« Les leviers pour changer d’orientation éducative n’ont jamais été aussi forts »

Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, analyse les incertitudes qui entourent cette rentrée scolaire inédite. Mais aussi son espoir que cette situation « mette à mal le rouleau compresseur macroniste ».

Pierre Jequier-Zalc  • 28 août 2024 abonné·es
« Les leviers pour changer d’orientation éducative n’ont jamais été aussi forts »
Jour de rentrée à l'école élémentaire Condorcet à Lormont, dans la banlieue de Bordeaux, le 4 septembre 2023.
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP

C’est inédit. Du jamais vu sous la Ve République. Lundi prochain, près de 12 millions d’enfants et d’adolescents et près d’un million de professeurs feront leur rentrée… sans ministre de l’Éducation en poste. En effet, c’est toujours Nicole Belloubet, ministre démissionnaire, qui garde les plantes de la rue de Grenelle. C’est donc sans grandes annonces que cette rentrée se prépare. Mais avec un lot d’incertitudes nombreuses, notamment sur la mise en place du « choc des savoirs » voulu par Gabriel Attal et largement contesté par le monde éducatif. Des incertitudes sur lesquelles Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, principal syndicat de la fonction publique, espère construire pour enrayer la machine du tri social.

Comment abordez-vous cette rentrée pas comme les autres ?

Benoît Teste : C’est une rentrée très particulière. Mais il ne faut pas se voiler la face. Elle va ressembler aux précédentes parce qu’on reste dans une politique de dégradation et de fragilisation de l’école publique. Ceux qui mènent cette politique sont encore en poste malgré leur défaite dans les urnes. C’est scandaleux que Mme Belloubet soit toujours au pilotage : la rentrée scolaire n’est pas une affaire courante !

La rentrée scolaire n’est pas une affaire courante !

Justement, de nombreuses réformes, annoncées frénétiquement par Gabriel Attal lorsqu’il était encore locataire de la rue de Grenelle, restent en suspens, créant de l’incertitude pour les élèves et pour les personnels. Comment y faire face ?

Effectivement, il y a toute une série de réformes dont on ne sait pas ce qu’elles vont devenir. Par exemple, la réforme du brevet n’est pas encore entrée en application. Donc, aujourd’hui, les textes ne sont pas encore passés et le diplôme n’est pas nécessaire à l’accession en seconde. Cette réforme est tombée dans les limbes. Mais pour nous, les enseignants, c’est compliqué. On ne sait pas quoi dire aux élèves à la rentrée, cela crée du flou et de l’inquiétude. Cependant, cela peut aussi être une opportunité pour montrer que tout peut dépendre de notre mobilisation.

C’est-à-dire ?

On est dans une rentrée où nous sommes censés mettre en œuvre une politique contestée par les collègues et qui n’a, désormais, plus aucune légitimité auprès de la population. Donc les leviers pour réorienter la politique en partant du terrain n’ont jamais été aussi grands pour les personnels. Le rouleau compresseur macroniste n’est plus, et c’est enthousiasmant. Cela va nous permettre d’essayer de continuer à enliser les réformes que nous contestons vivement. Pour le choc des savoirs, par exemple, notre mot d’ordre auprès des collègues était de refuser d’effectuer les évaluations pour trier les élèves. On espère que ces mots d’ordre vont être entendus.

Sur le même sujet : Groupes de niveaux : Attal investit dans le tri social

Cette situation est aussi une chance pour nous de réorienter la politique éducative. Il faut le rappeler : c’est le Nouveau Front populaire qui est arrivé en tête, avec une politique de rupture, y compris sur la question de l’école. L’attitude d’Emmanuel Macron depuis sa défaite nous inquiète beaucoup. La démocratie, c’est quelque chose qu’on enseigne, et qu’on véhicule au quotidien. On a à cœur de la défendre et, aujourd’hui, elle est largement abîmée. Il faut que le mouvement social joue pleinement son rôle pour permettre de faire émerger des majorités, notamment sur l’éducation.

Le propre du macronisme, c’est de dire qu’on peut faire mieux avec moins mais c’est un leurre.

Pourtant, en présentant un budget « gelé », Gabriel Attal continue d’entériner des coupes budgétaires dans tous les ministères, y compris pour l’Éducation nationale. Comment imposer un rapport de force pour changer cet état de fait ?

La baisse des moyens est extrêmement inquiétante. On les masque le jour de la rentrée en nommant des remplaçants mais il suffit d’attendre quelques jours et un congé d’un enseignant pour voir qu’il n’y a plus personne devant les élèves. Et c’est très grave. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Le propre du macronisme, c’est de dire qu’on peut faire mieux avec moins mais c’est un leurre, et on le voit bien. Il faut relégitimer la dépense publique comme une dépense d’investissement. Aussi, l’intersyndicale FSU, CGT, Solidaires appelle à une grève le 10 septembre dans le premier degré, sur le sujet des évaluations. Le même jour, le large mouvement des collègues en Seine-Saint-Denis va aussi reprendre. Ils sont déterminés à se remobiliser rapidement car dans ce département la rentrée va être encore plus catastrophique qu’ailleurs.

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