Wiseman, maestro du documentaire

Une rétrospective et la sortie de trois films en version restaurée pour (re)découvrir le cinéaste.

Christophe Kantcheff  • 10 septembre 2024 abonné·es
Wiseman, maestro du documentaire
Par le biais d’une institution, le cinéaste saisit le fonctionnement d’un système et, au sein de celui-ci, les humains qui y participent et/ou le subissent.
© Météore Films

Law and Order, Hospital et Juvenile Court / Frederick Wiseman.

Rétrospective / Cinémathèque du documentaire à la BPI, Centre Pompidou, Paris.

On ne se plaindra pas de la grosse actualité concernant Frederick Wiseman en cette rentrée. D’abord parce qu’il est un grand maître du documentaire, toujours au travail aujourd’hui après avoir commencé son activité dans le courant des années 1960. Aussi parce que sa foisonnante filmographie donne en permanence à réfléchir sur les rapports sociaux et notamment les conditions faites aux personnes les plus précaires.

Avant 1969, le cinéma avait-il montré avec autant de crudité la violence sociale de la société américaine ?

Ainsi la Cinémathèque du documentaire à la BPI (Centre Pompidou), à Paris, lui consacre, depuis le 9 septembre et jusqu’au 20 décembre, une rétrospective intégrale portant pour sous-titre « Nos humanités » (1). Simultanément, trois films de ses débuts ressortent en version restaurée : Law and Order (1969), Hospital (1970) et Juvenile Court (1973).

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Nous en parlerons avec Frederick Wiseman lui-même dans un entretien à paraître prochainement.

Ces trois titres en eux-mêmes – en français : « Loi et Ordre », « Hôpital » et « Tribunal pour enfants » – évoquent parfaitement le mode d’approche du réel adopté par le cinéaste, et cela tout au long de sa vie : par le biais d’une institution, la plupart du temps publique, parfois privée. Il saisit ainsi le fonctionnement d’un système et, au sein de celui-ci, les humains qui y participent et/ou le subissent.

Violence sociale

Avant 1969, le cinéma avait-il montré avec autant de crudité la violence sociale de la société américaine ? Law and Order (photo) suit les policiers de Kansas City au quotidien. Sans doute la police a-t-elle accepté la caméra de Wiseman dans l’idée que le film la montrerait à son avantage. Certes, celle-ci assure un utile travail de médiation. Mais, à côté de cela, combien de gestes d’une brutalité gratuite, comme envers cette femme noire prostituée presque étranglée ?

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Autre exemple : dans Hospital, un psychiatre téléphone à un centre d’aide sociale pour plaider la cause d’un mineur homosexuel, afin qu’il reçoive une allocation plutôt qu’il se prostitue. On finit par lui raccrocher au nez. Un moment intense, où tout se joue dans la voix et sur le visage du médecin. À l’image de tout le cinéma de Wiseman.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes