Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon et militante des services publics

La haute fonctionnaire spécialiste de la fraude fiscale et fervente défenseure des services publics a été choisie pour être Première ministre par consensus par l’ensemble des composantes de la coalition de gauche.

Lucas Sarafian  • 23 juillet 2024
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Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon et militante des services publics
Lucie Castets dans l'émission « C Ce soir », le 30 janvier 2024.
© DR

L’attente a été longue. Très longue. Pendant 16 jours et 16 nuits de négociations, les noms de candidats potentiels pour être Premier ministre se sont succédés, les réunions se sont multipliées et les désaccords semblaient infranchissables. Certains prédisaient que le Nouveau Front populaire (NFP) allait imploser. Après les hypothèses avortées de la présidente du conseil régional de La Réunion, Huguette Bello, et l’économiste spécialiste des questions climatiques, Laurence Tubiana, socialistes, écologistes, communistes et insoumis se sont mis d’accord sur un nom. Enfin.

On le dit, on le fait. Le Nouveau Front populaire a sa Première ministre.

M. Tondelier

Ce sera Lucie Castets. « Le choix n’était pas simple. Il y a eu des débats stratégiques, des jeux d’influence. Le consensus est forcément difficile à trouver, le processus a été long. Mais il fallait que ça se décante, il fallait mettre Emmanuel Macron au pied du mur, qu’il reconnaisse le vote des Français », réagit Christian Picquet, membre de l’exécutif du Parti communiste et négociateur du NFP.

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Le profil idéal pour l’alliance des gauches

« On le dit, on le fait. Le Nouveau Front populaire a sa Première ministre », se félicite Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes. Dans un communiqué publié peu après 19 heures, ce mardi 23 juillet, le NFP annonce soutenir la candidature de cette « animatrice de luttes associatives pour la défense et la promotion des services publics, activement engagée dans le combat d’idées contre la retraite à 64 ans, haute fonctionnaire ayant travaillé à la répression de la fraude fiscale et de la criminalité financière ». En clair, le profil idéal pour l’alliance des gauches.

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Lucie Castets, 37 ans, est actuellement directrice des finances et des achats de la mairie de Paris. Formée en économie politique et en droit public, cette haute fonctionnaire sortie de l’ENA travaille à la Direction générale du Trésor dès 2014, sur la criminalité financière et des sanctions internationales et sur la coordination européenne. Elle y restera plus de quatre ans. Fine connaisseuse des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale elle rejoint en 2018 Tracfin, la cellule française de renseignement financier chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière.

Elle va très vite sur des sujets parfois très complexes, elle est très humaine, proche des gens.

A. Bontemps

En 2020, elle entre à la mairie de Paris grâce à Emmanuel Grégoire, l’ancien premier adjoint d’Anne Hidalgo, l’édile de la capitale. Le socialiste organise un entretien d’embauche pour qu’elle puisse éventuellement intégrer son équipe de conseillers. Mais assez impressionné par les réponses et la compétence de Lucie Castets, Emmanuel Grégoire conseille à la maire de la recruter au sein de son propre cabinet. Elle devient donc conseillère au sein du cabinet de la maire, chargée du budget, des finances et de la finance verte, puis en tant que directrice des finances de la ville.

Elle incarne la défense des services publics

Pour la députée insoumise de Paris interrogée sur BFMTV, Sarah Legrain, Lucie Castets est « une haute fonctionnaire qui a travaillé longtemps sur la question de la fraude fiscale et du blanchiment d’argent, très engagée dans des collectifs de défense des services publics ». Car depuis plusieurs années, elle participe, au sein de réseaux militants de gauche, aux réflexions sur la situation des services publics en France. En 2021, elle contribue à la création du collectif Nos services publics dont elle est jusqu’à aujourd’hui une des porte-parole.

« Elle a un parcours professionnel au service de l’État et des collectivités territoriales remarquable, avec des engagements forts sur la justice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale, estime Arnaud Bontemps, le cofondateur de Nos services publics. Elle va très vite sur des sujets parfois très complexes, elle est très humaine, proche des gens. »

En novembre 2022 sur France 5, elle avait vivement attaqué le gouvernement et particulièrement le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, lors de l’affaire McKinsey et des recours abusifs aux cabinets de conseil. « La question n’est pas tant la régulation du recours aux cabinets de conseils, mais ce qu’on veut pour l’État », avait-elle alerté.

C’est une chasseuse d’évadés fiscaux qui ira chercher les milliards volés aux écoles et aux hôpitaux.

H. Clouet

« Cette candidature est plus que symbolique. La défense des services publics qu’elle incarne et son expertise sur les questions financières ont certainement été les deux champs de compétence qui ont fait le poids, juge Prune Helfter-Noah, cofondatrice de Nos services publics. Si elle entre à Matignon, elle portera une vision bien différente des services publics que celle portées par les gouvernements successifs depuis des années. »

Des engagements de gauche incontestables

Celle qui a été choisie par consensus est, par ailleurs, une figure très active de l’union des gauches, participant régulièrement au Festival des idées. Plus récemment, elle s’est intéressée à l’initiative de la députée de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain qui, avant la dissolution, ambitionnait de jouer sa propre carte en vue de la présidentielle de 2027. Elle était présente lors des quelques réunions secrètes organisées par la frondeuse insoumise.

Le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat, loue « une femme brillante, engagée pour les services publics et pour le progrès social ». Le député insoumis de Haute-Garonne Hadrien Clouet voit en Lucie Castets une « défenseuse du service public, dénonçant la privatisation de l’État par les cabinets de conseil » et une « chasseuse d’évadés fiscaux qui ira chercher les milliards volés aux écoles et aux hôpitaux ».

C’est une femme aux engagements de gauche incontestables avec une fibre sur les services publics.

C. Picquet

« C’est une femme aux engagements de gauche incontestables avec une fibre sur les services publics centrale dans le programme du Nouveau Front populaire », d’après le communiste Christian Picquet. Le député de Paris, membre du Parti socialiste et amie très proche de Lucie Castets, Emmanuel Grégoire, salue « une femme de rigueur, très compétente, qui a le sens de l’État. C’est une femme issue de la société civile mais qui a de très grandes compétences politiques et humaines ».

Que refuse Emmanuel Macron, pour l’instant

Dans un entretien accordé à l’AFP, Lucie Castets indique accepter « en toute humilité mais avec beaucoup de conviction » ce rôle. Elle estime être une candidate « crédible et sérieuse » pour Matignon. Son premier objectif si elle est nommée par Emmanuel Macron : porter l’abrogation de la réforme des retraites. La haute fonctionnaire compte également appeler à une « grande réforme fiscale pour que chacun, individus et multinationales, paie sa juste part », défendre une « amélioration du pouvoir d’achat » et agir pour mettre un terme à la  « régression des services publics ».

Macron est en totale perdition institutionnelle, c’est assez lunaire.

E. Grégoire

Interrogée sur France 2 au soir du 23 juillet, Emmanuel Macron n’a pas souhaité répondre clairement sur l’hypothèse de la nomination de Lucie Castets : « Le sujet n’est pas un nom donné par une formation politique. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée pour qu’un gouvernement puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. » « Il est en totale perdition institutionnelle, c’est assez lunaire. Son argument rend impossible toute perspective politique stable », réagit le socialiste Emmanuel Grégoire.

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Il reste néanmoins une question à gauche : à quoi ressemblera un gouvernement du NFP si Lucie Castets est nommée à Matignon ? « Nous avons une vague idée de ce que pourrait être l’architecture d’un gouvernement du Nouveau Front populaire. Mais il n’est pas question de construire une équipe en dehors de Lucie Castets désormais », annonce Christian Picquet. La première pierre est posée. La suite de l’histoire reste à écrire.

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