Écologie : un rapport alerte sur le retard des services publics

Dans son rapport annuel, le collectif Nos services publics alerte : l’architecture des services publics peine à intégrer les enjeux écologiques, exacerbant les inégalités et les tensions sociales. Pour lui, il est urgent de réorienter ces politiques vers un avenir durable et plus juste.

Thomas Lefèvre  • 25 septembre 2024 abonnés
Écologie : un rapport alerte sur le retard des services publics
Mobilisation contre les mégabassines, devant l'Agence de l'eau d'Orléans, en août 2023.
© Rose-Amélie Bécel

« L’architecture actuelle des services publics et leur fonctionnement ont été conçus sans intégrer la transition écologique ni les conséquences des crises environnementales ». Le rapport 2024 du collectif Nos services publics, une association composée d’agents publics dresse un constat inquiétant. Les politiques publiques sont figées dans des logiques du passé, inadaptées aux défis climatiques actuels.

Pour cette deuxième itération de leur rapport annuel sur l’état des services publics, leur analyse se décline autour de neuf secteurs publics, avec un angle particulier sur les grandes tendances à l’aune des crises écologiques. Le résultat est sans appel : les politiques publiques sont imprégnées par des logiques court-termistes en inadéquation avec le changement climatique et peinent à s’en défaire.

Un modèle périmé

« On entend souvent dire que les politiques publiques sont en retard par rapport à la lutte contre le changement climatique, mais c’est pire que ça : on ne va pas du tout dans la bonne direction ! », alerte Arnaud Bontemps, fondateur et coporte-parole du collectif Nos services publics.

D’après le rapport, « les outils actuels de politique publique sont inadaptés pour intégrer les limites planétaires et perpétuent, donc aggravent, les conflits de besoins. » Les « conflits de besoins » sont décrits comme une mise en compétition des besoins individuels avec, le plus souvent, des besoins collectifs. Par exemple, le besoin d’utiliser la voiture pour se déplacer, face à la nécessité de polluer moins pour garder un climat habitable sur Terre. Ces situations de tensions sont exacerbées par le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources.

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Un autre exemple mis en avant dans le rapport est la gestion de l’eau. En France, on mesure une baisse de 14 % du volume d’eau renouvelable sur les deux dernières décennies, selon le ministère de la Transition écologique. Lequel indique qu’entre juin et août, 80 % du volume d’eau utilisée l’est par l’agriculture. Les besoins agricoles entrent en concurrence avec ceux des ménages et des industries, mais aussi avec ceux des autres espèces animales et végétales. Une problématique de taille pour la préservation de la biodiversité.

« Réguler les conflits de besoins »

Ces conflits sont donc aggravés par des politiques publiques qui encouragent, par exemple, les déplacements en voiture individuelle et la construction de logements neufs. Au détriment des transports publics, du logement social et de la rénovation de bâtiments, par exemple. « L’aménagement actuel du territoire français […] est caractérisé notamment par l’éloignement des services publics de proximité, la fermeture de 25 à 30 % des petits commerces alimentaires dans les territoires ruraux entre 1980 et 2000 et le développement des grandes surfaces alimentaires accessibles principalement en voiture », peut-on lire dans le rapport.

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C’est donc dans ce cadre que le collectif Nos services publics rappelle le rôle clé de l’État. Il peut « hiérarchiser les besoins » et avoir un rôle de « régulation des conflits de besoin », en réorientant les politiques publiques de manière démocratique et égalitaire. Au sein du rapport, on ne trouve pas de listes d’actions à prendre pour le gouvernement. « Le collectif ne fait pas de recommandations, il dresse simplement un constat », précise Arnaud Bontemps.

Si revenir en arrière sur des orientations de politiques publiques peut sembler coûteux, le coût de l’enfermement dans l’existant l’est plus encore.

Néanmoins, les auteurs considèrent comme nécessaire que l’État joue son rôle d’arbitre, afin d’endiguer le creusement des inégalités. Il est utile de rappeler que d’après le rapport de 2022 du deuxième groupe de travail du GIEC, la transition écologique ne peut se faire sans justice sociale. La prise en compte du changement climatique au sein des services publics doit nécessairement se faire démocratiquement.

Des politiques conservatrices

Les politiques publiques furent un important vecteur de progrès social durant la deuxième moitié du XXe siècle. Elles ont permis de réduire le mal-logement, d’augmenter l’accès à l’éducation et à la santé etc. Ce progrès social s’est notamment fait par des investissements massifs dans la construction de logements, provoquant de l’étalement urbain et rendant nécessaire l’utilisation de la voiture pour les ménages.

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Dans le même temps, la situation économique fortement favorable des tentes glorieuses rend possible l’acquisition de véhicules motorisés par un grand nombre de foyers. L’orientation des politiques publiques actuelles est directement héritée de celles du siècle dernier. Pourtant ces modèles du passé sont devenus obsolètes d’après l’état actuel des connaissances scientifiques sur le changement climatique.

« Si revenir en arrière sur des orientations de politiques publiques peut sembler coûteux, le coût de l’enfermement dans l’existant l’est plus encore », précise le rapport. Le retard prit dans la transition écologique se paiera très concrètement plus tard. Les adaptations au changement climatique coûtent cher, et plus des mesures seront prises tard, plus ce coût sera élevé. Il est donc urgent de réformer les services publics.

Questionné sur l’aptitude du nouveau gouvernement Barnier à effectuer ces réformes, Arnaud Bontemps reste timoré sur le sujet : « on attend le vote du budget pour se prononcer. » Il paraît cependant très peu probable que la ligne politique du gouvernement quant aux services publics soit en rupture de celle des dernières décennies.

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Par ailleurs, les auteurs du rapport dénoncent également le fait que « la dégradation des services publics constitue un terreau fertile pour l’extrême droite. » Ce que ne manquait pas déjà de rappeler plusieurs mois auparavant Lucie Castets, coporte parole du collectif Nos services publics et candidate proposée par le Nouveau Front populaire au poste de premier ministre. À l’inverse, les membres du collectif avancent l’idée qu’améliorer les services publics pour répondre aux besoins actuels des citoyens ferait reculer le vote RN. Ils rappellent que « débattre de l’évolution des services publics n’a de sens qu’au regard des évolutions sociales auxquelles ils sont censés répondre. »

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