Netanyahou : le temps de l’impunité

En attaquant le Liban, Benyamin Netanyahou dit vouloir « sécuriser » le nord du pays sous la menace des roquettes du Hezbollah. En pratique, c’est le rêve sioniste le plus radical qu’il s’emploie à réaliser.

Denis Sieffert  • 2 octobre 2024
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Netanyahou : le temps de l’impunité
Benyamin Netanyahou après avoir pris la parole lors de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations Unies au siège des Nations Unies, à New York, le 27 septembre 2024.
© Charly TRIBALLEAU / AFP

Où veut en venir Netanyahou ? Après 41 000 morts recensés à Gaza, après l’élimination du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et des centaines de morts civils au Liban, après des raids sporadiques mais meurtriers en Cisjordanie, la question des buts de guerre d’Israël se pose plus que jamais. Certes, Netanyahou, le corrompu, veut « durer » pour échapper à la justice. Mais c’est un objectif un peu faible pour justifier autant de tragédies. Certes, il veut « sécuriser » le nord du pays sous la menace des roquettes du Hezbollah. Mais l’objectif, pour compréhensible qu’il soit, aurait pu être atteint par d’autres moyens que la mort de milliers de Libanais et l’aventure d’une offensive terrestre. Un cessez-le-feu à Gaza, par exemple, qui aurait permis aux habitants en bordure de la frontière libanaise de rentrer chez eux, puisque telle était la demande du Hezbollah.

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Mais l’innocuité de la solution aurait déplu à ses amis fascistes Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Il lui fallait donc cette opération au Liban, pour consolider son pouvoir, et tenter de faire oublier l’abandon des otages. Et, de ce point de vue, l’assassinat de Nasrallah est un coup de maître. Mais il y a derrière tout ça un objectif d’une autre ampleur. Malgré les bombes et les massacres, la question historique ne se joue ni au Liban ni à Gaza. Netanyahou regarde vers le Jourdain, et peut-être même au-delà. C’est le rêve sioniste le plus radical. Celui que lui a transmis son père, secrétaire particulier du fondateur du courant de l’extrême droite juive, Zeev Jabotinsky (1880-1940).

L’extrême droite israélienne au pouvoir est en tout cas dans un moment d’hubris comme jamais auparavant. Plus rien ne la retient.

Netanyahou tire à l’extrême sur le fil de cette longue histoire coloniale dont le but est l’extension de l’État juif si possible jusqu’en Jordanie. Et les moyens sont connus : la force, la force sans limite. Ce que Jabotinsky appelait « la muraille de fer », non en référence à une quelconque barrière physique, mais en tant que doctrine de violence absolue. Avec, pour les Arabes, la considération que résuma un jour un proche de Jabotinsky : «Il faut créer une situation où la vie d’un Arabe ne vaudra pas plus que celle d’un rat. » Netanyahou croit-il ce moment venu ? L’extrême droite israélienne au pouvoir est en tout cas dans un moment d’hubris comme jamais auparavant. Plus rien ne la retient.

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Après l’anéantissement de Gaza en tant que société, l’élimination de Nasrallah est un moment de cette toute-puissance. Bien entendu, la mort du chef du Hezbollah ne nous arrachera pas une larme. On se souvient que ses miliciens sont allés massacrer les rebelles syriens à partir de 2013 pour sauver le pouvoir de Bachar Al-Assad. Les habitants d’Idlib, dernière position forte des rebelles, ne s’y sont pas trompés, eux qui ont exulté en apprenant la nouvelle. Mais on ne s’associera pas non plus à leur liesse. Nous savons trop ce que cela annonce pour les Palestiniens. Les divers fronts ouverts aujourd’hui ne sont que des étapes. Le Liban n’est qu’une éternelle victime collatérale du conflit israélo-palestinien.

Netanyahou peut avancer ses pions en toute impunité. Et que dire si Trump vient à l’emporter !

L’intelligence de Netanyahou est de présenter chaque pièce de ce puzzle macabre comme autant de guerres défensives. Mais les suprémacistes juifs Ben Gvir et Smotrich savent où ils vont. On se souvient de leur « Congrès de la victoire » à Jérusalem en janvier dernier. Pendant qu’Israël pleurait ses morts, onze ministres dansaient de joie. Une porte d’opportunité s’ouvrait à eux. De l’autre côté, les chefs de guerre du Hamas ont cru au réveil de la solidarité arabe. Mais rien n’est venu. Les pays du Golfe sont surtout intéressés par le profit qu’ils peuvent tirer d’une normalisation avec Israël.

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Quant à l’Iran, il n’a pas les moyens de riposter frontalement, et il est engagé dans un autre agenda. En témoigne la venue du président iranien, Massoud Pezeshkian, à l’Assemblée générale de l’ONU et ses rencontres très diplomatiques, dont celle avec Emmanuel Macron, et très transgressive avec un universitaire israélien. Le régime est occupé à réprimer la contestation des jeunes et des femmes. Mais il ne faut jamais exclure l’irrationnel d’un régime dont ne peut comprendre les logiques internes. Ainsi les missiles lancés le 2 octobre qui risquent de faire prétexte à Israël pour détruire les sites nucléaires.

Pour un temps, Netanyahou peut cependant avancer ses pions en toute impunité. Et que dire si Trump vient à l’emporter ! Seule restriction, mais elle est de taille, les peuples. À commencer par le peuple palestinien, que l’on ne pourra ni exterminer ni chasser. En Israël même, on comprend que si le dôme de fer peut intercepter les missiles, il ne peut offrir la sérénité. Netanyahou fait de son pays un objet de détestation quasi planétaire, et ce n’est pas le moindre de ses crimes.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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