ain, missives haineuses envoyées à des personnes racisées comme à Perpignan, chants nostalgiques de Pétain et violences dans le Nord contre des militants de gauche… La liste ne cesse de s’allonger.

Mais à écouter Marine Le Pen et Jordan Bardella, les éléments violents du RN se limitent à quelques « brebis galeuses » et « des moutons noirs », pour une majorité de « braves gens ». Les deux dirigeants du parti d’extrême-droite sont contraints de sortir de leur réserve à 48 h du second tour des élections. Mais c’est pour mieux minimiser les sorties racistes et diverses exactions de leurs membres, comme à leur habitude. 

‘Une nette progression des violences d’extrême droite’ depuis 2015.

N. Lebourg

Le RN a pourtant un long passif avec les violences. Sur 9 500 actes de violences politiques entre 1986 et 2016, 1 305 d’entre eux sont imputables à l’extrême-droite, dont des membres ou des sympathisants du parti à la flamme, selon l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste des différents courants des extrêmes droites européenne, qui a participé à l’étude « Violences et radicalité militante en France dans l’espace public », publiée en 2019 par un collectif de chercheurs. Encore faut-il soulever que ce nombre est loin d’être exhaustif. Le chercheur note « une nette progression des violences » depuis 2015, qui coïncide avec la date des attentats terroristes revendiqués par Daesh. 

La prime à l’acte le plus violent

Les violences commises par des candidats du RN et ses militants ou sympathisants sont essentiellement liées au contexte électoral : « Typiquement, ce sont des agressions lors de collages d’affiches », observe Nicolas Lebourg. A Paris, quatre colleurs pour le Nouveau Front populaire ont été aspergés de gaz lacrymogènes par des militants d’extrême droite il y a quelques jours. Ces violences sont institutionnalisées, selon le chercheur. 

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« Les groupuscules liés à l’extrême droite et au RN, comme le GUD incitent ses membres à faire commettre des violences pour attirer les médias et recruter, cela existe et c’est très encadré depuis les années 50 », observe Nicolas Lebourg. Pire, ces violences servent de prétexte pour exacerber la concurrence entre les chapelles de l’extrême droite française. « C’est un peu la prime à celui qui arrivera à réaliser l’acte le plus violent donc plus spectaculaire », explique l’expert.

Il y a un ‘pourcentage d’éléments difficilement contrôlable’ au RN.

Un cadre du parti

« L’essentiel de la violence d’extrême droite est interpersonnelle, explique Nicolas Lebourg, mais le mobile ethnique est omniprésent. » Comprendre, les militants d’extrême droite visent les personnes de couleur et d’origines étrangères. Et quand bien même ces violences sont matérielles, leur motif reste « ethnique », comme les profanations de tombes. Un sinistre hobby auquel s’adonne l’extrême droite en Alsace, notamment où les actes de ce type font régulièrement les titres de la presse régionale.

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Dans le Doubs, un ancien candidat du RN a été condamné en 2020 pour des tags islamophobes sur des mosquées à Besançon. Il avait auparavant quitté le parti de Marine Le Pen qu’il jugeait « trop laxiste », selon BFM. En 2019, 20 minutes révèle que le candidat RN pour les municipales de Strasbourg pour la Ville a été condamné pour avoir incendié des kebabs dans sa jeunesse. L’individu est débranché en catastrophe par le parti et Marine Le Pen est obligée de sortir du silence pour reconnaître le passé violent de son ancien candidat, devant le scandale provoqué par ces révélations.

Campagne de haine

Le parti jure alors qu’il va améliorer ses procédures de recrutement pour éviter que ce genre de cas se reproduire. « Un vœu pieu », selon un cadre du RN à l’époque, qui reconnaissait qu’il y a un « pourcentage d’éléments difficilement contrôlable » au parti. Au temps pour la dédiabolisation annoncée par Marine Le Pen.

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Récemment, c’est en Bretagne, jadis une terre classée à gauche, que l’extrême droite s’illustre de façon violente. Avec une campagne d’intimidations des élus de la mairie de Callac qui a abouti au retrait du projet d’implantation de familles de réfugié. Le point d’orgue de cette campagne de haine a été atteint avec l’incendie de la maison du maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, alors que l’édile dormait sur place avec sa famille. L’acte de trop, qui l’a poussé à la démission, d’autant que l’élu n’a pas été soutenu par l’exécutif, à Saint-Brevin, seule la gauche a été rendez-vous pour dénoncer ces faits.

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L’édile était chargé par l’État du déplacement d’un centre d’accueil pour migrants près d’une école de sa ville, ce qui a entraîné des menaces. Marine Le Pen et les députés du RN ont d’ailleurs refusé de se joindre à l’hommage de l’Assemblée au maire de Saint-Brevin-les-Pins en mai 2023, prétextant par « une dérive à l’Assemblée », qui consisterait, en quelque sorte, à rendre trop d’hommages. 

Une « liste des avocats à éliminer »

Faut-il s’attendre à une flambée de violences en cas de victoire du RN ou, au contraire, si le parti n’atteint pas ses objectifs électoraux, dimanche soir ? Sur les réseaux sociaux, les personnes de gauche, les personnes LGBTQI+, les immigrés, les Juifs, les handicapés, les avocats et les magistrats confient leurs craintes face de potentielles opérations qui seraient menées par des fidèles du RN ou des groupuscules d’extrême-droite.

Il peut aussi y avoir la réaction d’éléments qui ne se retrouveront pas dans un RN institutionnalisé.

N. Lebourg

Jeudi 4 juillet, le site « Réseau libre », un torchon d’extrême-droite dont le fondateur se trouve en Russie, a diffusé une « liste des avocats à éliminer », pour s’être rendu coupable d’avoir signé une tribune contre le RN dans Marianne. Le bâtonnier de Paris a immédiatement saisi la procureure de la République de Paris pour signaler ces menaces de morts contre 98 avocats, principalement installés à Paris et à Caen.

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La journaliste d’Arrêt sur images, Nassira El Moaddem, fait l’objet de menaces de mort sur un site d’extrême droite. Un passage à l’acte est-il possible ? « C’est toute la question, mais on ne peut pas l’établir avec certitude », indique Nicolas Lebourg. Les potentielles actions violentes de l’extrême droite sont surveillées de près par le ministère de l’Intérieur. Officiellement, « à cette heure, il n’y a pas de projets détectés d’actions préparées, selon les grilles habituelles du renseignement. Mais le ministère est mobilisé », assure le cabinet de Gérald Darmanin à Politis. Le ministre a annoncé que pas moins de 30 000 policiers seront sur le terrain dimanche soir. 

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Mais une prise du pouvoir par le RN à Matignon, pourrait aussi peut-être apaiser ces éléments les plus violents, selon Nicolas Lebourg. Le chercheur cite l’exemple de l’extrême gauche lors de la victoire de Mitterrand : « Les groupes trotskistes et maoïstes qui pratiquaient la violence jusqu’en 1981 se sont assagis, car ils ont trouvé plus confortable de se convertir en conseillers ministériels dans les cabinets de gauche. Mais il peut aussi y avoir la réaction inverse d’éléments qui ne se retrouveront pas dans un RN institutionnalisé », affirme le chercheur. Une hypothèse qui fait froid dans le dos des cibles désignées par l’extrême droite.  

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