À Montreuil, des familles de réfugiés expulsées et sans solution

Les occupants d’un bâtiment rue Stalingrad ont été expulsés dans la matinée du jeudi 29 août. De retour dans leur ancien squat, lui aussi menacé par un avis d’expulsion, sont sans alternatives de relogement.

Tristan Dereuddre  • 30 août 2024 abonné·es
À Montreuil, des familles de réfugiés expulsées et sans solution
Suite à l’expulsion du jeudi 29 août, aucune solution de relogement n’a été présentée aux membres du collectif du 31 rue Gambetta.
© Tristan Dereuddre

Comme un retour à la case départ. Dans la matinée du jeudi 29 août, les forces de l’ordre sont intervenues pour expulser un bâtiment rue Stalingrad, à Montreuil, occupé par des familles de réfugiés. Sans alternatives et pour échapper à la rue, ces dernières ont été contraintes de réintégrer leur ancien squat, situé au 31 rue Gambetta, lui aussi menacé d’expulsion.

L’intervention au 43 rue Stalingrad est loin d’être une surprise : depuis la plainte déposée le 22 août dernier par le propriétaire, SOPIC, une expulsion du squat pouvait s’appliquer sans décision de justice, dans le cadre de la loi Kasbarian-Bergé. Les habitants du collectif Gambetta, conscients des risques, étaient toutes et tous sortis avant 6 heures du matin pour ne pas risquer d’être interpellés. La quarantaine de familles – parmi lesquelles femmes enceintes, enfants en bas âge et adolescents scolarisés à Montreuil – se retrouve une fois de plus sans perspectives, à quelques jours de la rentrée scolaire.

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Le propriétaire et la ville se renvoient la balle…

Depuis la création de leur collectif il y a désormais deux ans, les familles et leurs soutiens ont tenté des appels à l’aide auprès de la mairie. Aucune réponse n’a été apportée à leurs nombreux courriers. Au printemps dernier, le maire de Montreuil, Patrice Bessac, avait toutefois écrit au préfet de la Seine-Saint-Denis pour lui demander de ne pas procéder à l’expulsion du bâtiment squatté rue Gambetta. Contactée, la ville nous affirmait mardi que sa position restait inchangée et qu’elle était contre toute forme d’expulsion.

Un soutien timide, puisque depuis la plainte du propriétaire, aucune tentative de médiation avec Sopic n’a été engagée par les services municipaux pour tenter d’éviter l’expulsion du squat rue Stalingrad. Dans un communiqué de presse du 28 août, le promoteur immobilier affirme que le bâtiment ne peut être occupé en raison de son insalubrité : « Il est assuré en tant que local vide, ce qui renforce l’illégalité et la dangerosité de l’occupation », explique Sopic, avant de charger la commune : « Ce regrettable incident est le résultat direct des difficultés de la mairie de Montreuil à définir un projet pérenne pour ce site, et ce depuis des années. »

Ce promoteur manifeste une nouvelle fois son mépris de l’intérêt collectif et d’un dialogue constructif avec la ville.

Le promoteur affirme avoir proposé « divers projets » depuis 2020, dont un projet résidentiel rejeté, et une tentative de vente du bâtiment en 2023, finalement préempté par Montreuil. Des accusations balayées par la mairie, qui affirme que Sopic est motivé par des ambitions spéculatives pour l’avenir du 43 rue Stalingrad : « C’est à cette période (2020, N.D.L.R.) que le promoteur a engagé une procédure en justice contre les occupants de l’époque afin de procéder à sa valorisation. » Selon la Ville, SOPIC prévoyait la vente à prix fort du bâtiment à une foncière immobilière privée pour la réalisation de lofts luxueux.

La ville de Montreuil rappelle que l’hébergement d’urgence est une prérogative de l’État. (Photo : Tristan Dereuddre.)

La mairie assure œuvrer pour « le maintien sur site d’une mixité d’usage et la mise en œuvre d’un projet non spéculatif et accessible au plus grand nombre. »« En procédant cette semaine à une nouvelle expulsion, sans concertation avec la mairie, ce promoteur manifeste ainsi une nouvelle fois son mépris de l’intérêt collectif et d’un dialogue constructif avec la ville auquel nous sommes pourtant attachés à Montreuil », conclut la mairie.

… et la préfecture reste silencieuse

La mairie de Montreuil a également tenu à rappeler que l’hébergement d’urgence est une prérogative de l’État. « Il est bien à la charge de ses représentants d’assurer le relogement de toute personne à la rue, sans un toit pour se mettre à l’abri, sans discrimination aucune », explique la ville. Suite à l’expulsion du jeudi 29 août, aucune solution de relogement n’a été présentée aux membres du collectif du 31 rue Gambetta. Contactée à plusieurs reprises par mail et par téléphone, la préfecture n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Il est pour moi inconcevable de laisser se dérouler une telle crise humaine.

A. Corbière

Le député de la 7e circonscription de la Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, a pourtant envoyé un nouveau courrier – le second ce mois-ci – à l’attention du préfet, Jacques Witkowski, pour l’instant sans retour. Il réclame un nouveau diagnostic social afin de mieux cerner les besoins des occupants, et appelle l’État à prendre ses responsabilités en apportant des solutions de relogement pérennes. « Il est pour moi inconcevable de laisser se dérouler une telle crise humaine, sans l’aide des services de l’État pour y remédier », écrit le député.

De son côté, le collectif du 31 rue Gambetta appelle au rassemblement devant la mairie de Montreuil, le mardi 3 septembre à partir de 15 heures, dans l’espoir d’être entendu et de voir la situation des familles évoluer.

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Société
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