Ce que Lucie Castets et le NFP prévoient pour « une école émancipatrice et égalitaire »
Malgré le refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets à Matignon, celle qui a été choisie par le NFP pour occuper le poste de première ministre a développé, en ce jour de rentrée, ses « six mesures pour réparer l’école ».
Tâcher de se faire entendre malgré le brouhaha des noms qui défilent pour Matignon. C’était toute la mission de Lucie Castets en ce jour de rentrée scolaire. À la mairie de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, celle qui a été choisie comme candidate par le Nouveau Front populaire pour être première ministre est venue développer son projet d’une « école pour tous les enfants ». Du moins, essayer de le faire.
On veut montrer que le NFP est prêt à gouverner, quelle que soit la décision finale de l’Élysée.
L. de Cock
« Que vous évoquent les noms de Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand ou Thierry Beaudet ? », lui demandent d’emblée les journalistes, citant les personnalités reçues à l’Élysée ce début de semaine ou flottant dans l’air, à l’image de Thierry Beaudet, président du CESE, pour Matignon. « Le NFP n’est pas dans une position d’attente. Les Français veulent que leur vie change. C’est pour cette raison que l’on continue de travailler », répond l’intéressée, avant d’être relancée sur ce sujet à trois reprises.
Travaux estivaux
« Ce n’est pas une question personnelle », finit par éluder celle qui voit ses chances d’arriver à Matignon s’éteindre jour après jour. Aurélie Trouvé, députée de la 9e circonscription du département, tente de recentrer ces premiers échanges autour du sujet du jour : l’éducation. Parce qu’en Seine-Saint-Denis, plus qu’ailleurs – le département est le plus pauvre de l’Hexagone – la rentrée s’organise dans des conditions déplorables.
Manque de 500 enseignants, saturation des lycées professionnels, part importante de contractuels moins bien formés, locaux délabrés, etc. : la liste est longue des dysfonctionnements de l’Éducation nationale, malgré la mobilisation inédite des parents d’élèves et des professions de l’Éducation nationale au printemps. « En Seine-Saint-Denis, explique Aurélie Trouvé, réélue députée dans la 9e circonscription, un enfant sur deux qui est en situation de handicap n’a pas d’AESH ».
Venue avec les responsables éducation du NFP (1) et les organisations syndicales, Lucie Castets avait à cœur de montrer que ce programme pour l’école a été nourri par ce qui fonde le NFP : la société civile, les syndicats et les partis politiques de gauche. C’est sur ces trois piliers qu’un groupe de travail a été fondé au milieu de l’été. Parmi les noms issus de la société civile figurent plusieurs chercheurs indépendants des partis, dont l’enseignant en sciences économiques, Emmanuel Zemmour, l’économiste spécialiste des politiques éducatives, Élise Huillery, et l’historienne Laurence de Cock.
La députée socialiste et présidente de la commission des affaires culturelles, Fatiha Keloua-Hachi, le député insoumis du Val d’Oise, Paul Vannier, l’élu écologiste de Seine-et-Marne, Arnaud Bonnet, et la députée communiste de Seine-Saint-Denis, Soumya Bourouaha
Ces expert·es ont été contacté·es par Arnaud Bontemps, fondateur et co-porte parole du collectif Nos services publics – dont Lucie Castets est aussi issue. « Nous avons travaillé sur la base du programme du Nouveau Front populaire pour examiner les mesures qui étaient les plus prioritaires, en dialogue permanent avec les référents éducation de chaque parti », explique Laurence de Cock. « Recrutement des enseignants, gratuité de l’école, fin des inégalités, bien-être des élèves, mixité sociale. On veut montrer que le NFP est prêt à gouverner, quelle que soit la décision finale de l’Élysée », poursuit l’essayiste.
Ces réflexions se sont élaborées alors qu’Emmanuel Macron n’avait pas encore refusé d’un revers de la main la candidature de Lucie Castets comme première ministre. Trois semaines plus tard, la donne a changé. Mais le NFP souhaite quand même présenter son « projet de rentrée ». Après une visite du collège Jean Vilar, qui sort tout juste de terre, Lucie Castets et les élus du NFP ont rencontré des enseignants et des professionnels de l’éducation. « On a entendu des parents d’élèves et des enseignants extrêmement inquiets », confie-t-elle, en introduction à la conférence de presse.
« Réparer l’école »
Ces « devoirs de vacances », comme les surnomme Lucie Castets, débouchent sur un projet comprenant six mesures pour « réparer l’école ». Il démarre par un plan pluriannuel de recrutements des enseignants. Le but : recruter « 6 000 professeurs des écoles et 5 000 professeurs certifiés supplémentaires » par an. Comment ? En revalorisant de 10 % le point d’indice, et en réfléchissant avec les organisations syndicales sur une « refonte des modalités de recrutement et de la formation ». C’est ce qui est appelé, en coulisse, la « démocratisation de la profession ».
On n’apprend pas mieux et pas bien dans un établissement sans mixité sociale.
L. Castets
L’autre priorité, c’est d’accorder une « véritable reconnaissance du métier d’AESH », en titularisant « dès 2025 », les 132 000 accompagnant·es. Ce statut de fonctionnaire donnerait accès à un meilleur salaire – il atteint péniblement les 800 € nets par mois actuellement. Mais aussi de stabiliser les emplois du temps des AESH. Le NFP souhaiterait aussi garantir véritablement la gratuité de l’école. Et cesser avec la baisse voulue par le gouvernement Attal du nombre d’heures de cours et l’accent mis sur les stages pour les lycées professionnels. Le projet de rentrée s’accompagne aussi d’un intérêt prononcé pour la santé mentale des jeunes, avec des propositions sur le bien-être des élèves.
L’une des propositions fortes parmi ces six mesures concerne aussi la gestion de l’argent public confié aux établissements privés sous contrat. « Il y a une école privée gavée d’argent public. Il n’y a qu’en France qu’on donne de l’argent sans contrepartie », pointe Paul Vannier. Ces dotations, dont on ignore le montant exact, sont estimées entre 12 à 15 milliards d’euros. L’idée serait de moduler cet argent « en fonction de la composition sociale et scolaire des élèves admis dans ces établissements ». Autrement dit, si un lycée privé sous contrat est peuplé d’enfants très aisés, il aura moins des dotations moins élevées. « On n’apprend pas mieux et pas bien dans un établissement sans mixité sociale », note Lucie Castets.
Fin du choc des savoirs, de Parcoursup et du SNU
Ces différentes mesures s’accompagnent d’une série d’arrêt ou de révision des réformes précédentes. Le choc des savoirs, qui démarre en cette rentrée, sera abrogé par décret. Et ce, pour « mettre fin à la logique de tri entre élèves ». Concrètement, les enseignants retrouveront la liberté de conserver leur classe ou de procéder à des groupes « selon des modalités qu’ils jugent les plus adaptés ». La réécriture des programmes voulue par Gabriel Attal prendra fin, tout comme les classes prépas-lycées, considérées comme « des voies de garage pour des élèves en grande difficulté ».
Le pacte enseignant, cet ensemble de « primes » accordées aux enseignants pour telle ou telle mission et décrié pour la mise en concurrence qu’elle instillait au sein des établissements, sera supprimé. Mais les crédits qui y étaient alloués seront conservés à d’autres mission.
Autre changement conséquent : l’abrogation de Parcoursup. Opaque, complexe et inégalitaire, Parcoursup sera remplacé par un outil qui permettra aux élèves de « classer leurs vœux au moment de leur validation ». Le NFP souhaite améliorer l’accompagnement des lycéens – sans rentrer dans le détail – et rendre public les algorithmes utilisés par les formations sélectives. Le service national universel, tant critiqué pour son coût, sa désorganisation et ses dérives militaristes, sera supprimé.
Questionnée sur la fatigue des enseignants et des parents d’élèves à devoir s’adapter à chaque nouvelle mesure ou détricotage de telle ou telle loi en matière d’éducation, Lucie Castets dit opter pour un changement de méthode. « L’idée, c’est de reprendre le temps et de réassocier les organisations syndicales et les parents d’élèves ». Le tout, afin de « soigner l’école ». Une mission honorable pour le NFP mais qui, faute de gouvernement, reste pour l’instant à l’état de vœux pieux.