À Tours, les écolos surfent sur la vague de l’union des gauches

La 40e édition des Journées d’été des Écologistes était placée sous le signe de l’union et de l’espoir. Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire au poste de premier ministre a éclipsé la déconvenue du parti aux élections européennes.

Vanina Delmas  • 24 août 2024 abonné·es
 À Tours, les écolos surfent sur la vague de l’union des gauches
Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire au poste de premier ministre, était le 22 août aux Journées d'été des écologistes pour un meeting aux côtés notamment de Marine Tondelier (Les Écologistes) et Laurent Baumel (PS).
© Guillaume Souvant / AFP

Pour rejoindre les Journées d’été des écologistes, il faut traverser le Cher et atteindre l’île Honoré de Balzac, au sud de Tours. « Les îles des tropiques, c’est surfait », plaisante la secrétaire nationale Marine Tondelier, lors de son discours inaugural. La ville d’Indre-et-Loire n’a pas été choisi au hasard : elle est devenue le symbole de la reprise du pouvoir par la gauche et de l’émergence d’un « laboratoire des transformations écologiques et sociales » depuis l’élection d’Emmanuel Denis aux élections municipales 2020, tandis que la région est dirigée depuis des années par une coalition des gauches.

Du concret pour abreuver le nouveau chapitre du récit que les écologistes tentent d’écrire depuis la dissolution et le surgissement du Nouveau Front populaire (NFP). « L’écologie c’est l’adaptation, la sobriété joyeuse et heureuse. La fatalité n’existe pas pour les écolos ! Nous avons la culture de nous préparer au pire et quand il s’approche, on est formés à donner le meilleur », décrypte Marine Tondelier, avant de confier son mantra qui prend tout son sens aujourd’hui : « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essayent ! »

Lucie Castets en tête d’affiche

Mais celle que tout le monde attendait, c’est Lucie Castets. La haute fonctionnaire engagée pour la défense des services publics et choisie par le NFP comme candidate au poste de Première ministre le 23 juillet dernier a été accueillie par des « Castets doit gouverner ! Castets à Matignon ! ». Pour la première étape de sa semaine marathon des universités d’été de la gauche, elle a eu droit à son baptême du feu avec un meeting intitulé « Nouveau Front populaire, nouvel espoir » – accessible au grand public gratuitement.

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S’y sont notamment succédés Youli Yamamoto, porte-parole d’Attac, le communiste Léon Deffontaine, Laurent Baumel, député socialiste d’Indre-et-Loire ou encore Aurélie Trouvé, députée LFI qui a fermement rappelé que « pour gouverner, l’unité de la gauche de rupture est essentielle ». « Lucie Castets n’est pas qu’une énarque, elle n’a pas seulement l’habitude de jongler avec les milliards… Elle incarne l’irruption de la société civile dans les élections de cet été ! » a clamé Ali Rabeh, le maire Génération.s de Trappes (Yvelines).

Nous ne pouvons pas accepter que des enfants dorment dans des bouilloires thermiques dans les quartiers populaires, pendant que volent des jets privés et voguent des yachts.

L. Castets

L’économiste a alors pris le micro pendant une quinzaine de minutes, un brin tendue mais souriante, commençant par raconter son été particulier, « la trouille » qu’elle a eu le 9 juin en voyant les résultats des élections européennes puis ses interrogations sur cette proposition du NFP d’être leur candidate à Matignon qu’elle qualifie de « mission audacieuse ». Elle a évidemment axé son discours sur la bifurcation écologique, expliquant vouloir faire sauter deux verrous pour y parvenir, « l’austérité et l’injustice sociale », et assurant pouvoir trouver des compromis sur cette base.

« Nous ne pouvons pas accepter que des enfants dorment dans des bouilloires thermiques dans les quartiers populaires, pendant que volent des jets privés et voguent des yachts », s’enflamme-t-elle un instant, avant d’enchaîner plus machinalement sur le changement de méthode démocratique qu’elle engagera avec le NFP à savoir « redonner une place au Parlement, écouter les syndicats, les agents publics et faire confiance aux élus locaux ». Salve d’applaudissements.

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Le « si le NFP arrive au pouvoir » est dans toutes les têtes. Tout le monde se projette et dessine par bribe ce que serait une France à gauche.  À propos de la situation en Nouvelle-Calédonie, Marine Tondelier affirme que « si le NFP était au pouvoir, ce n’est pas le ministre de l’Intérieur et des Armées qui ferait le déplacement mais ceux de la Santé et de l’Éducation ». Lors d’une rencontre entre écologistes et cheminots sur le fret ferroviaire, l’ex-eurodéputée Karima Delli interpelle la gauche en demandant un « ministre des Transports qui crache vraiment du feu pour défendre le fret ferroviaire et s’opposer aux mégacamions ». Le rendez-vous des partis de gauche et de Lucie Castets à l’Élysée le 23 août et les incertitudes quant à la décision d’Emmanuel Macron n’ont rien enlevé à l’enthousiasme général dans cette bulle de verdure.

Oasis militante

Dans un coin de l’île, un village a émergé pour trois jours, composé de yourtes, tipis et dômes géodésiques portant le nom de fleuves : Loire, Garonne, Marni… Si le village associatif n’est pas très garni, quelques rendez-vous originaux se sont finalement organisés comme un Aper’eau des Cours d’eau organisé par le groupe de travail sur l’eau, qui a voulu mettre en lumière les avancées non négligeables sur les droits du vivant et la reconnaissance d’un entité juridique aux fleuves. De nombreux ateliers thématiques ont animé les journées que ce soit sur la sécurité sociale de l’alimentation, la protection de l’enfance, les libertés académiques, ou encore comment lutter contre le RN notamment en ruralité.

Un moment de ferveur bienvenu après le revers des élections européennes du 9 juin où Europe Ecologie-Les Verts n’a recueilli que 5,5 % des voix et réussi à faire élire seulement cinq député·es. Marie Toussaint, tête de liste, a profité des JDE pour un premier « apéro-bilan » avec les militant·es, même si aucune discussion n’a encore été effectuée en interne du parti. Elle reconnaît sans tergiverser la déception du résultat, qu’elle n’a « pas réussi à se faire entendre » et « à fendre l’armure » mais explique n’avoir pas voulu jouer le jeu des réseaux sociaux et de certains autres candidats qui n’ont parlé que de l’actualité.

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Les prises de paroles des militant·es oscillent entre satisfecit de la campagne sur le terrain qui a pris tout le monde en compte et remise en question du choix du parti d’avoir renoncé à l’union des gauches, surtout dans le contexte de montée de l’extrême droite partout en Europe. Certains attendent un véritable bilan en interne malgré l’engouement estival autour du NFP et de Marine Tondelier.

Pendant ces journées d’été, pas de rencontres qui pourraient déclencher des polémiques comme celle de l’an passé avec la présence de l’artiste Médine. Mais des dialogues posés avec des personnalités dont un entre Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, et l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche sur les violences sexistes et sexuelles. Cette dernière a raconté avec simplicité et gravité comment elle a décidé de parler de ce qu’elle vécu et pris conscience de cette réalité pour de nombreuses personnes, de nombreuses femmes moins privilégiées qu’elle.

La comédienne a profité de ce moment pour interpeller les politiques en leur disant crûment que s’intéresser aux VSS et aux questions féministes leur apportera de l’électorat, et a osé demander à la cheffe des députés écolo d’utiliser son droit de tirage pour inscrire à l’ordre du jour une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête sur le sujet dès la rentrée de l’Assemblée nationale.

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Un autre dialogue, beaucoup plus détendu, entre l’humoriste Thomas VDB et Marine Tondelier, a clôturé la journée du vendredi, pour parler en toute franchise et décontraction de l’écologie au quotidien (couches lavables, acheter en vrac dans des bocaux trop petits…) et de liberté d’expression notamment à Radio France, puisque l’humoriste a quitté France inter après le licenciement de Guillaume Meurice. La soirée s’est terminée – ou a commencé – avec l’anniversaire surprise de Marine Tondelier, et de l’écologie politique.

En 1974, René Dumont était venu à Tours – en avion – où il avait dénoncé la pollution de la Loire et déclarait « le début de la politisation du mouvement écologique », quelques mois avant d’être le premier candidat écolo à une élection présidentielle. De quoi apporter de l’eau au moulin des écologistes de 2024 qui le répètent inlassablement depuis le début de l’été : « Nous sommes prêts à gouverner avec le Nouveau Front populaire ! »

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