Leçons de choses économiques

L’été a vu le programme économique du Nouveau Front populaire être dézingué. Un programme fondé sur une relance de l’investissement et de la consommation financée par un budget supplémentaire équilibré, grâce à des impôts nouveaux payés par les riches.

Jean-Marie Harribey  • 28 août 2024
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Leçons de choses économiques
© Guillaume Deleurence

Au moment où cette chronique est écrite, on ne sait pas encore qui gouvernera la France. Mais on peut déjà tirer quelques leçons de ces plus de six semaines pendant lesquelles le principal jeu olympique a consisté à dézinguer le Nouveau Front populaire (NFP) et son programme. Ce programme est fondé sur une relance de l’investissement et de la consommation financée par un budget supplémentaire équilibré, c’est-à-dire que les dépenses publiques nouvelles sont entièrement couvertes par des impôts nouveaux payés par les riches. Certes, le budget total de l’État reste pour l’instant en déficit, mais il n’est pas aggravé. Cela signifie au moins trois choses.

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L’hypothèse keynésienne est qu’un budget public croissant mais équilibré suscite une dynamique car le revenu national augmente d’un montant égal à celui du budget supplémentaire (le multiplicateur est égal à 1), mais elle est moindre qu’avec un budget déficitaire (multiplicateur supérieur à 1). On peut supposer que le NFP a fait le choix politique d’apparaître en bon gestionnaire. Mais ce n’est pas le plus important. En pariant sur l’équilibre du budget supplémentaire, le NFP n’escompte pas des ressources fiscales qui proviendraient de la croissance économique future. Ces dépenses sont payées dans l’instant par les impôts courants des riches, bien plus pollueurs que la moyenne.

Le bouclage financier se fait indépendamment d’une croissance qui sera sans doute modeste.

En ne retenant pas l’impact macroéconomique de la relance par la demande que vont susciter la hausse du Smic et des prestations sociales et les nouveaux emplois, le bouclage financier se fait indépendamment d’une croissance qui sera sans doute modeste. C’est la différence avec les plans de relance habituels de gauche. Sans le dire ouvertement, mais à juste raison, le NFP inscrit son action immédiate dans une perspective plus longue : la réorientation du système productif doit se réaliser sans repartir dans une dynamique productiviste.

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Pourtant, le système productif non productiviste devra être efficace. En associant l’investissement nouveau, la hausse de l’emploi et la réduction du temps de travail, de telle sorte que, si la productivité individuelle du travail doit se réduire pour cause écologique, la productivité horaire reste d’un niveau élevé, voire continue d’augmenter même faiblement. L’alternative n’est pas, comme le disent les libéraux, entre plus de croissance et moindre niveau de vie. Elle est entre productivisme et réduction drastique des inégalités avec priorité à des services publics de haut niveau et accessibles à tous.

Tel est le sens des 150 milliards d’impôts nouveaux en 2026 et 2027. Cela suffira-t-il ? Non, car l’investissement soutenable devra se poursuivre dans la durée en mettant la création de monnaie à son service et car, en amont de la redistribution via la fiscalité, il faudra réduire les inégalités de revenus primaires dans les entreprises. Ce sont des leçons de choses qu’a fort bien comprises le patronat, au point qu’il a pu se draper lui aussi dans un « ni LFI ni RN » bien bancal.

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