Montreuil : une cinquantaine de personnes expulsées du squat Gambetta avant l’hiver

Vers 6 heures du matin le 10 octobre, les forces de l’ordre ont délogé les habitants présents sur place, parmi lesquels des enfants et des femmes enceintes. La mairie dénonce une expulsion « inhumaine », les soutiens du collectif réclament des solutions pérennes de relogement.

Tristan Dereuddre  • 10 octobre 2024 abonné·es
Montreuil : une cinquantaine de personnes expulsées du squat Gambetta avant l’hiver
Selon Alexis Corbière, seules 22 personnes ont pu bénéficier d’une prise en charge éphémère d’environ deux semaines.
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Ce jeudi 10 octobre à l’aube, plusieurs voitures de la police nationale et fourgons de CRS ont fait irruption devant un immeuble situé au 31 rue Gambetta à Montreuil, pour expulser une cinquantaine de personnes. « Quand je suis arrivée tôt ce matin, j’ai retrouvé les autres en bas du bâtiment, devant la porte. Quand j’ai compris qu’on était expulsés, j’ai fondu en larmes », nous confie Mariam, habitante du squat, la voix pleine d’émotion. Les occupants, parmi lesquels des femmes – parfois enceintes – et des enfants, sont pour la plupart réfugiés. Ils avaient déjà été expulsés d’un autre squat à Montreuil, en août dernier, les forçant à revenir au 31 rue Gambetta, lieu qu’ils occupaient depuis deux ans.

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La menace d’expulsion désormais mise à exécution, les réfugiés se retrouvent plus que jamais sans solution pérenne. Certains, comme Mariam, n’ont d’autres options que la rue : « Ce soir, je vais dormir dehors avec mon mari. Nous n’avons pas d’autre choix », explique-t-elle. D’autres, comme Émilie, enceinte de plusieurs mois, disposent d’une solution de relogement éphémère : « Dans quelques jours, je n’aurai plus d’endroit où dormir. J’ai peur de vivre à la rue dans le froid, le vent et la pluie, alors que je peux accoucher à n’importe quel moment », s’inquiète-t-elle.

Timing cruel

Si l’expulsion s’est déroulée sans résistance, ses conditions ont été brutales. Sur place, plusieurs personnes se voient remettre un simple papier de la part de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl). L’adresse du siège de la Croix Rouge de Bobigny y est inscrite, sans qu’aucun numéro de téléphone ou courriel ne vienne en complément d’information. Pire, aucun bus ou autre moyen de transport n’est mis à la disposition des délogés pour accéder au lieu indiqué, situé à plus de 7 kilomètres et 1 h 30 de marche.

lls ne voulaient même pas nous laisser passer pour aller récupérer nos affaires.

Émilie

Selon les témoignages qui ont été apportés à Politis, plusieurs occupants n’ont pas eu le temps de partir avec leurs biens, restés à l’intérieur du bâtiment. « Ils ne voulaient même pas nous laisser passer pour aller récupérer nos affaires, même celles essentielles pour nos bébés », s’indigne Émilie. L’accès a rapidement été bloqué par les forces de l’ordre, à l’aide d’un ruban « JO 2024 ». Symbole cynique.

Les opersonnes expulsées n’ont pas été autorisées à récupérer immédiatement leurs affaires, mêmes celles pour les bébés. (Photo : DR.)
Le papier reçu par les personnes expulsées. (Photo : DR.)

Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis, a finalement réussi à obtenir de l’huissière de justice une autorisation pour que les habitants puissent récupérer leurs affaires demain, 11 octobre, en fin de matinée. Une maigre consolation tant le timing de cette expulsion paraît cruel : le 1er novembre prochain marque le début de la trêve hivernale, durant laquelle les occupants du squat n’auraient pas pu être délogés jusqu’au 31 mars 2024. « On était en désaccord total avec cette expulsion. Des gens se retrouvent dans la rue avec des solutions d’urgence extrêmement courtes, lorsqu’elles existent », dénonce Alexis Corbière.

On attend de la mairie qu’elle reloge de manière pérenne les habitant.es plutôt que de faire des tweets.

Ce dernier avait réclamé la réalisation d’un diagnostic social par la préfecture en cas d’expulsion afin d’évaluer les risques pour les personnes concernées. Parmi elles, on retrouve 4 enfants scolarisés, dont 3 au collège et un en école primaire. « C’est un vrai risque pour le suivi de leur scolarité », glisse Thomas Rigollet, collaborateur du député de la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis. D’après lui, 7 personnes et 3 enfants se retrouvent sans solution de relogement, alors que l’hiver arrive à grands pas. Seules 22 personnes ont pu bénéficier d’une prise en charge éphémère d’environ deux semaines.

Préfecture sourde

Initiés en avril 2024, les nombreux courriers adressés par Alexis Corbière et la mairie de Montreuil au préfet du 93, Jacques Witkowski, sont restés sans réponse. « Les demandes que nous avons adressées à la préfecture de ne pas expulser le lieu ont été ignorées », exprime la mairie dans un communiqué qui condamne fermement l’expulsion. « Elle ne fait qu’aggraver des situations déjà précaires et inacceptables […]. Le maintien de ces familles dans un minimum de stabilité, particulièrement pour les enfants scolarisés, n’a pas été pris en compte », peut-on lire.

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Un soutien qui ne convainc pas totalement le collectif du 31 rue Gambetta, qui avait sollicité la municipalité à de nombreuses reprises sans obtenir de solutions concrètes. « Faire des communiqués, c’est bien. Mais on attend de la mairie qu’elle reloge de manière pérenne les habitant.es plutôt que de faire des tweets », exprime un soutien du collectif. La mairie affirme de son côté que ses moyens sont saturés, et qu’elle ne peut pas « absorber seule les conséquences des décisions injustes de l’État ».

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