Mineurs étrangers isolés sans école : « Une discrimination raciale »

Une dizaine de mineurs étrangers non-accompagnés du collectif des jeunes du parc de Belleville ne sont toujours pas scolarisés, malgré leurs demandes incessantes. Ils se sont mobilisés mardi 17 septembre devant le rectorat de Paris.

Thomas Lefèvre  • 21 septembre 2024 abonnés
Mineurs étrangers isolés sans école : « Une discrimination raciale »
La mobilisation avait lieu le 17 septembre. Une dizaine de jeunes du collectif des jeunes du parc de Belleville est toujours sans scolarisation.
© Thomas Lefèvre

« Je n’ai toujours aucune affectation en lycée, deux semaines après la rentrée », s’exaspère Gérard, un Guinéen de 17 ans sans domicile fixe et membre du collectif des jeunes du parc Belleville. Ce mardi 17 septembre, ils étaient une dizaine de mineurs isolés dudit collectif, ainsi que des représentants des syndicats SNES-FSU et SUD-Éducation à se rassembler devant le rectorat de Paris.

On trouve la situation inadmissible, on voudrait qu’ils soient scolarisés le plus rapidement possible.

Guillaume

Cette mobilisation dénonçait le fait que ces jeunes exilés ne sont toujours pas scolarisés, contrairement à ce que prévoit le droit français. Certains attendent depuis des semaines un simple rendez-vous au Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (Casnav). Un passage obligé pour obtenir une affectation. 

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La mobilisation dure depuis plusieurs mois et a déjà permis de scolariser au moins 130 jeunes du collectif pour cette rentrée. Une dizaine d’entre eux est toujours sans réponse. Leurs revendications sont claires : que l’Académie de Paris ouvre des créneaux de rendez-vous et propose une affectation en établissement scolaire à tous les jeunes, sans exception. L’article 2 de la Convention internationale des droits de l’enfant rappelle pourtant que « les mineurs étrangers présents en France ont les mêmes droits que les mineurs de nationalité française ».

« Ce ne sont pas n’importe quels jeunes qui galèrent »  

Ce mardi midi, quelques professeurs avaient aussi fait le déplacement. « On trouve la situation inadmissible, on voudrait qu’ils soient scolarisés le plus rapidement possible », glisse Guillaume*, enseignant d’anglais à Paris et syndiqué au SNES-FSU.

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Les prénoms suivis d’une astérisque ont été modifiés.

Amaia est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à la Sorbonne et syndiquée à SUD-Éducation. Elle connaît bien le collectif des jeunes du parc de Belleville, qu’elle suit depuis plusieurs mois. « Pour moi on a clairement affaire à une discrimination raciale, ce ne sont pas n’importe quels jeunes qui galèrent », s’indigne-t-elle. 

Pour déterminer leur parcours éducatif, ces jeunes doivent passer des tests de langue et de niveau au Casnav. Mais c’est un vrai parcours du combattant. Pour cela il faut prendre rendez-vous, mais les démarches sont très complexes pour des primo-arrivants sans accompagnement. Il n’y a aucun guichet physique et tout se fait en ligne : un obstacle évident pour des personnes souvent sans accès à internet.

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Ajoutons à cela que les créneaux de prise rendez-vous sont proposés sporadiquement, à des horaires précis. « Cela crée de la concurrence entre les jeunes, alors que le droit à l’éducation est supposé être un droit fondamental, assène Amaia. L’accès à l’école publique devient une sorte de loterie. » 

Rendre visible

Depuis la rentrée, l’intersyndicale mobilise directement le personnel dans les établissements scolaires qui accueillent des mineurs non accompagnés, afin de rendre visible leur arrivée. Ils communiquent avec des enseignants syndiqués qui sont sur place et préparent une lettre pour les proviseurs. L’objectif est de mettre en lumière les immenses difficultés rencontrées par les jeunes exilés, qui n’ont ni logement, ni moyen de transport, ni matériel scolaire. Les syndicats appellent le personnel de ces écoles à leur fournir une aide concrète et rapide

Scolarisation
« L’accès à l’école publique devient une sorte de loterie » dénonce Amaia, maîtresse de conférence. (Photo : Thomas Lefèvre.)

Ce n’est pas la première fois que ces revendications sont exprimées. Après trois rassemblements devant le rectorat, le directeur du Casnav a reçu des jeunes en délégation en juillet dernier. À la suite de cette rencontre, des créneaux de rendez-vous ont été exceptionnellement débloqués. Une grosse victoire pour le collectif et ses soutiens. « Difficile pour eux de renvoyer ces jeunes dehors, lorsqu’ils leur demandent dans les yeux de pouvoir aller à l’école », lance Amaia.

En plus de l’attente pour une affectation scolaire, leur précarité matérielle aggrave leur situation. Sans logement stable, ils vivent dans une incertitude permanente qui complique encore davantage leur intégration et leur réussite scolaire.

« C’est mieux que dormir dehors » 

Ce collectif des jeunes du parc de Belleville s’est formé en octobre 2023, à la suite d’une expulsion dudit parc. Les mineurs ont occupé plusieurs endroits différents, dont la Maison des métallos en avril 2024, avant que des gymnases leur soient mis à disposition. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP) ont représenté une période très difficile pour eux, plusieurs gymnases ayant été réquisitionnés.

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Certains vivaient dans la rue avant les JOP, lors du « nettoyage social » de la ville de Paris, comme l’a dénoncé un rapport inter-associatif, ils ont été placés de manière temporaire dans des centres de demandeurs d’asile. Depuis ils vivent tous répartis dans quatre gymnases parisiens, dans la peur d’être évacués d’un jour à l’autre par les autorités. 

Entouré par deux camions de gendarmerie, Alseny, un Guinéen arrivé en France en novembre 2023, témoigne : « On entend des rumeurs comme quoi ils veulent nous faire partir, on ne sait pas à quoi s’attendre. » Laissés dans le flou par les autorités, difficile de savoir où aller dans le cas d’une évacuation, « c’est vrai que les gymnases ne sont pas vraiment des lieux de vie, mais c’est mieux que dormir dehors, insiste-t-il. Dehors, on se fait tout le temps déranger par la police. » 

Dehors, on se fait tout le temps déranger par la police.

Alseny

Alseny est membre du collectif et fait partie de la dizaine de mineurs isolés sans affectation, vivant dans l’inquiétude de ne pas en avoir du tout. « Chaque jour d’attente est du retard accumulé en plus pour eux », rappelle une enseignante syndiquée SUD-Éducation, présente lors du rassemblement. En fond, les slogans scandés au mégaphone par un jeune du collectif résonnent : « L’école : pour tous, la liberté : pour tous, l’égalité : pour tous, la fraternité : pour tous. » 

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