Des salariés des JOP de Paris 2024 débrayent contre le forfait jours
Une action surprise, décidée la veille, a eu lieu ce 6 septembre à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Quelques salariés ont décidé de se mettre en grève, le temps d’une heure, pour demander la requalification de leur contrat de travail. Une première action qui en appelle d’autres.
Ils ont fait briller les Jeux de Paris. Et demandent reconnaissance. Les petites mains des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 alertent, depuis plusieurs jours, sur leurs conditions de travail. En cause, l’organisation du temps de travail. En effet, ils ont été recrutés au forfait jours, un statut fait pour les cadres, qui permet de ne pas « pointer » et donc de bénéficier d’une grande autonomie d’organisation du temps de travail, en contrepartie d’horaires à rallonge. Sauf que pour eux, la réalité a été très différente : « Depuis mon premier jour de travail, j’ai un planning imposé, avec des horaires fixes », assure Sarah*, salariée du comité d’organisation des JOP (Cojop).
Les prénoms suivis d’une astérisque ont été changés.
Cette jeune femme, gilet orange sur le dos, a décidé, avec l’aide de la CGT 93, de débrayer une heure, ce vendredi pour marquer le coup. Cela fait des semaines qu’elle alerte sur ce statut qu’elle considère – ainsi que la CGT – comme illégal. « Nous ne bénéficions d’aucune autonomie, on nous oblige à rester, même quand nous n’avons plus rien à faire. C’est l’inverse même du forfait jours ! », s’indigne-t-elle.
On peut faire dix, même onze heures d’affilées, debout, sans chaise.
Léa
Ainsi, ce statut permet au Cojop de faire travailler leurs employés durant des plages horaires rallongées, sans payer les heures supplémentaires. « On peut faire dix, même onze heures d’affilées, debout, sans chaise », explique Léa*, qui s’est jointe à la mobilisation ce vendredi. Elle affirme ainsi avoir fait des semaines de « plus de 55 heures, sans aucun paiement d’heures supplémentaires ».
Cela fait plusieurs jours que la contestation au sein des salariés des JOP, contre le forfait jours, monte. Mais l’organisation des salariés, souvent très jeunes, non-syndiqués, en CDD et éclatés sur plusieurs sites, est particulièrement complexe. « Les équipes sont très jeunes, je pense qu’ils ne veulent pas faire grève et perdre de l’argent pour un travail qu’ils terminent bientôt », souligne Sarah.
Sur le site de Roissy, où travaille une soixantaine de salariés en forfait jours, un petit collectif d’une vingtaine de personnes a décidé, le jeudi 5 septembre, de débrayer le lendemain. Mais à l’heure du rendez-vous, dans le terminal 2, ils ne sont finalement que sept à avoir répondu à l’appel. « Forcément, on en espérait plus », souffle Kamel Brahmi, secrétaire général de la CGT 93. C’est lui, notamment, via le numéro vert mis en place par la CGT durant la période des Jeux, qui accompagne les salariés du Cojop en lutte contre le forfait jours.
« Nos revendications sont simples : la requalification de notre contrat de travail en 35 heures, avec le paiement rétroactif de nos heures supplémentaires, et une majoration pour les heures de nuit », égrène Sarah, et son collègue Moussa*.
L’envers des JO
Tout au long de la discussion avec ces salariés, ceux-ci décrivent l’envers des JO. Un mois de juillet d’une intensité rare, où les horaires à rallonge s’enchaînent, parfois sans jour de pause durant plus de dix jours. « On était fatigués, très fatigués », souffle Moussa. « Épuisés », renchérit sa collègue, « mais si tout s’est bien passé, que la grande fête a eu lieu, c’est grâce à nous ! Il faut désormais nous reconnaître ça ». Ils ne mâchent pas non plus leurs mots contre le syndicat représentatif, la CFDT, qui a signé cet accord sur le forfait jours, sans jamais les en informer. Et encore moins les accompagner dans leur contestation. « Ils ne nous expliquent rien. Jamais », glisse, amer, l’un d’entre eux.
Soudain, un policier en civil, un des haut gradés de la police de l’aérogare, vient interrompre l’échange. Il demande les raisons de ce mouvement spontané. Puis s’interroge : « Pourquoi vous ne vous réveillez que maintenant ? » « Se rendre compte de la supercherie, s’informer, s’organiser, cela prend du temps. Mais il ne faut pas se décourager ! », répond Sarah. Elle assure qu’un pic d’activité aura lieu avec la fin des paralympiques et le retour, dans leurs pays, de toutes les délégations.
D’ici à là, avec la CGT, ces quelques salariés espèrent réussir à convaincre leurs collègues qu’ils peuvent encore obtenir gain de cause. « On veut négocier, avant tout. Mais visiblement, ils ne comprennent que le rapport de force », souffle Moussa. À défaut, tous menacent, déjà, d’aller aux prud’hommes.