Grave erreur
Où notre chroniqueur de bonne humeur pensait profiter de l’été pour s’octroyer un repos bien mérité. Sur le papier, tout devait bien se passer. C’était sans compter sur les JO et le déni élyséen de la démocratie.
dans l’hebdo N° 1825 Acheter ce numéro
On s’était dit qu’on allait profiter de la fermeture estivale de Politis pour s’octroyer un repos bien mérité. On s’était préparé un programme un peu serré, à base de farniente, de prises de soleil (ô combien) réparatrices après le looooong automne qui a enserré Paris entre le 30 octobre 2023 et le 30 avril 2024, de farniente, et (quand même) de randos vers les altitudes où l’on marche dans la beauté (1) – en même temps que dans la compagnie, infiniment apaisante, des chamois et des marmottes. (Puis bien sûr : de farniente.) Sur le papier, donc : tout devait bien se passer.
Comme dit – et chante – Rodolphe Burger.
Mais tout de même – et parce que ce truc-là est quand même une espèce de drogue assez addictive (et peut-être aussi parce que l’époque requiert des vigilances particulières) – on a gardé un œil sur l’actualité. On a acheté quelques journaux et on a essayé, de loin en loin, d’écouter Franceinfo – sans jamais tenir plus de trois minutes chrono.
Jamais la dépravation morale et la misère professionnelle de la presse et des médias hexagonaux mainstream n’auront été aussi voyantes.
Grave erreur : c’était la chose à ne pas faire, si l’on souhaitait ne pas s’énerver. Parce que jamais la dépravation morale et la misère professionnelle de la presse et des médias hexagonaux mainstream n’auront été aussi voyantes – aussi atrocement évidentes – que durant ces quelques semaines.
En chœur – et en cadence, selon le rythme dicté par le chef élyséen de cette sinistre fanfare étatico-médiatique –, leurs journalistes nous ont d’abord vendu, pendant les quinze jours des JO, dans un acmé d’obscénité, leur abominable réjouissance olympique – alors qu’Israël, dont plus aucun être humain doté d’un minimum de décence et de dignité ne peut plus nier l’intention, poursuivait à Gaza son entreprise d’extermination des Palestinien·nes (2).
Nous avons passé des années – et en vérité des décennies – à nous demander comment le monde avait pu laisser perpétrer les génocides du siècle dernier : maintenant, nous le savons…
Ce n’était, reconnaissons-le, pas complètement surprenant, puisque ça venait après dix mois de déni de la réalité de cette entreprise – qui nous est toujours présentée, à l’heure où ces lignes sont écrites, comme une simple « guerre ». Mais cet effacement n’allait pas seul.
Depuis un mois et demi – au jour où ces lignes sont écrites –, Emmanuel Macron, chef de l’État français, confisque le résultat des élections législatives remportées en juillet par la gauche unie au sein du NFP. Et depuis un mois il refuse de donner la primature à la candidate désignée par cette coalition victorieuse et prétend imposer le Premier – ou la Première – ministre qui lui siéra.
Cela porte un nom : c’est – selon l’acception jadis admise de cette locution – un coup d’État. Et si cela se passait ailleurs dans le monde – au hasard, en Amérique latine –, la presse hexagonale manquerait de mots assez durs pour dénoncer, à fort bon droit, ce basculement dictatorial. Ici, au contraire, elle l’accompagne, très tranquillement – lorsqu’elle ne l’encourage pas à grand renfort d’imprécations anti-gauche insoumise.
Mais il est vrai que, lorsqu’on a passé tant de temps dans le déni d’un génocide, il devient plus facile de procéder aussi à celui de la démocratie.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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