La hausse du Smic réduirait les coûts salariaux

Pour le patronat, une hausse de 15 % du Smic conduirait des milliers de PME à la faillite. C’est totalement faux.

Thomas Coutrot  • 3 juillet 2024
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La hausse du Smic réduirait les coûts salariaux
© Markus Spiske / Unsplash.

« Le Smic à 1 600 euros gèlera des millions de projets d’embauche et nous fera renouer avec le chômage de masse (1) » : le Medef ne fait pas dans la nuance. Pour le patronat, une hausse de 15 % du Smic conduirait des milliers de PME à la faillite. C’est totalement faux : il se trouve qu’au contraire, dans la plupart des entreprises, la hausse du Smic aboutirait à… une baisse des coûts salariaux.

Ce paradoxe tient au mode de calcul des exonérations de cotisations sur les bas salaires. Elles s’appliquent à ceux compris entre le Smic et 1,6 fois le Smic, mais de façon décroissante : l’exonération est totale au niveau du Smic, puis décroît quand on s’élève dans la hiérarchie salariale jusqu’à disparaître à 1,6 Smic. Quand le Smic augmente, le salaire des personnes payées strictement au niveau du salaire minimum augmente d’autant, et le coût salarial également. Mais pour les salaires supérieurs (par exemple de 20 % ou 30 %) à l’ancien Smic, c’est très différent : ils ne vont pas augmenter, ou très peu, mais les exonérations à ces niveaux de salaires s’accroissent fortement, puisqu’ils sont beaucoup plus près du nouveau Smic.

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Résultat : dans la plupart des PME, où coexistent des salariés strictement au Smic et d’autres à des niveaux un peu plus élevés (par exemple du fait de primes d’ancienneté ou de performance), la hausse du coût des smicards sera contrebalancée par la baisse du coût des autres. Pierre Concialdi, chercheur à l’Ires, a calculé l’effet global à partir de cas types représentant des situations plausibles : dans le cas d’une PME où la moitié des salariés sont au Smic (avant sa hausse de 15 %) et l’autre moitié à 1,2 Smic, la hausse du coût salarial est inférieure à 3 % !

Rien à voir avec le choc insupportable dénoncé par les idéologues du patronat.

Dans la plupart des autres cas, la hausse du coût salarial est négative : autrement dit, il baisse. Sur l’ensemble de l’économie, cette baisse est certes faible, de l’ordre de 1 % à 2 %, mais n’a rien à voir avec le choc insupportable dénoncé par les idéologues du patronat. Alors oui, il faudrait progressivement supprimer ces exonérations, dont la plupart des évaluations ont montré la faible efficacité en termes de créations d’emploi et le coût exorbitant pour les budgets publics. Mais, en attendant, la hausse du Smic sera parfaitement indolore pour l’immense majorité des entreprises.

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