Pour James Lee Burke

Si nous avons gagné un peu de répit contre l’extrême droite, il va falloir redoubler d’efforts pour éviter une bascule future dans le fascisme. Mais on va pouvoir quand même profiter un peu de l’été pour lire. Chronique en forme de suggestion.

Sébastien Fontenelle  • 10 juillet 2024
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Pour James Lee Burke
© Aaron Burden / Unsplash

Bon. Maintenant qu’on a temporairement dégagé les nazis et gagné un répit (1), on va devoir, petit un, continuer la mission et, par conséquent, petit deux, beaucoup bosser, parce que, bien sûr, considérer que nous sommes définitivement sorti·es d’affaire – et du risque de voir notre cher vieux pays basculer dans le fascisme – serait une fatale erreur. Mais on va aussi pouvoir, petit trois, profiter mieux de l’été (nonobstant que sa météo reste assez automnale) pour lire quelques livres, par exemple, entre deux randos vers les sommets où l’âme s’élève au rythme lent des semelles Vibram, comme l’écrivait fort justement Pierre de Ronsard entre deux raids pour voir si la rose : voici donc une première suggestion de lecture.

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Et lancé ce dimanche soir quelques cris de joie qui ont a priori dû s’entendre jusque dans les proches environs de Gliese 411b – exoplanète située à 78 526 milliards de kilomètres de notre bon vieux système solaire –, assortis, pour parfaire la fête, de l’énergique rappel que la jeunesse, en 2024, comme en 1987 (quand les Bérus ont pour la première fois édicté ce ravissant précepte), et la vieillesse non moins emmerdent le Front national.

On a déjà dit et redit (et redit encore) dans cette chronique, au fil des ans, que James Lee Burke, 87 ans, n’est pas seulement l’un des plus grands auteurs de polar de sa génération, mais aussi – et surtout – l’un des plus grands écrivains de l’histoire de la littérature états-unienne.

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À le lire (et le relire) et le suivre pendant plusieurs décennies dans ses deux longues séries romanesques (l’une, louisianaise, consacrée à Dave Robicheaux, héros magnifique, l’autre, texane, et dans laquelle s’insère le livre dont il est ici question [2], suivant la famille Holland), on l’a vu s’assombrir et comme ployer malgré lui – et en dépit de ses beautés, dont il ne désespère jamais complètement – sous les laideurs d’un monde soumis à l’égoïsme. 

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James Lee Burke, Un autre Eden, bellement traduit de l’américain par Christophe Mercier, Rivages Noir, 272 pages, 22 euros.

Pour cette raison même, ses romans sont toujours plus âpres, et quiconque ne l’aurait encore jamais lu doit s’y préparer – mais savoir aussi que son effort sera payé de la découverte d’une écriture dont la splendeur, hantée par le bien et le mal et toujours très politique, ne se dément jamais, et dont témoigne par exemple cette phrase, parmi cent autres, venue du pays de Donald J. Trump : « En contrebas, les gens hurlaient, leur voix remplie de haine, assoiffée de sang, pleine d’une sorte de désir aussi insatiable qu’inexplicable, et dont je suis persuadé qu’il nous a été transmis par une unique créature qui, il y a des millions d’années, a éclos de sa coquille et s’est trouvée étonnée en découvrant le festin qui l’attendait. »

Ou celle-ci : « La mort n’existe pas. Nous entrons dans l’éternité à la naissance, et à un certain moment, au cours de notre voyage, nous nous enfonçons plus profondément dans une prairie semée de fleurs et broutée par les herbivores, une prairie dépourvue de barrières, où nous transformons nos glaives en socs de charrue, comme si la terre était éternelle. »

Bonne lecture.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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