Renvoi du procès Depardieu : « Porter plainte, c’est une journée sans fin »
Le procès de Gérard Depardieu, accusé d’agressions sexuelles par deux femmes, Amélie, décoratrice et Sarah*, troisième assistante réalisatrice, est finalement reporté aux 24 et 25 mars, l’acteur n’ayant pas pu être présent du fait de son état de santé.
Certaines ont fait plusieurs centaines de kilomètres pour être présentes. À commencer par Sarah*, l’une des deux femmes qui accusent Gérard Depardieu d’agression sexuelle lors du tournage de Volets verts, de Jean Becker. Celle qui était troisième assistante réalisatrice au moment des faits, en 2021, vient de Nantes. Elle a rejoint la seconde plaignante, Amélie, décoratrice.
Les prénoms suivis d’une astérisque ont été changés.
Malgré la douleur devant l’ampleur de ce procès historique, les deux techniciennes devront encore attendre : le président de la 10e chambre correctionnelle a décidé d’un renvoi au 24 et 25 mars. L’acteur, âgé de 75 ans, serait « extrêmement affecté », selon les mots de son avocat, Me Jérémie Assous. Ses médecins lui auraient déconseillé de se rendre à sa comparution. L’avocat avait annoncé l’absence de l’acteur le matin même dans les médias.
Une violence institutionnelle, en plus des violences subies.
B. Sabbah
Cette décision constitue une « violence institutionnelle, en plus des violences subies », avait anticipé Blanche Sabbah, autrice de BD et militante féministe, au cours d’un rassemblement organisé devant le tribunal de grande instance, à Paris, quelques heures avant la décision de renvoi. « Les victimes, elles, sont présentes. Elles sont dans ce chemin de croix que représente le fait de porter plainte contre une personne aussi célèbre », a-t-elle lancé face aux journalistes et au côté de plusieurs dizaines de femmes présentes. « Porter plainte est une journée sans fin »
De nombreuses organisations et personnalités étaient présentes pour soutenir les victimes. La Fondation des femmes, Osez le féminisme, le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), Mathilde Caillard alias MC danse pour le climat, les journalistes Victoire Tuaillon et Anna Toumazoff. Mais aussi des femmes politiques, comme les députées insoumises Gabrielle Cathala et Sarah Legrain, ou encore la conseillère écologiste de Paris, Raphaëlle Rémy-Leleu. L’absence d’homme politique de premier plan a été remarquée par plusieurs militantes. « Ils se sentent pas concernés ? C’est ahurissant », soupire l’une d’entre elles.
Ce rassemblement avait un objectif clair : « Faire comprendre à Gérard Depardieu que c’est un justiciable comme un autre et qu’il ne doit pas bénéficier de privilèges parce qu’il est connu », affirme Rebecca Wakim, animatrice au sein de l’association En Parler, une structure qui organise des groupes de parole entre victimes de violences sexuelles. À plusieurs reprises, les personnes présentes ont scandé : « Tu n’es pas la fierté de la France », en référence à la déclaration d’admiration qu’avait prononcée Emmanuel Macron en décembre 2023.
La déclaration d’Emmanuel Macron participe à forger une forme d’impunité symbolique à l’égard de certaines personnalités pourtant accusées de violences sexuelles. D’autant plus quand elle est lancée au plus haut niveau de l’État. Une sortie qui renforce la culture du viol, tout aussi centrale dans le procès des violeurs de Mazan, auquel de nombreuses pancartes font référence devant le tribunal, comme celle-ci : « Les monstres n’existent pas, les violeurs, si ! »
Lutte contre l’impunité
Quand on parle de ‘gros lourd’, de ‘gros dragueur’, ce sont des énormes signaux d’alerte.
C. de Haas
« Il est important pour nous de dénoncer l’impunité que l’on observe depuis des décennies. D’accord, il faut respecter la présomption d’innocence. Mais il faut aussi soutenir les victimes qui sont souvent très seules », décrit Louise-Anne Baudrier, chargée de mobilisation à la Fondation des femmes. La lutte contre l’impunité fait partie des 130 mesures pour une loi intégrale, « afin de mieux former à la prévention du risque, mieux former la justice, les policiers, les médecins, et avoir un budget bien plus ambitieux et plus de responsabilités dans les entreprises. »
Face à un climat sexiste où les victimes sont souvent pointées du doigt, Caroline de Haas, fondatrice d’Osez le féminisme, affirme : « Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elles subit ». Elle invite aussi à ne plus rien minimiser : « Quand on parle de ‘gros lourd’, de ‘gros dragueur’, ce sont des énormes signaux d’alerte », décrit-elle. Ces rassemblements portent aussi un enjeu fort, que la journaliste Anna Toumazoff a tenu à rappeler : « Il faut montrer à tous les Depardieu qui se cachent que des foules entières sont déterminées à ne pas se laisser faire. » En attendant que la justice fasse son travail.