Mort de Moussa Sylla à l’Assemblée nationale : le parquet poursuit Europ Net
Selon nos informations, le parquet de Paris a décidé de poursuivre l’entreprise de nettoyage et ses deux principaux dirigeants pour homicide involontaire dans le cadre du travail, plus de deux ans après la mort de Moussa Sylla au cinquième sous-sol de l’Assemblée nationale.
Mise à jour le 29 octobre 2024
Plus de deux ans après la mort de Moussa Sylla, agent de nettoyage de l’Assemblée nationale, dans un accident de travail, un procès s’est tenu le 25 octobre. À la barre, l’entreprise sous-traitante qui l’employait – Europ Net – et ses deux dirigeants sont accusés d’homicide involontaire. La procureure a requis des peines de 150 000 euros d’amende pour l’entreprise et 18 mois d’emprisonnement avec sursis pour les deux dirigeants. La défense, elle, a demandé la relaxe, assurant que ces derniers n’avaient pas manqué délibérément à leur obligation de sécurité. Le délibéré sera rendu le 24 janvier.
Première publication le 23 octobre 2024
« Enfin ! ». Pour la famille de Moussa Sylla, la nouvelle fait office de soulagement. Et d’un début de justice. Selon nos informations, le parquet de Paris a décidé de poursuivre Europ Net, l’entreprise qui employait ce travailleur du nettoyage quand celui-ci est mort, au cinquième sous-sol de l’Assemblée nationale. Carlos De Moura et Stéphane Payan, les deux dirigeants de l’entreprise, sont également poursuivis. Ils sont présumés innocents.
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Dans le détail, cette « violation manifestement délibérée » est caractérisée par deux faits retenus par le parquet. En premier lieu, la mise à disposition d’une autolaveuse « non appropriée au degré d’inclinaison de la pente de la rampe de circulation qu’elle devait emprunter ».
En effet, le samedi 9 juillet 2022, c’est en empruntant la rampe allant du 4e au 5e sous-sol du Palais Bourbon que Moussa Sylla perd le contrôle de sa machine. L’autolaveuse prend alors de la vitesse et vient percuter un petit trottoir de protection. La force du choc éjecte le travailleur. Sa tête percute alors violemment le mur. Plongé dans le coma, il décède trois jours plus tard à l’hôpital du Kremlin Bicêtre.
Absence de formation
En second lieu, l’entreprise et ses représentants sont accusés de ne pas avoir fait bénéficier Moussa Sylla d’une « formation adaptée » à la conduite et à l’usage de cette autolaveuse. Cette question de la formation et de l’information est, depuis deux ans, soulevée par la famille du travailleur. « Ses collègues ont beaucoup d’interrogations sur l’existence d’une formation pour conduire cette machine, expliquait à Politis Danielle Cheuton, du collectif nettoyage Paris de la CGT, qui accompagne la famille Sylla, parce que cette machine n’est pas une petite machine. La preuve, c’est qu’il en est mort. »
Une interrogation que confirme donc le parquet qui juge que l’entreprise a mis à disposition du travailleur cette machine « sans lui prodiguer une formation préalable appropriée consistant notamment à l’informer du contenu de la notice d’instruction du fabricant ». Ces poursuites viennent durement mettre à mal la version d’Europ Net qui, dans un simulacre d’enquête interne que Politis vous révélait il y a un an et demi, concluait ceci : « Il en ressort [ ] que Monsieur Sylla Moussa savait utiliser la machine. Il en prenait soin. »
Cette enquête interne opérait aussi une forme de culpabilité du salarié : « Un de ses collègues a attiré notre attention sur le fait qu’il connaissait depuis plusieurs années Monsieur Sylla Moussa. Il ajoute que ce matin-là, Moussa Sylla a décidé de boire un café alors qu’il n’en buvait jamais. Il tenait à nous le dire (sic). » Une affirmation balayée par l’inspection du travail qui assure que le travailleur a effectué les choses dans les règles, de manière « très calme ».
Pour les faits retenus, l’entreprise risque jusqu’à 375 000 euros d’amende. Les deux dirigeants, eux, encourent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. L’audience est fixée au vendredi 25 octobre en début d’après-midi. Un délai ultracourt alors que la famille et ses représentants ont appris ces poursuites en début de semaine. « Visiblement ils nous ont oubliés. Nous n’avons rien reçu jusque-là », regrette Danielle Cheuton. Un oubli qui ne prend pas, pour autant, le pas sur la joie d’avoir enfin un procès pour obtenir la vérité et la justice sur cet accident de travail.