La démocratie dans tous ses États

De la révolution au Bangladesh à l’agonie de Gaza, en passant par l’interminable crise politique française provoquée par Emmanuel Macron, retour sur des événements qui ont secoué le monde cet été.

Denis Sieffert  • 28 août 2024
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La démocratie dans tous ses États
Des étudiants devant la Cour suprême à Dhaka, au Bangladesh, le 10 août 2024.
© LUIS TATO / AFP

On se gardera ici de hiérarchiser les événements qui ont secoué le monde depuis notre dernier rendez-vous fin juillet, mais faisons tout de même une place particulière à ce qui s’est passé dans un pays rarement visité par nos médias, sinon pour évoquer les calamités climatiques qui l’accablent. Le Bangladesh a été au début du mois d’août le théâtre d’une révolution vraie, et pour l’instant victorieuse. Partie d’un mouvement revendicatif d’apparence limitée, la mobilisation étudiante a été en proie à une répression féroce de la part d’un régime de plus en plus autoritaire. Puis, est advenu ce qui est indispensable à toute révolution, le lâchage de l’armée. L’autocrate a été mis en fuite. La suite est encore plus « révolutionnaire ». Les jeunes gens se sont auto-organisés pour suppléer les services de l’État, et désigner plus vite que Macron un premier ministre prestigieux, l’économiste des pauvres, Muhammad Yunus. On imagine mal que la réaction reste longtemps l’arme au pied. À moins que le mouvement finisse par pourrir de l’intérieur et produire l’autocrate qui le trahira. Voir le sinistre exemple vénézuélien où Maduro continue de défier la démocratie.

L’épisode états-unien nous rappelle que la démocratie, c’est souvent le choix du moindre mal contre le pire.

Les deux autres événements marquants nous sont venus des États-Unis et de Russie. Le renoncement de Joe Biden et le lancement « à l’américaine » de Kamala Harris ont redonné espoir à ceux qui ne veulent pas le retour de Donald Trump. Nous n’avons pas d’illusions. Harris, si elle l’emporte en novembre, ne fera rien, ou si peu, pour Gaza, rien ou si peu pour les immigrés venus du Sud, mais elle défendra au moins le droit à l’avortement, et ne se jettera pas dans les bras de Poutine. Accessoirement, l’épisode états-unien nous rappelle que la démocratie, c’est souvent le choix du moindre mal contre le pire, et non la politique du tout ou rien.

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Dans la guerre d’Ukraine, l’événement, aussi considérable qu’imprévisible, c’est l’offensive ukrainienne sur le sol russe. Entreprise risquée qui solde le débat inepte entre guerre défensive et offensive. Condamner l’Ukraine à mener sa guerre de tranchées dans le Donbass en lui interdisant de contre-attaquer, c’était la livrer tôt ou tard à Poutine et au plus antidémocratique des régimes. Face à l’envahisseur impérialiste, tout est défensif, même la contre-attaque. Et il n’y a pas meilleur argument en vue d’une hypothétique négociation. On citera aussi parmi les événements de ces cinq semaines l’abandon en rase campagne de la cause sahraouie par Macron pour quelques beaux plats de lentilles marocains. La pensée coloniale, qui prévaut ici, se moque du droit international, du sort de tout un peuple qui revendique son indépendance et son droit démocratique à décider de son destin. Ce qui en dit long aussi sur le fond de la pensée macronienne à propos de Gaza, en dépit des protestations d’apparence.

Pour les Palestiniens, que signifie cette ‘dernière chance’ ? Il y a 40 000 morts. Il peut y en avoir demain 50 000 ou 60 000.

À Gaza, justement, la partie de dupes continue. Nos médias, trop souvent complices, se plaisent à dire que le Hamas refuse le plan Biden qu’Israël accepte, alors que Netanyahou n’a cessé d’ajouter au plan initial des conditions que le mouvement palestinien ne peut plus admettre. Mais le discours médiatique n’en a cure. Il faut absolument que le refus vienne du Hamas. Sans parler de la formule rebattue de « négociation de la dernière chance ». Mais avant quoi ? La guerre avec l’Iran ? Pour les Palestiniens, que signifie cette « dernière chance » ? Il y a 40 000 morts. Il peut y en avoir demain 50 000 ou 60 000 puisque rien n’est fait pour arrêter le bras du crime. Il n’y a pas pour eux de « dernière chance », ni même de chance.

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Un mot tout de même de ce qui se passe chez nous. Les Jeux olympiques ont été une magnifique réussite. Mais aussi un pieux mensonge. Ils ont envoyé au monde une superbe carte postale d’un pays ouvert, tolérant, multiculturel, et tout simplement beau. La cérémonie d’ouverture a révolté la droite et l’extrême droite. C’est déjà ça ! Bravo aux artistes qui ont créé ce tableau. Mais quel rapport avec la réalité de la France de Macron et de Darmanin ? Pour le reste, nous ne sommes toujours pas au bout de cette interminable crise démocratique, désormais gravissime, provoquée par un président qui tourne en rond comme un hamster dans sa cage. Il ne veut pas de Lucie Castets. De quoi a-t-il peur ? Que la candidate de gauche, qui ne dit pas « tout le programme, rien que le programme », mais est prête à des compromis, finisse par réussir ? Et par éloigner le pays des orientations dictées par le Medef ? Car tel est finalement le fond du débat, et la limite de notre démocratie.

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