En Palestine, le peuple lutte pour son avenir
Pour imposer la fin de l’occupation et de la guerre, la résistance palestinienne a besoin du soutien international. Mais « l’accord d’unité nationale » signé en Chine et incluant le Hamas est rejeté par les États-Unis.
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« Le seul scénario acceptable pour mettre fin à la guerre est la victoire de l’Ukraine » Aux États-Unis, ceux qui veulent mettre Trump « out » Argentine : braver la haine Tour du monde des résistances« La Cour internationale de justice a conclu de façon décisive que l’intégralité de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza font partie des territoires palestiniens occupés. Elle a décidé que la présence israélienne – l’occupation militaire et les colonies – y est illégale et qu’elle doit s’en retirer au plus vite. Elle a confirmé l’applicabilité de la Quatrième Convention de Genève dans les territoires palestiniens occupés […] et qu’Israël pratique une ségrégation raciale et l’apartheid contre le peuple palestinien, et oblige Israël à payer une compensation aux Palestiniens » pour les torts infligés, se réjouit le docteur Mustapha Barghouti, secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne.
La Cour internationale de justice, plus haute juridiction des Nations unies, a en effet rendu ce vendredi 19 juillet, après de longs mois de délibérations, son avis jugeant illicite l’occupation israélienne de territoires palestiniens, confirmant les nombreuses résolutions onusiennes qui se succèdent depuis 1967 mais qui n’ont jamais été appliquées. Pourtant, les États ont obligation de respecter les résolutions des Nations unies, et les Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève doivent les contraindre à les respecter.
Après plus de soixante-dix-sept ans d’exil forcé des Palestiniens, et plus de cinquante-sept ans d’occupation et de colonisation de leurs terres, tout montre que la résistance palestinienne, comme l’activité courageuse des anticolonialistes et pacifistes israéliens, ont un besoin impératif de la pression internationale pour que le droit et la justice deviennent enfin une réalité.
Une guerre sans précédent
C’est d’autant plus le cas après plus de neuf mois de guerre d’une ampleur dévastatrice, et sans précédent, menée contre la population civile du petit territoire de Gaza. Plus de 39 000 morts, dont des milliers d’enfants, sont à déplorer, tandis que des personnes gisent sous les décombres de leurs maisons calcinées par les bombardements. Que plus de 90 000 autres sont blessées ou amputées. Que plus de 17 000 enfants sont devenus orphelins. Que la population souffre de famine et n’a pas accès à l’eau potable. Que les épidémies se répandent. Que les hôpitaux, les écoles et les abris sont systématiquement bombardés. Que les populations sont, sans cesse, déplacées.
Comme une vengeance au lendemain de la publication de l’avis de la CIJ, quelque 70 Palestiniens ont été tués dans des opérations israéliennes à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, d’où des milliers de personnes ont de nouveau été contraintes de fuir. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, les colons et l’armée poursuivent l’évacuation forcée, lors de raids ultra-violents et meurtriers de communautés entières des villages, pour s’emparer des terres, des maisons et des ressources des Palestiniens.
Les dirigeants politiques et militaires à Tel-Aviv prétendent vouloir éradiquer le mouvement islamiste Hamas et ses alliés, après l’attaque de commandos du Hamas et du Jihad sur le sol israélien qui, le 7 octobre 2023, ont tué 1 139 Israéliens et ressortissants étrangers, dont 764 civils parmi lesquels 37 enfants, 248 personnes étant prises en otage. Il s’agit en effet d’un crime de guerre.
En Cisjordanie, les morts et les arrestations, notamment d’enfants, se succèdent.
Pourtant, ces mêmes dirigeants israéliens n’ont eu de cesse de favoriser le Hamas depuis sa création pour tenter de diviser la résistance palestinienne, d’affaiblir l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) puis l’Autorité nationale palestinienne. La guerre qu’ils mènent dans la bande de Gaza, qui subit depuis plus de dix-sept ans un blocus impitoyable et a été victime d’une succession de guerres contre sa population, ressemble surtout à une volonté d’effacement : de la vie, de l’existence palestinienne, de son histoire, de sa mémoire.
Comment résister à ce que des historiens et des sociologues palestiniens nomment un « sociocide » ? Comment résister à la destruction systématique d’un pays et à la tentative d’anéantissement d’une population ? Comment s’organiser lorsque les populations n’ont plus rien et sont soumises à des déplacements incessants ?
Le courage des professionnels de santé, en particulier du Secours médical palestinien et du Croissant-Rouge, qui risquent leur vie pour en sauver d’autres, celui de la Défense civile, celui des membres de l’Unrwa (programme de l’ONU pour l’aide aux réfugiés palestiniens) qui risquent tout, eux aussi, pour apporter le peu d’aide humanitaire qui parvient dans le territoire détruit, celui des journalistes qui continuent à informer malgré plus de cent morts parmi eux, sont autant de formes de résistance indispensables.
En Cisjordanie, dans le village de Bil’in, coupé par un mur d’annexion illégale, ainsi que dans les villages et camps de réfugiés attaqués par les colons et l’armée coloniale, s’organise aussi une résistance non-violente particulièrement ciblée par Israël. Les morts, les arrestations, notamment d’enfants, se succèdent. D’autres ont choisi la résistance armée. Celle-ci est un droit reconnu par les Nations unies, dès lors qu’elle ne prend pas pour cible des civils.
Accord d’unité nationale
Il est clair en revanche que l’acharnement criminel de l’armée israélienne à Gaza ne peut qu’alimenter la frustration, la radicalité et la haine de l’ennemi. Tous les sondages réalisés en Palestine occupée montrent l’importance croissante de la popularité du Hamas. Celle-ci tient aussi de l’amertume quant à l’Autorité nationale palestinienne, accusée d’inaction, de coopération sécuritaire avec Israël en Cisjordanie, voire de corruption.
Si le Fatah est de ce fait discrédité, ce n’est pas le cas de l’un de ses principaux dirigeants en prison depuis 2002, qui a toujours été favorable à l’unité des Palestiniens et de leurs organisations, Marwan Barghouti. Alors qu’aucune élection nationale n’a eu lieu en Palestine depuis 2006, il est en tête de tous les sondages en cas de présidentielle. Car les Palestiniens, qui réclament l’unité, n’ont pas l’intention de se voir dicter leur avenir.
Mardi 23 juillet, le Hamas a annoncé avoir signé à Pékin un « accord d’unité nationale » avec 14 organisations palestiniennes, dont le Fatah. Le texte négocié en Chine prévoit une gouvernance intérimaire commune après la guerre à Gaza. Pékin a appelé les autres pays à soutenir cette hypothèse pour qu’un tel gouvernement palestinien puisse « contrôler effectivement » l’ensemble du territoire palestinien de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Israël et les États-Unis ont déjà refusé ce principe, rejetant tout projet d’après-guerre incluant le Hamas. Mais c’est bien aux Palestiniens eux-mêmes de désigner leurs représentants. Leur droit à les élire et le choix qui en résultera leur appartiennent et devront être respectés.
Les État européens, notamment, ont la responsabilité politique et morale d’intervenir, au-delà des discours.
D’ici là, il est urgentissime d’imposer un cessez-le-feu définitif dans la bande de Gaza qui connaît une crise humanitaire et sanitaire. Cela signifie aussi la libération des prisonniers politiques palestiniens, notamment de tous les enfants, comme des otages israéliens. Les État européens, notamment, ont la responsabilité politique et morale d’intervenir, au-delà des discours. Non pas seulement pour envoyer une aide humanitaire massive indispensable. Mais aussi en faisant pression sur Israël pour imposer le respect du droit international, des décisions de la Cour internationale de justice, mettre un terme à l’impunité. Il y va de la survie d’un peuple, de l’avenir de deux sociétés, de celui de toute la région.
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