Où périt (aussi) la décence

Depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, pas un jour ou presque ne s’est écoulé sans que l’on apprenne au réveil, en parcourant l’actualité, que l’armée israélienne avait perpétré de nouvelles tueries. Et tous les jours, on redécouvre que ces atrocités ont des avocat·es dont l’indécence paraît illimitée.

Sébastien Fontenelle  • 2 octobre 2024
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Où périt (aussi) la décence
Manifestation de soutien aux Palestiniens, place de la République à Paris, le 22 octobre 2023.
© Maxime Sirvins

Il y a (presque) un an, on rappelait ici, quelques heures après l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023, que, pour le dictionnaire, le terrorisme est d’abord l’« ensemble des actes de violence qu’une organisation politique exécute dans le but de créer un climat d’insécurité », et que cette définition correspondait assez bien à cet assaut lancé par le Hamas contre Israël. On relevait, itou, que ce même dictionnaire propose également, pour le même mot, cette autre définition : l’« emploi systématique par un pouvoir ou par un gouvernement de mesures d’exception et/ou de la violence pour atteindre un but politique ».

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Depuis lors, et sans exagérer, pas un jour ou presque ne s’est écoulé sans que l’on apprenne au réveil, en parcourant l’actualité, que l’armée israélienne avait perpétré de nouvelles tueries. De nouveaux carnages.

En les massacrant par centaines, les Israéliens feraient aux Libanais·es, comme aux Palestinien·nes, l’admirable cadeau de la liberté.

Car depuis lors – depuis presque un an, donc -, fort de l’impunité (véritable permis de tuer) que lui consentent ses alliés et complices du monde « occidental » (1), Israël, en guise de représailles, poursuit à Gaza ce que l’historien Enzo Traverso appelle si justement, dans son magnifique dernier livre (2), une « guerre génocidaire » qui a déjà fait plus de 40 000 morts, et tue par centaines les Palestinien·nes de Cisjordanie – mais aussi, désormais, et par centaines aussi, et en justifiant là encore cette campagne de pure terreur par la nécessité d’en finir avec le terrorisme, des Libanais·es

1

Qui se trouvent être aussi, et par une divine et très lucrative coïncidence, les approvisionneurs de son armée.

2

Gaza devant l’histoire, Enzo Traverso, Lux.

Et depuis lors, on se répète, chaque matin, gorge serrée, tripes nouées, qu’on ne trouve plus de mots assez forts pour dire le dégoût et la rage – et l’immense peur, aussi –, qu’inspire, jour après jour, l’immensité de ces crimes. Et tous les jours on redécouvre, dans un nouveau surcroît de détresse, de colère et de honte, que ces atrocités ont des avocat·es – dont l’indécence paraît illimitée.

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Ce 28 septembre, l’éditocrate Bernard-Henri Lévy a ainsi déposé sur X, et parmi d’autres insanités, un post expliquant que le Liban, écrasé par les bombes israéliennes, était « au bord de la délivrance » et serait bientôt « libéré » – grâce, donc, à l’armée qui terrorise et massacre ses habitant·es. Le même jour, un autre haut penseur de télévision, Raphaël Enthoven, s’est de son côté soulagé, sur le même réseau, de cette profération : « En luttant seul pour sa survie, dans un climat de réprobation générale, sous les malédictions des belles âmes, Israël est en train de libérer les Palestiniens du Hamas et les Libanais du Hezbollah. »

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Ces deux piliers des zincs médiatiques où périssent la raison et la délicatesse l’assurent donc d’une même voix : en les massacrant par centaines, les Israéliens font aux Libanais·es, comme aux Palestinien·nes, l’admirable cadeau de la liberté. On est pour une fois content de ne disposer ici que d’un petit espace – et de ne plus avoir assez de place pour dire précisément ce qu’inspirent ces vomissements : on ne jurerait pas qu’on n’aurait pas usé de mots un peu vifs.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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