« Un Amor » : se perdre à la campagne

La cinéaste espagnole Isabel Coixtet raconte l’arrivée d’une jeune femme seule dans un village.

Christophe Kantcheff  • 8 octobre 2024 abonné·es
« Un Amor » : se perdre à la campagne
Le film donne à voir une situation où se mêlent les sentiments complexes, douloureux d’une femme dans un environnement sexiste
© Arizona Film

Un Amor / Isabel Coixtet / 2 h 08

Nat (Laia Costa), jeune femme trentenaire, traductrice de profession, arrive de la ville pour s’installer dans un village perdu en Espagne. Elle se retrouve dans une maison aux murs vermoulus, sur le point même de s’effondrer, que lui loue un propriétaire sans scrupule. En outre, celui-ci lui donne d’autorité un chien couvert de cicatrices, témoignages de mauvais traitements.

Immédiatement, des hommes du village tournent autour de Nat : son voisin, marié, deux enfants, présent le week-end ; Píter, célibataire, confectionnant des vitraux sans âme, le genre à lui expliquer la vie en permanence. Mais personne pour faire le nécessaire chez elle afin que sa maison ne prenne plus l’eau. Sauf Andreas (Hovik Keuchkerian), surnommé « l’Allemand » dans le village, considéré comme un peu à part. Plus cash que les autres hommes : il propose à Nat d’accomplir les travaux et, en échange, de « le laisser entrer en elle un moment ».

Harcèlement

On s’étonnera peut-être du titre du quinzième long métrage de fiction d’Isabel Coixtet, reprenant celui du roman de Sara Mesa qu’elle a adapté, Un Amor (Un Amour, dans sa traduction française, Grasset, 2022). De telles prémices augurent mal d’une relation amoureuse. Pourtant, si elle accepte ce marché avec dégoût, passé la première relation sexuelle nauséeuse, Nat finit par revenir vers Andreas. Isabel Coixtet ne livrant aucune clé psychologique, le spectateur est libre d’imaginer ce qui pousse Nat dans les bras de cet homme taiseux, sans tendresse ni même écoute.

La cinéaste rend en tout cas cet « amour » crédible. Peut-être parce qu’elle fait ressentir la profonde solitude de la jeune femme et le harcèlement masculin plus ou moins appuyé dont elle est la cible. Il n’est pas anodin que les seuls liens vraiment chaleureux qu’elle entretient soient avec son chien et un vieux couple dont la femme est touchée par la démence. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer que les choses auraient tourné autrement si, au lieu de Nat, c’eût été un homme qui avait débarqué dans ce village.

Mieux qu’un film de dénonciation, Un Amor donne à voir une situation où se mêlent les sentiments complexes, douloureux d’une femme dans un environnement sexiste. Un beau film sensible.

Cinéma
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