Le CHU de Clermont- Ferrand, symbole d’un hôpital public malade et en colère

Alors que l’intersyndicale appelle à une grève nationale dans les hôpitaux publics, un mouvement social a déjà commencé à Clermont-Ferrand, le 9 octobre. En cause : les conditions de travail et la refonte des emplois du temps.

Élise Leclercq  • 31 octobre 2024 abonnés
Le CHU de Clermont- Ferrand, symbole d’un hôpital public malade et en colère
© Nathanael Melchor / Unsplash

Pour les soignant·es du CHU de Clermont-Ferrand, la goutte d’eau a déjà débordé du vase. 14 services sont en grève, soit plusieurs centaines de personnes selon les syndicats, certains depuis le 9 octobre. La cause ? Sous couvert d’un changement de logiciel nommé Chronos, la direction veut réorganiser les cycles de travail des agent·es du CHU avec de nouvelles trames qui doivent s’appliquer au 1er janvier 2025. 

Tout a commencé avec les aides soignant·es et les infirmier·es de nuit du service de chirurgie cardio-vasculaire. Certain·es agent·es ont vu leur planning modifié et leur repos remis en question, fragilisant ainsi « l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée » explique Siham Nouacer, secrétaire générale FO au CHU. 

Ils sont en train de faire de l’hôpital public un système marchand avec un taux d’occupation des lits.

C. Cibert

Une problématique d’autant plus importante pour les familles monoparentales : « Certaines femmes ont pris un emploi à 80 % pour pouvoir passer le mercredi avec leurs enfants. C’était un arrangement entre nous mais, maintenant, elles ne pourront plus le faire. Elles auront un jeudi, puis, la semaine d’après, un lundi… », grince-t-elle. 

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Les congés irréguliers auront également une incidence sur les personnes ayant un enfant en garde alternée : « Un agent est venu me voir me disant que, désormais, il allait travailler un week-end sur deux contre deux week-ends d’affilés actuellement, ce qui signifie qu’il doit prendre un avocat pour retourner voir le juge. D’autres se retrouvent à devoir prendre une nourrice quand ils ont la garde. »  

Le personnel déjà épuisé 

Pire encore, les nouvelles trames entraîneraient une augmentation du rythme alors que le personnel est déjà épuisé par un manque d’effectif. Hélène* a 40 ans et travaille depuis presque 20 ans en tant qu’infirmière de nuit au CHU. Elle fait partie d’un des premiers services dont la trame a été modifiée. « Nous aimons notre métier mais les conditions sont de plus en plus difficiles« , regrette-elle.

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Les prénoms suivis d’une astérisque ont été changés.

La soignante risque d’effectuer jusqu’à quatre nuits consécutives de 10 heures chacune, ce qui va avoir des conséquences sur elle, mais aussi sur les usagers. « Quand vous avez une réanimation à faire, vous devez être en pleine capacité de vos moyens, nous n’avons pas le droit à l’erreur », fustige-t-elle. « Je ne veux pas aller au-delà des valeurs que je me suis fixées, ni faire une croix sur ma vie personnelle et mes enfants. On n’est pas soignant pour aller à l’abattoir. »

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Un épuisement qui augmente le risque d’arrêts de travail et baisse d’attractivité du secteur : « Beaucoup de mes collègues sont partis en libéral », raconte l’infirmière. Résultat : des lits ferment par manque de personnel. Selon Christophe Cibert, représentant CGT, 67 lits ont fermé entre 2019 et 2023 à Clermont-Ferrand : « Ils sont en train de faire de l’hôpital public un système marchand avec un taux d’occupation des lits ». Dans une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée ce jeudi 31 octobre, près de 4 900 lits d’hospitalisation complète ont été supprimés en 2023.

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Pour Hélène*, maman de plusieurs enfants, le but est de rendre le personnel malléable et de faire des économies. Ce nouvel emploi du temps aura déjà un impact financier pour elle avec cinq week-ends de travail en moins, représentant environ 300 euros par an. Elle craint qu’à la longue, la question de la suppression des équipes exclusivement de nuit se pose. Chaque infirmier·e fera alors une alternance jour/nuit, et de fait, verra sa prime de nuit supprimée, correspondant à environ 200 euros par mois. 

« On veut détruire l’hôpital public »

Cette mobilisation résonne avec une autre, nationale. Depuis lundi 28 octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 est discuté à l’Assemblée nationale. L’intersyndicale a lancé un appel à la grève reconductible d’ici au 4 novembre pour dénoncer le manque de moyens attribué à l’hôpital public mais aussi le passage aux trois jours de carences (contre un seul actuellement). 

Il n’y a pas de dialogue avec la direction générale.

Hélène

Pour Christophe Cibert, cette fois, c’est clair : « On veut détruire l’hôpital public. On nous traite de fainéants, alors que tout le monde était bien content de nous avoir pendant la crise du covid-19« , poursuit-il.  Une exaspération qui vient surtout du manque de considération et d’informations. Selon les syndicats de Clermont-Ferrand, la décision de passer au logiciel Chronos a été prise sans aucune concertation : « Il n’y a pas de dialogue avec la direction générale qui nous renvoie vers le directeur des ressources humaines. »

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Dans le flou depuis des semaines, les agent·es demandent des réponses : « Pour l’instant c’est un monologue qui n’est pas constructif alors qu’on peut entendre qu’il faut faire des efforts », conclut Hélène*. Les syndicats espèrent pouvoir discuter et négocier prochainement. Contactée, la direction, elle, promet qu’elle communiquera « la semaine prochaine ». 

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