Quand Le Figaro oublie Le Figaro

Quand le quotidien pourfendeur de la dépense publique épingle avec justesse les « repas dispendieux » de Laurent Wauquiez à la présidence de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il omet juste de mentionner qu’il en a aussi bénéficié.

Sébastien Fontenelle  • 22 octobre 2024
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Quand Le Figaro oublie Le Figaro
© Martin Bureau / AFP

Le 10 octobre dernier, la chambre régionale des comptes (CRC) d’Auvergne-Rhône-Alpes a publié un rapport tout à fait accablant sur les dépenses de communication de cette région dirigée par la droite, à l’époque où elle était présidée par Laurent Wauquiez (Les Républicains) – lequel est par ailleurs, comme nous le savons, l’infatigable pourfendeur de ce qu’il appelle, dans un style où se reconnaît tout à plein le pire du pire de la méchanceté droitarde, « le cancer de l’assistanat ».

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Le jour même où ce rapport était publié, Le Figaro du groupe Dassault (1), qui de son côté (et lorsqu’il n’est pas occupé à encaisser les millions d’euros d’aides publiques à la presse qui lui sont très libéralement distribués chaque année) ne manque jamais une occasion d’exiger des baisses des impôts et une réduction de « la dépense publique », a consacré à ce document « particulièrement sévère » un premier article soulignant, avec beaucoup de justesse, qu’il « épingl[ait] plus particulièrement des frais de communication largement organisés autour de la personne de Laurent Wauquiez, candidat potentiel de la droite à la prochaine » élection « présidentielle », comme, par exemple, des « repas dispendieux ».

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Lequel est sous perfusion d’argent public depuis sa création.

Puis, quelques jours plus tard, Le Figaro est plus longuement revenu sur cette affaire dans un nouvel article narrant que « l’opposition » régionale « socialiste [voulait] connaître le détail » des coûteux « frais de bouche de Laurent Wauquiez » qui ont étonné la CRC. Plus précisément, ce papier, citant ses opposant·es de gauche au sein de l’exécutif régional qui dénoncent des « additions exorbitantes », rapportait que Wauquiez avait notamment dépensé « 5 140 euros pour un déjeuner d’affaire avec trois journalistes de Valeurs actuelles, 2 148 euros pour un repas avec Michel Houellebecq », et « 3 600 euros pour un dîner avec quatre membres du Conseil d’État ».

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Cet article du Figaro, dont l’auteur balançait au passage ses petits camarades réacs de Valeurs actuelles, était, reconnaissons-le, presque parfait. Mais il y manquait tout de même cette amusante information, qui se trouve à la page 60 du rapport de la chambre régionale des comptes : le 14 avril 2023, Laurent Wauquiez et « son conseiller » ont déjeuné avec trois journalistes du… Figaro. Coût de ces agapes : 1 740 euros. Soit, tout de même, près de 350 euros par tête de pipe. Payées par les contribuables, qui n’ont bien sûr jamais été consultés·es par Laurent Wauquiez sur l’utilité d’une telle dépense.

Et certes : c’est une coquette somme. Mais positivons : l’essentiel, après tout, est que Le Figaro, lorsqu’il ne fait pas payer par une collectivité locale les opulents repas de ses journalistes, continue courageusement son fier combat contre « la dépense publique ».

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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