« Le Vertige MeToo » : Caroline Fourest, l’antiféministe

Ne venez pas parler de continuum sexiste à la journaliste et essayiste, férue de « modération » et de sacro-sainte « nuance » : son dernier essai prouve qu’elle n’y comprend rien.

Arnaud Viviant  • 12 septembre 2024 abonné·es
« Le Vertige MeToo » : Caroline Fourest, l’antiféministe
Caroline Fourest, en 2016.
© JOEL SAGET / AFP

Le propos du nouvel essai de Caroline Fourest (1) est assez simple à lire. Il s’entend dès son introduction où les mots « Terreur » et « guillotine » clignotent comme des feux rouges dans la nuit des longs couteaux castrateurs où s’enfoncerait désormais le féminisme #MeToo. Cela va trop loin, nous dit Fourest, cela tombe maintenant dans le robespierrisme. Honnêtement, c’est une stratégie de défense aussi desséchée que François Furet lui-même, mais passons.

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Le Vertige MeToo, Caroline Fourest, 336 pages, Grasset.

Dans le robespierrisme, autrement dit en parlant le volapuk moderne : à « l’extrême gauche » toujours soupçonnée d’adorer le principal acteur de la première abolition de l’esclavage. Des communistes, dirait-on, si l’on ne craignait de blesser les actuels locataires tellement gentils de la place du Colonel-Fabien ; des révolutionnaires ou presque, même s’il demeure de bon ton d’en rire, de plutôt les traiter de révolutionnaires de salon ou de révolutionnaires en peau de lapin ou en carton. Naturellement, iels sont toujours à deux doigts de verser dans une forme ou une autre de stalinisme. Et là, pas la peine de vous faire un dessin de pingouins sur une banquise.

Caroline Fourest est « féministe, journaliste et réalisatrice » comme d’autres sont écologistes, laveur de carreaux et promeneur de chiens.

Bien sûr, Caroline Fourest est « féministe, journaliste et réalisatrice » comme d’autres sont écologistes, laveur de carreaux et promeneur de chiens. Dans son livre, elle ne manque pas de répéter aussi qu’elle est lesbienne, et même mariée à une femme qui pointe dans son récit comme celle de Columbo dans ses enquêtes. Ce que veut Caroline, c’est de la modération. La Tribune du dimanche ne s’y est d’ailleurs pas trompée, qui a salué en une « une féministe modérée ». On ne doute pas que son concurrent direct lui tressera aussi bientôt d’autres sortes de louanges énamourées, sous la belle plume d’Éric Naulleau, au hasard.

Sacro-sainte nuance

Dans ce système qui nous demande de consommer toujours plus avec toujours plus de modération, c’est cette dernière « valeur » que prône la classe qui s’estime dominante. En compagnie, bien sûr, de la sacro-sainte nuance dont ils et elles ne cessent de faire l’éloge quand ils passent dans une émission peu ou prou littéraire. La nuance, c’est-à-dire ce délicat camaïeu que forment leurs opinions et de leurs ressentis qu’eux seuls savent si bien tricoter, une maille à l’endroit, une maille à l’envers, le soir devant Netflix ou en écoutant un merveilleux podcast sur Simone de Beauvoir. Au nom de la nuance, Fourest voudrait d’ailleurs qu’on invente un objet qui aurait beaucoup fait rire Alfred Jarry et les surréalistes : « la guillotine à géométrie variable ».

Car il faut quand même savoir distinguer un geste déplacé d’un viol, tempère Fourest. Et ne venez pas lui parler du concept de continuum sexiste. Elle n’y entrave que dalle, bien qu’une touchante auditrice ait tenté de lui expliquer un matin sur France Inter. D’ailleurs, au fond, qu’est-ce qu’un viol ? Il y a une scène bien peu ragoûtante dans le livre. Notre féministe nous confie qu’un « ami du métier » du cinéma, « proche de la comédienne Adèle Haenel », lui « a raconté avoir baissé son pantalon pour lui montrer la cicatrice qu’il porte à l’anus en souvenir d’une agression : ‘Bon sang, Adèle, un viol, c’est ça !’ L’actrice appartient à une génération qui peine à faire la différence » conclut la réalisatrice.

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Quand Tristane Banon qu’elle a prise sous son aile à Franc-Tireur et que l’on voit maintenant tourner comme un hamster, avec les autres, du soir au matin, sur les chaînes d’infox ou pas, dénonce des années plus tard la tentative de viol de DSK sur sa personne, elle fait preuve d’un « féminisme équilibré et courageux » selon la journaliste. Mais quand Adèle Haenel dénonce les « agressions sexuelles » qu’elle a subies entre 12 et 15 ans par Christophe Ruggia, attention ! Cela a entraîné pour le réalisateur « une mort sociale, cette corrida » écrit soudain Fourest en pleine logomachie.

Que penserait de moi Caroline Fourest si j’écrivais qu’elle vit sous l’emprise de son épouse ?

D’ailleurs, à quoi bon selon elle se plaindre de l’emprise d’un homme dans son enfance, si c’est pour finir dans l’emprise d’une secte, Révolution permanente, qui plus est dirigée par un Français d’origine arabe ? Mais Caroline Fourest va encore plus loin dans loin dans l’indécence lorsqu’elle écrit que le manifeste par lequel la comédienne a annoncé qu’elle renonçait au cinéma pour ne plus faire que du théâtre, « se termine par une ode à Gisèle Vienne, la seule artiste digne de ce nom à ses yeux et sa nouvelle emprise amoureuse : une marionnettiste de théâtre qui manipule des ‘poupées cruelles’ ».

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Que penserait de moi Caroline Fourest si j’écrivais qu’elle vit sous l’emprise de son épouse ? Ou bien sous l’emprise de Philippe Val, son ancien rédacteur en chef à Charlie Hebdo ? Ou sous l’emprise de Denis Olivennes, l’homme lige de son patron, Daniel Kretinsky ?

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