Une victoire populaire, avant tout !

Alors que les instituts de sondages, au soir du premier tour, annonçaient une potentielle majorité absolue au Rassemblement national, une forte mobilisation populaire a permis au Front populaire d’être la plus importante force politique à l’Assemblée nationale. Il faut, désormais, construire dessus.

Pierre Jequier-Zalc  • 8 juillet 2024
Partager :
Une victoire populaire, avant tout !
Rassemblement place de la République, à Paris, le 7 juillet 2024, au soir des résultats du second tout des élections législatives anticipées.
© Maxime Sirvins

« Bonjour Madame, est-ce qu’on pourrait parler quelques minutes des élections législatives ? » Cette phrase, cette semaine, a été répétée des milliers de fois. Des dizaines de milliers de fois, sans doute. Après l’annonce, par Emmanuel Macron, de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, une véritable mobilisation populaire est née pour faire face à la vague brune du Rassemblement national.

Celle-ci a pris plusieurs formes. Mais la principale, sans aucun doute, ce sont ces centaines de personnes qui ont décidé de se lancer, corps et âme, dans une campagne incertaine, au bord du vide. Comme nous vous l’avons raconté dans Politis, ce sont, en effet, des centaines – certainement des milliers – de citoyens, qui, chaque soir sont allés dans des circonscriptions « serrées » pour toquer, porte après porte, pavillon après pavillon, pour convaincre les indécis, pour expliquer les enjeux de cette élection. Et ainsi, contrer ce qu’on voulait, à tout prix, nous faire croire comme inéluctable : une majorité pour le Rassemblement national.

Sur le même sujet : La République, c’est le barrage

D’ailleurs, le leader de la France Insoumise ne s’y est pas trompé. Pour commencer sa prise de parole, Jean-Luc Mélenchon a tenu à saluer « l’effort et la mobilisation des milliers de femmes et d’hommes qui se sont dévoués sans compter pour parvenir au résultat qui est acquis ce soir ». Ceux-là mêmes, qui, par la force de leur conviction, ont déjoué tous les pronostics. Car il faut bien le dire : si le « barrage républicain » a permis aux macronistes de ne pas être totalement ridiculisés ce dimanche 7 juillet, ce n’est pas lui qui a donné la victoire au Nouveau Front populaire.

On ne gagne pas une élection sans faire campagne. On ne braque pas la démocratie sans convaincre.

En effet, selon une enquête d’Ipsos pour Le Parisien, près de 3 électeurs sur 4 du Nouveau Front Populaire au premier tour sont allés voter pour un candidat de l’ex majorité présidentielle en cas de duel face au Rassemblement national. C’est moins d’un électeur sur deux dans le cas inverse. Seulement 43 % des électeurs macronistes ont glissé un bulletin La France insoumise dans l’urne en cas de duel face au RN. Ce chiffre monte, maigrement, à 54 % dans un duel entre le RN et un candidat PS, Les Écologistes ou PCF. Pour les leçons de « républicanisme », on repassera.

Construire

Cette victoire est donc avant tout populaire. Elle est issue d’un travail de terrain que ni le Rassemblement national, ni la majorité présidentielle n’ont su effectuer. Et c’est peut-être le plus grand succès de ces résultats. On ne gagne pas une élection sans faire campagne. On ne braque pas la démocratie sans convaincre. De ce postulat, sain, il faut désormais construire. Maison par maison, foyer par foyer. Parce que si la victoire, ce 7 juillet, est aussi belle qu’inattendue, elle reste relative. Le Rassemblement National continue de progresser fortement avec plus de 50 nouveaux députés à l’Assemblée Nationale.

Cette vague brune, si elle n’a pas le tsunami que certains prédisaient, a quand même fait des dégâts.

Cette vague brune, si elle n’a pas le tsunami que certains prédisaient, a quand même fait des dégâts. Plusieurs députés importants de l’ancienne Nupes ont ainsi été défaits dans les urnes ce dimanche. Pour ne citer qu’eux, Rachel Keke, Pierre Darrhéville ou Sébastien Jumel. Des parlementaires qui étaient élus, bien souvent, dans des circonscriptions rurales. Et qui, malgré une intense mobilisation, ont échoué à quelques centaines de voix.

Sur le même sujet : Le Nouveau Front populaire au défi du vote d’extrême droite

Ces défaites locales doivent nous laisser en éveil. Oui, le Nouveau Front populaire est désormais le bloc politique le plus important à l’Assemblée Nationale. Mais le plus dur reste à venir. En premier, réussir à maintenir cette forte mobilisation populaire dans des territoires où le RN prospère. Ce n’est que par ce travail de terrain, d’implantation, que la gauche réussira à faire reculer le parti de Marine Le Pen et ses idées. La nouvelle élection de François Ruffin – la troisième d’affilée – dans la première circonscription de la Somme, où le RN avait fait d’importants scores aux européennes, en est une bonne illustration. Là est son salut.

Mais pour cela, il faut que les nouveaux parlementaires du Nouveau Front populaire soient à la hauteur du moment. Ces milliers de citoyens, bien souvent non encartés, qui se sont mobilisés ces dernières semaines ne pardonneraient pas une énième trahison libérale. Ses électeurs non plus. « Le seul vote pour tout changer », pouvait-on lire en gras sur les tracts distribués dans les quatre coins du pays pour le NFP. Il faut, désormais, tenir la promesse.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Résistances
Parti pris 24 juillet 2024

Résistances

À quoi ressemblera la France après la trêve estivale, ou olympique, à laquelle aspire Emmanuel Macron ? Qui gouvernera ? À quoi ressemblera le monde de l’après-Biden ? Face au désordre, des résistances partout s’organisent, inspirant autant le respect que l’espoir d’un monde meilleur.
Par Pierre Jacquemain
Nouveau Front populaire : soyons lucides et réalistes
Parti pris 16 juillet 2024

Nouveau Front populaire : soyons lucides et réalistes

Depuis sa relative victoire le 7 juillet, le Nouveau Front populaire se cherche en vain un nom pour Matignon. Mais la coalition de gauche se déchire, pendant que Macron rigole et que le RN attend son heure. En quelques jours, elle s’est décrédibilisée.
Par Pierre Jacquemain
Une mobilisation populaire éteinte par une gauche irresponsable
Gauche 16 juillet 2024

Une mobilisation populaire éteinte par une gauche irresponsable

Alors que le Nouveau Front populaire a soulevé une espérance chez de nombreuses organisations du mouvement social, les dernières tergiversations quant au nom du Premier ministre ont jeté un froid. Et questionnent la possibilité d’un accompagnement d’un gouvernement de gauche par une mobilisation populaire.
Par Pierre Jequier-Zalc
À gauche, une équation aussi pénible qu’insoluble
Parti pris 9 juillet 2024

À gauche, une équation aussi pénible qu’insoluble

Au second tour des législatives, le Rassemblement national, bien qu’en forte progression, a été défait, le macronisme rejeté et le Nouveau Front populaire est devenu la première force politique à l’Assemblée. Mais la gauche doit-elle prendre le risque de gouverner sans capacité d’agir ?
Par Pierre Jacquemain