Montreuil : quarante familles menacées d’expulsion
Une soixantaine de personnes, parmi lesquelles de nombreuses femmes et enfants en bas-âge, occupent depuis plusieurs jours un bâtiment situé au 43-53 rue Stalingrad à Montreuil (93). Le propriétaire a porté plainte, les familles redoutent l’expulsion.
Ce jeudi 22 août au soir, un petit rassemblement vient rompre le calme de la rue Stalingrad, à quelques pas de la mairie de Montreuil. Plusieurs jeunes enfants, sourires aux lèvres et gorges déployées, s’adonnent à des courses poursuites entre les jambes des adultes. La mine de ces derniers, moins joviale, laisse transparaître une certaine inquiétude.
Voilà maintenant plusieurs jours que ces familles ont élu domicile dans ce bâtiment. Pas par gaieté de cœur. Les délais d’autorisation d’occupation de leur dernier squat, situé au 31 rue Gambetta (nom désormais emprunté par leur collectif), arrivaient à échéance. Habitués aux expulsions, les habitants ont pris les devants en quittant les lieux : « Nous n’avons pas attendu l’expulsion du 31 rue Gambetta pour occuper ce nouveau lieu car nous ne voulons pas faire subir une telle expérience traumatisante à nos enfants », explique le collectif.
Nous ne pouvons pas exposer nos enfants à la rue à quelques jours de la rentrée scolaire.
L’occupation de ce nouveau bâtiment, bien que vide d’occupation et considéré « salubre » par les occupants, est jugée illégale aux yeux de la loi. En cas d’arrestation, les occupants risquent la garde à vue, le centre de rétention, ou encore l’OQTF (obligation de quitter le territoire français). De lourdes conséquences. Mais face à la rue et à l’absence de solutions de relogement, les réfugiés n’ont guère d’autre choix : « Nous ne pouvons pas exposer nos enfants à la rue à quelques jours de la rentrée scolaire. Si nous occupons ce nouveau bâtiment, c’est parce que nous n’avons aucune alternative », glisse Stéphanie, membre du collectif.
Le propriétaire porte plainte, la loi Kasbarian-Bergé accélère la procédure
Le collectif a pourtant tenté de joindre plusieurs fois par courriel la mairie de Montreuil dans le but d’obtenir une solution de relogement. En vain. La mairie a toutefois toujours affiché son hostilité aux expulsions, demandant à la préfecture de ne pas lancer de procédure à l’encontre des familles. Contactée, elle n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Selon nos informations, le propriétaire, la SOPIC, a porté plainte. C’est autour de lui que se cristallisaient les craintes : le promoteur immobilier avait déjà porté plainte pour occupation illégale de son bâtiment il y a un an, par d’autres squatteurs. L’occupation actuelle du 43-53 rue Stalingrad constitue donc, aux yeux de la loi, un cas de récidive. Depuis l’adoption de la loi Kasbarian-Bergé en juillet 2023, et dans ce type de cas, une plainte du propriétaire suffit à lancer une procédure d’expulsion sans décision de justice.
« Ce bâtiment a déjà été squatté, et depuis aucun projet n’est prévu dessus. La SOPIC le laisse vide depuis des années alors que des dizaines de familles peuvent y trouver refuge », indique le collectif, qui appelle la mairie à prendre une position pour empêcher une expulsion.
Des personnalités publiques en soutien
Si les craintes sont vives, les familles peuvent compter sur le soutien du député de la 7ᵉ circonscription de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière. En contact avec les forces de l’ordre, il indique qu’aucune expulsion n’a été demandée, pour le moment. Le député craint que la loi Kasbarian-Bergé n’accélère le processus. « On m’a expliqué que les procédures d’expulsion sont beaucoup plus rapides. Aucune plainte n’a été déposée pour l’instant, mais il en suffirait d’une pour lancer une procédure. Il n’y a pas d’intervention prévue, mais il pourrait y avoir une expulsion dans le week-end », s’inquiétait-il ce matin.
Le collectif du 31 rue Gambetta peut aussi compter sur un autre soutien de marque en la personne de Judith Godrèche. L’actrice et militante féministe devrait se rendre sur place dans les prochains jours.