Impôts : malgré l’échec du ruissellement, les macronistes figés dans la pensée unique
Face aux alertes de la Cour des comptes, de la Banque de France, des oppositions de gauche et même de Michel Barnier, la Macronie s’entête à ne pas augmenter les impôts et reste fidèle à sa politique fiscale favorable aux plus riches. Au mépris de l’état budgétaire du pays.
Dans le même dossier…
La fiscalité s’invite enfin dans le débat budgétaire L’épouvantail de la dette publique (suite)Les comptes du pays sont dans le rouge. La France est placée en procédure de déficit excessif par la Commission européenne depuis presque deux mois. Mais la Macronie, au pouvoir depuis sept ans, reste impassible. Comme incapable de faire le moindre examen de conscience sur la politique fiscale menée depuis 2017. Et pourtant, les alertes sont nombreuses.
Elles viennent d’abord du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Dans une interview au Parisien le 17 septembre, il souhaite « lever le tabou sur les hausses d’impôts » pour que la France puisse faire revenir son déficit public sous les 3 % d’ici à 2029. « La France n’a plus les moyens de ces baisses d’impôts non financées, avance-t-il. Elles creusent encore plus les déficits ce qui augmente l’inquiétude des Français, des acteurs économiques. Cela n’apporte pas du coup la stimulation attendue. »
« Trajectoire nouvelle »
Pour enfoncer le clou, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, auditionné par la commission des Finances le 18 septembre, estime qu’une « trajectoire nouvelle » doit être trouvée pour le prochain budget, jugeant que la citation des finances publiques est « vraiment inquiétante ». Au passage, il rappelle notamment l’une de ses préconisations : « Je me suis prononcé à plusieurs reprises en disant qu’il fallait arrêter les baisses d’impôts non financées parce que, pour le coup, ça contribue à creuser le déficit. »
La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave.
M. Barnier
Enfin, la dernière mise en garde vient de Michel Barnier. « La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave. J’ai demandé tous les éléments pour en apprécier l’exacte réalité. Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité », explique le locataire de Matignon dans une déclaration transmise à l’AFP. Selon Le Parisien, le nouveau premier ministre aurait évoqué la piste d’une augmentation d’impôts lors de ces consultations ce week-end pour tenter de trouver une voie de sortie à la situation budgétaire actuelle du pays. Une hausse temporaire de l’impôt sur les sociétés serait envisagée, d’après L’Opinion.
Réorienter la politique fiscale est une ligne rouge pour les macronistes qui font du refus des hausses d’impôts et de la défense de la dernière réforme des retraites deux totems. Dans un message envoyé aux députés Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance) le 17 septembre, Gabriel Attal, le président du groupe, considère que le camp présidentiel ne dispose pas « encore d’une visibilité claire sur la ligne politique – notamment sur d’éventuelles hausses d’impôts – et sur les grands équilibres gouvernementaux ». Dans Le Point, il reste sur cette ligne : « Je me battrai pour qu’il n’y ait pas de rupture sur une politique favorable à l’attractivité économique, à l’emploi, et donc pour protéger les Français des hausses d’impôts. »
L’ex-premier ministre remet la participation d’EPR au premier gouvernement de Michel Barnier en jeu si le nouveau locataire de Matignon s’essaye à augmenter les impôts. Il est rejoint par Gérald Darmanin qui souhaite que Michel Barnier clarifie la politique fiscale qu’il compte mener. « Je ne participerai pas à un gouvernement qui ne soit pas clair sur la question des impôts », affirmait-t-il le 18 septembre sur France 2. Pour celui qui est pressenti pour être nommé au Quai d’Orsay, augmenter les impôts est « une facilité ».
Dogme
En clair, les macronistes ne veulent pas écouter la contradiction. Et le camp d’Emmanuel Macron reste fidèle à son dogme : les comptes publics peuvent retrouver leur équilibre sans baisser les pensions, ni augmenter les impôts. Surtout pour les plus riches. « Tous les impôts qui ont été diminués durant la précédente législature ont aujourd’hui un rendement supérieur à ce qu’ils étaient alors même que leurs taux étaient plus élevés », se défend Mathieu Lefèvre, député EPR et membre de la commission des Finances, qui prend en exemple l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), le prélèvement forfaitaire unique (PFU) et l’impôt sur les sociétés, qu’Emmanuel Macron a baissé de 33 % à 25 %.
Pour l’opposition de gauche, rappeler l’état budgétaire de la France suffit à contredire les orientations macronistes. « Nous alertons depuis longtemps sur les risques des baisses massives d’impôts pour les plus riches et les baisses de cotisations sociales qui ont été imposées par Emmanuel Macron depuis ces sept dernières années. Malheureusement, ces alertes n’ont pas été entendues, estime la députée insoumise Marianne Maximi. Nous voilà dans le rouge : le déficit s’est gravement creusé et la France est sur le coup d’une procédure de l’Union européenne pour déficit excessif. »
La théorie du ruissellement et les baisses d’impôts pour les plus aisés ou les grands groupes ont été un élément identitaire du macronisme.
L. Baumel
« La théorie du ruissellement et les baisses d’impôts pour les plus aisés ou les grands groupes ont été un élément identitaire du macronisme, analyse le député socialiste Laurent Baumel. Mais je reste persuadé qu’il existe aussi des députés de cette mouvance qui pensent que la mise à contribution de ces hauts revenus est nécessaire tant du point de vue financier que social. » Le Nouveau Front populaire (NFP) veut s’engouffrer dans la brèche et tenter d’infléchir sur la politique fiscale d’Emmanuel Macron.
Dans un communiqué publié le 18 septembre, les députés du groupe Écologiste et social affirment qu’ils soutiendront lors du projet de loi de finances pour 2025 « toutes les mesures qui vont dans le sens d’une plus grande justice fiscale et permettront de financer les services publics ». Ils citent, par exemple, la taxation des superprofits et des superdividendes, un impôt sur le patrimoine des ménages les plus aisés et la suppression de certaines niches fiscales néfastes pour l’environnement. Quant aux socialistes, ils en profitent pour demander le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) et une taxation sur les superprofits.
Le logiciel macroniste semble formaté pour ignorer la réalité.
Au sein de la Macronie, seul le Modem est aujourd’hui favorable à une taxe sur les superdividendes. Mais la formation de François Bayrou ne compte pas vraiment aller beaucoup plus loin, ni imposer un rapport de force au sein de la coalition du bloc central. Il n’est donc pas certain que cette prise de position ait une grande influence. Tant le logiciel macroniste semble formaté pour ignorer la réalité.
Économie : plus de tabous pour les totems macronistes et L'austérité, parce que c'est leur projet !