« Que du vent », une intrigue bien ficelée ?

Yves Ravey met en scène la préparation d’un cambriolage.

Christophe Kantcheff  • 4 septembre 2024 abonné·es
« Que du vent », une intrigue bien ficelée ?
"Que du vent" est un réjouissant pied-de-nez aux prétendus impératifs narratifs. Une illusion comique.
© Mathieu Zazzo

Que du vent / Yves Ravey / Minuit, 123 pages, 17 euros.

Il faut se méfier d’Yves Ravey. On lui donnerait le bon Dieu sans confession avec ses romans, tous chez le même éditeur, Minuit, qui ne dépassent jamais les 150 pages, reviennent sur les tables des libraires à peu près tous les deux ans, dotés de personnages aux allures louches qui sont vraiment louches. Tout cela est rassurant et justifierait qu’on accorde à Ravey une entière et pleine confiance.

Mais voilà. Il y a toujours dans ses livres une carte biseautée, un tiroir à double-fond, une peinture en trompe-l’œil. Non qu’Yves Ravey serait un tricheur. Mais il n’aime rien tant qu’une ligne claire se perde soudain dans un brouillard, qu’une histoire se camoufle derrière ses propres apparences.

Le tout avec humour. Par exemple, dans ce nouveau roman, Que du vent, le narrateur, Barnett Trapp (Ravey affectionne les personnages aux patronymes anglo-saxons), spécialiste en faillites et dépôts de bilan, couvert de dettes, fait commerce de produits de nettoyage vaisselle qu’il amasse en quantité dans son hangar. Un de ses voisins, Steve, a connu la prison. Un autre, Miko, détourne de l’argent de sa société de blanchisserie, qui échappe ainsi à tout contrôle. Bref, le taux de délinquants au mètre carré de ce quartier est imbattable.

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Dans ce contexte on ne peut plus réaliste, une intrigue se déploie dont les protagonistes sont Sally, la femme de Miko, et Barnett. On croit d’abord à une idylle adultérine, le second étant en cours de divorce, la première assurant qu’elle aspire à une autre vie. La direction prise par l’intrigue est moins banale. Sally a imaginé un coup : le cambriolage de la somme contenue dans le coffre-fort de son mari.

Si elle a impliqué Barnett dans l’affaire, c’est, selon lui, parce qu’elle a été séduite et « sécurisée » par son « passage dans un commando des sections spéciales ». Un homme un vrai, ce Barnett, dont on imagine le regard affûté, la clairvoyance implacable. Tout a été pensé par Sally, femme de tête, qui repousse certains doutes émis par Barnett. Rien n’a été laissé au hasard… Ne disons rien de plus. Que du vent est un réjouissant pied-de-nez aux prétendus impératifs narratifs. Une illusion comique.

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Littérature
Temps de lecture : 2 minutes