Un sujet pour le bac de philo

En France, la presse et les médias mainstream continuent inlassablement à minimiser la gravité des exactions perpétrées par l’armée israélienne. Dernier exemple en date, avec le très réactionnaire Figaro.

Sébastien Fontenelle  • 15 octobre 2024
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Un sujet pour le bac de philo
Manifestation anti-gouvernementale, à Tel Aviv, le 6 juillet 2024.
© JACK GUEZ / AFP

Après qu’il a successivement, et en l’espace de quelques petits jours, menacé d’infliger aux Libanais·es le même traitement (génocidaire) qu’aux Palestinien·es de Gaza, puis (à mots à peine couverts) de tuer aussi les Casques bleus de la force d’interposition des Nations unies au Liban (Finul) qui se trouveraient dans les mires de sa soldatesque, puis lancé ses chars lourds à l’assaut d’une position de ladite Finul, même ses plus fervents fidèles mécènes occidentaux, parmi qui se comptent MM. Biden et Macron et le Bundeskanzler Olaf Scholz, vont désormais devoir se rendre au constat que M. Netanyahou, chef du gouvernement d’Israël, n’est plus contrôlable du tout – même, donc, par ses plus dévoués sponsors – et qu’il n’y a, semble-t-il, plus guère de limites aux appétits pour la tuerie de cet épouvantable personnage, en qui les historien·nes des temps futurs verront probablement l’un des pires criminels de l’histoire de l’humanité (1).

1

D’aucun·es trouveront cette phrase un peu longue, alors qu’elle ne fait que 968 signes, espaces compris : c’est leur droit le plus strict.

En France, pourtant, la presse et les médias mainstream continuent inlassablement, et systématiquement, à minimiser – pour le dire de façon un peu contenue – la gravité des exactions perpétrées par son armée. Il suffit, pour le vérifier, de se pencher par exemple sur le traitement très différencié que le très réactionnaire journal Le Figaro, propriété d’un marchand d’avions de guerre, réserve parfois aux deux principales actualités guerrières du moment.

Sur le même sujet : Netanyahou : le temps de l’impunité

Ainsi, quand l’armée russe, qui n’est pas moins criminelle que l’israélienne, bombarde l’Ukraine, Le Figaro titre (2), fort justement : « Guerre en Ukraine : des frappes russes font trois morts et une cinquantaine de blessés à Kharkiv. »

2

Le 22 juin 2024.

Dans cette circonstance, donc, la « guerre » est bien donnée pour ce qu’elle est, les auteurs des « frappes » sont précisément nommés, et Le Figaro ne dit pas d’où lui vient l’information, parfaitement exacte, selon laquelle ces bombardements ont fait trois morts et cinquante blessé·es : c’est du bon boulot journalistique, coco.

À quel moment les contorsions deviennent-elles des complaisances ?

Mais quand l’armée israélienne bombarde le Liban, le ton change, et Le Figaro titre (3) : « Tensions au Moyen-Orient : la Croix-Rouge rapporte une frappe ayant blessé des secouristes dans le sud du Liban. »

3

Le 13 octobre dernier.

Soudainement, donc, une guerre qui a déjà fait plusieurs milliers de victimes n’en est plus vraiment une : il s’agit plutôt de « tensions ». De la même façon, l’armée qui bombarde n’est plus identifiée : il n’est plus question que d’« une frappe », qui pour ce qu’on en sait pourrait tout aussi bien être l’œuvre du Mordor – et dont Le Figaro, refusant soudainement d’assumer pleinement l’information selon laquelle elle a « blessé des secouristes », préfère expliquer que c’est ce que « la Croix-Rouge rapporte ».

Proposition de sujet pour le prochain bac de philo : à quel moment ces contorsions deviennent-elles des complaisances ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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