Ça doit être épuisant de réfléchir aussi fort
Où notre chroniqueur toujours de bonne humeur revient sur les dernières fulgurances étincelantes du toutologue Raphaël Enthoven.
dans l’hebdo N° 1831 Acheter ce numéro
Le toutologue Raphaël Enthoven (1), en qui d’aucun·es, parmi l’édition parisienne, disent voir un « philosophe », n’est pas seulement l’expert ès-tueries qui, dans la toute fin du mois dernier, proclamait sur X (2), comme on l’avait relevé il y a huit jours dans cette colonne, qu’Israël, en bombardant Gaza et le Liban, était « en train de libérer les Palestiniens du Hamas et les Libanais du Hezbollah ». (Et qui, plus récemment – c’était le 4 octobre – est allé psalmodier sur BFMTV, avec le même aplomb, qu’« il n’y a[vait] jamais eu de génocide palestinien ».)
Spécialiste de tout, reconnu comme tel par les animateurs et animatrices des chaînes dites « d’information ».
Ex-Twitter.
Ce contrasté personnage a également – évidemment (3) – des avis sur l’actualité française, qui lui inspire, elle aussi, d’étincelantes fulgurances. Au mois de juillet dernier, comme on sait, la gauche unie au sein du Nouveau Front populaire a remporté, en France, le second tour des élections législatives, où les votant·es lui ont donné cette victoire pour faire barrage – une fois encore – à l’extrême droite. Après cela, comme on sait (bis), le chef de l’État français a confisqué cette victoire – avec l’appui et la complicité active de cette même extrême droite.
Puisque c’est à ce qu’il est tout à fait multiservice – et disposé à disserter de n’importe quel sujet que voudront bien lui tendre ses hôtes des plateaux de télévision – qu’on reconnaît absolument le véritable éditocrate.
En Autriche, quelques semaines plus tard, le dimanche 29 septembre, c’est au contraire un parti d’extrême droite, le FPÖ, qui a remporté les élections législatives – sans majorité absolue. Mais il n’est pas du tout assuré de gouverner, car les autres partis autrichiens refusent de s’allier avec lui.
Découvrant cela, Enthoven, encoléré par un post (4) d’Olivier Faure qui dénonçait le vol du résultat des législatives de juillet dernier par Macron et ses auxiliaires (et complices) d’extrême droite, a fait au premier secrétaire du Parti socialiste cette réponse, qui doit être citée dans son intégralité : « En Autriche, le FPÖ d’extrême droite est arrivé en tête des législatives la semaine dernière, avec près de 29 % des voix. Et pourtant, par le jeu des alliances, ils ne vont pas gouverner. Est-ce, à vos yeux, un déni de démocratie ? »
Ex-tweet.
En résumé, ce penseur d’exception a donc très sérieusement décrété que le fait que la plupart des principaux partis politiques autrichiens s’organisent en septembre pour faire barrage à l’extrême droite autochtone prouvait en quelque sorte qu’il était tout à fait normal que Macron ait confisqué deux mois plus tôt le vote des électeurs et électrices français·es qui avaient fait barrage à l’extrême droite hexagonale.
On n’a guère la place de s’étendre sur ce que dit, en creux, cette saillie enthovénique – mais reconnaissons qu’il doit être absolument épuisant de réfléchir aussi fort.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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